Proposition de classification des élèves en difficulté au CP et remédiation

Actualités Orthophoniques Mars 2003 (volume 7, n°1)
Les articles écrits par des enseignants spécialisés ou par des psychologues scolaires sont souvent intéressants pour notre propre pratique, car ils procurent une analyse certes différente mais complémentaire autour des enfants en difficultés d’apprentissage.
Bien sûr, le domaine de l’éducation n’a pas les mêmes yeux que nous pour observer l’échec scolaire. Ici par exemple, l’auteur avance que les causes de cet échec peuvent être attribuées (selon les études et les courants de pensées) à :

• l’élève lui-même (QI insuffisant, problèmes psychologiques…)

• la famille (milieu défavorisé, déficience culturelle…)

• la société (chômage, ghetto, banlieue…)

• l’école (méthodes de lectures, enseignants, courants pédagogiques)

Il n’y a donc dans ce discours aucune trace de troubles spécifiques du langage, ce qui pourrait tout de même surprendre, mais reste simplement dans la logique globale de l’institution (NDLR : ce qui bien sûr ne facilite guère les choses lors de nos rencontres…).

Mais passons outre et reconnaissons l’intérêt réel de l’article de Mme Berlioz.

Au delà de l’analyse des troubles médicaux et des déficits langagiers et cognitifs, notre attention, lors du bilan ou au cours de la rééducation, se porte naturellement sur l’état émotionnel et sur la personnalité de l’enfant et de son entourage. Non pas pour singer à minima nos confrères psychologues, mais bien parce ces composantes sont partie prenante de notre intervention. Pourtant, si nous ressentons indéniablement certains problèmes, nous n’avons guère de grille d’analyse et nous restons ainsi dans un flou certain.

Mme Berlioz choisit ici de s’intéresser non pas à la souffrance de l’enfant en échec scolaire, mais à la « part prise par l’enfant dans son échec ».

Pour certains cette idée peut apparaître iconoclaste voire choquante. Pourtant les éléments proposés ici trouvent une résonance totale dans notre travail.

L’auteur propose la piste suivante : « Les difficultés d’un enfant à l’école sont la conséquence d’un comportement scolaire inadapté mais qui trouve sa logique dans un autre système. »

Ou encore « l’inadaptation scolaire provient du transport à l’école de comportements acquis à la maison et incompatibles avec les exigences de l’école ».

La réponse de l’entourage aux actes d’un enfant « modèle sa vision du monde et détermine quelles attitudes sont adaptées ou inadaptées ».

En fait chaque acte de l’enfant, à l’intérieur de l’institution scolaire, « véhicule un message » qui reflète une conviction familiale.

« Le comportement de leurs parents les ont conduits à penser et à agir d’une certaine façon et continue le plus souvent à les conforter dans ces convictions ». (NDLR : les parties en gras le sont à notre initiative).

Quatre profils sont proposés :

1. L’élève non mandaté

« L’école et ce qu’on y fait n’est pas important ».

« Les enfants viennent à l’école en touristes »

« L’enfant n’est pas investi d’une demande parentale claire et ferme d’aller à l’école pour apprendre et réussir »

Cet enfant subit la classe, privilégie la récréation sur les cours. L’important est qu’un exercice soit fait…qu’importe qu’il soit faux ou juste…

Les parents ne font guère de commentaires sur les résultats, ne vérifient guère les exercices à faire.

Souvent ils ont eux-mêmes eu une scolarité difficile et les « médiocres résultats sont acceptés comme naturels ».

2. L’enfant roi
« Je n’ai à obéir à personne, c’est moi qui décide »

Ces enfants ne reconnaissent pas l’autorité des adultes, et donc de l’enseignant.

L’enfant est resté au stade de la toute-puissance. « Il se considère comme le centre du monde ». Ce type d’enfant a souvent des difficultés dans ses relations avec les autres, d’où des conflits entraînant des attitudes paranoïaques.

« Il a l’habitude de faire ce dont il a envie quand il en a envie ».

« Il possède une haute opinion de lui-même » et « ne s’abaisse pas à apprendre, refuse qu’on l’aide, qu’on lui « montre », qu’on lui explique.

Les parents présentent un profil spécifique. Ils sont aux petits soins pour leur enfant et se plient à ses moindres désirs.

« Il est impensable pour eux de le punir ».

Les devoirs constituent le plus souvent une épreuve de force et « les parents ne sortent pas souvent vainqueurs ! »

3. L’enfant assisté
Il manque d’autonomie et il est convaincu que le rôle de l’adulte est de l’assister en toute chose. Il est également très immature dans ses relations sociales.

Ces enfants sont incapables d’obéir à une consigne collective , ils gèrent mal leurs affaires et ont en permanence besoin d’une impulsion de l’adulte. En fait, ce type d’enfant ne se sent responsable de rien. Tout lui est extérieur et il est comme téléguidé.

La famille entretient cette dépendance. « Elle répond à ses demandes d’aide de façon disproportionnée par rapport à ses besoins et à son âge. »

« Il est encore petit, vous comprenez »…

La maman est le plus souvent hyper-efficace et très performante, accompagnant l’enfant et le poussant à chaque étape.

« Rien n’est grave puisque Maman est là ».

4. L’enfant indigne
« Il ne se sent pas à la hauteur de ce qui lui est demandé »

« Il refuse de se mesurer à une tâche tellement il est convaincu d’échouer ». Il ne fait pas confiance à ce qu’il pense et « rien n’est plus facile que de le faire douter de sa réponse ».

Le plus souvent, son sentiment d’incapacité le plonge dans la passivité et la dépression.

Il y a souvent une composante obsessionnelle dans la famille et l’enfant comprend très vite que l’à peu près n’est pas acceptable.

« Il préfère ne rien faire quand il n’est pas absolument sûr de lui ».

Il n’est jamais content de lui car il met la barre trop haut.

L’auteur propose des « rééducations » de ces enfants et de leur famille. Avec un axe essentiel : ne pas stigmatiser les parents mais les aider à changer. Il faut instaurer une collaboration avec eux pour qu’ils changent d’attitude et aident eux-mêmes leurs enfants.

Car « s’attaquer » directement à l’enfant serait le mettre dans une inconfortable situation puisqu’il est habitué à se conformer aux « désirs » de ses parents.

D’un point de vue orthophonique, cette lecture est sans doute très intéressante et elle structure ce que nous ressentons. A nous de voir comment l’intégrer dans notre travail permanent de guidance.

Pour en savoir plus :

« L’approche systémique des troubles de l’apprentissage »
G. EVEQUOZ
Psychologie Scolaire, n°60, 1987

« Systémique et rééducation, la mobilisation des compétences parentales »
Anne BERLIOZ
Thérapie familiale, n°1-20, 1999
Anne BERLIOZ

Psychologie & Education, n°51, 2002