Actualités Orthophoniques Juin 2002 (volume 6, n°2)
Si vous cherchez un article complet sur la mémoire verbale…en voici un !
Comme les auteurs de cet article, nous avons tous remarqué le déficit fréquent des capacités de rétention verbale chez les enfants ayant un trouble spécifique du langage (oral). Cependant, ce simple constat conduit-il à une relation objective entre les deux ? Les auteurs partent du principe qu’un déficit de la mémoire verbale pourrait être considéré comme un marqueur des troubles spécifiques d’acquisition du langage.
L’article commence donc par un rappel théorique sur la mémoire de travail, en exposant les différents modèles d’organisation en mémoire, et plus particulièrement celui de Baddeley et celui de Just et Carpenter. Sans développer dans ce résumé les différentes théories, notons quand même que pour Baddeley, la mémoire verbale de travail se réfère au matériel phonétique à retenir qui peut être encodé phonologiquement avec précision, et stocké temporellement, pour être ensuite redonné à n’importe quel moment. Les auteurs parlent alors de mémoire de travail phonologique (PWM), parallèlement à la théorie de Just et Carpenter s’orientant plutôt vers une mémoire verbale fonctionnelle (FWM). Pour Just et Carpenter, la capacité à retenir est liée à deux fonctions qui s’activent simultanément, celle du stockage de l’information, et celle du traitement de l’information (compréhension du message).
L’article se poursuit donc par l’analyse de la mémoire verbale de travail dans le développement normal du langage chez l’enfant. A travers les résultats de plusieurs études, les auteurs mettent en évidence que :
– les capacités en mémoire phonologique de travail sont étroitement liées au développement lexical des enfants d’âge préscolaire (entre 4 et 5 ans). La capacité à répéter des non mots serait un bon révélateur des capacités en PWM car cette répétition nécessite un encodage précis et une restitution, sans faire intervenir la compréhension. La PWM permettrait donc l’apprentissage de la forme phonologique des nouveaux mots, d’où l’acquisition lexicale.
– Au niveau des acquisitions syntaxiques et morphologiques, il y a moins d’études. Cependant certains auteurs pensent que les capacités en PWM peuvent être mises en relation avec le langage spontané des enfants de 3 ans. La PWM jouerait donc un tôle important dans l’acquisition des structures syntaxiques.
En ce qui concerne la mémoire verbale de travail chez les enfants ayant des difficultés d’acquisition du langage, les auteurs mènent leur analyse à partir des deux modèles théoriques :
Au niveau de la Mémoire de Travail Phonologique
– les capacités de traitement et de stockage des informations phonologiques sont réduites chez ces enfants : ils ont plus de difficultés dans les épreuves de répétition de non mots de 3 ou 4 syllabes que dans la répétition de non mots d’une ou 2 syllabes. D’autres recherches de Baddeley ont d’ailleurs montré que ce déficit n’était pas lié à un trouble perceptif, ni à un trouble d’encodage phonologique, ni à la répétition verbale en elle-même, ni aux capacités articulatoires. Pour lui, le déficit des capacités de PWM des enfants ayant des troubles d’acquisition du langage sont liées à des difficultés de représentation du matériel phonologique et de stockage.
Au niveau de la mémoire verbale fonctionnelle (FWM), il n’existe encore que très peu d’études. Cependant, elles révèlent que les enfants ayant des troubles d’acquisition du langage ont aussi un déficit au niveau des capacités en FWM. Ce déficit est mis en évidence par des épreuves de mémorisation de listes de mots. Les recherches ont montré que la mauvaise organisation en mémoire sémantique des enfants avec des troubles d’acquisition aurait une implication importante dans la relation entre les capacités de la FWM et les difficultés de compréhension observées chez ces mêmes enfants.
Les auteurs s’intéressent ensuite à la relation existant entre la mémoire verbale de travail et les capacités d’apprentissage lexical et morphologique des enfants SLI. Les résultats des différentes études présentées montrent que ces capacités sont étroitement liées aux capacités de la mémoire verbale de travail. D’autres études montrent que les capacités en mémoire verbale de travail jouent aussi un rôle important dans les capacités de compréhension de phrases.
Quelles implications peut-on tirer de ces recherches ?
La répétition de non-mots (dans la mesure où ces tests sont standardisés) est un bon indicateur des capacités en PWM, et donc, en partie, des capacités d’apprentissage.
Les auteurs proposent donc alors quelques pistes rééducatives. En voici quelques-unes extraites de l’article :
L’amélioration des capacités en PWM a pour objectif de développer les capacités d’encodage et de stockage phonologique, particulièrement chez les enfants d’âge préscolaire (moyenne et grande section). Pour cela, il sembles utile de proposer des activités d’écoute et de répétition de comptines, entraînant l’enfant à jouer sur la structure phonologique des mots.
Les auteurs proposent aussi la répétition de non-mots ou de mots non connus de l’enfant. Cette activité développe les capacités de l’enfant à combiner le matériel phonologique et crée ainsi de nouvelles représentation phonologique en mémoire.
Des exercices de recherche de phonèmes cibles en début ou fin de mots sont aussi conseillés, et en règle générale, tous les exercices de travail des capacités métaphonologiques améliorent la PWM.
Chez les plus âgés, notamment les adolescents, le travail se fera en relation avec la compréhension, le but sera alors d’améliorer le stockage des informations. Les auteurs proposent alors des exercices de répétition verbale ou des exercices autour de paraphrases, toujours avec l’objectif de s’appuyer sur la compréhension pour favoriser la rétention en mémoire verbale.
En conclusion, cet article de MONTGOMERY est un condensé des dernières recherches à propos de la mémoire verbale de travail et offre, en plus, quelques pistes rééducatives, même si elles sont restreintes et de références assez anciennes, non négligeables.
J W. MONTGOMERY
American Journal of Speech-Language Pathology, février 2002, vol 11, p 77-91