Un Centre de référence sur les troubles de l’apprentissage du langage chez l’enfant

Actualités Orthophoniques Mars 2002 (volume 6, n°1)
Le (fameux) Plan d’Action sur les Troubles du Langage (Mars 2001) a donné naissance à des Centres de Référence, qui risque de devenir tout aussi fameux !!
Ces Centres ont deux vocations :

1 – Confirmer le diagnostic et élaborer un bilan pluridisciplinaire, afin de développer un projet thérapeutique . Cette action doit se faire à la demande des intervenants scolaires ou des professionnels de santé (médecins ou orthophonistes).

2 – Permettre une rééducation intensive et spécialisée.

Dans son article, C. BILLARD évoque d’abord les différents troubles du langage, tant à l’oral qu’à l’écrit. Pour nous orthophonistes, il n’y a guère de révélations : mais n’oublions pas que c’est la revue des Psychologies Scolaires..

Relevons tout de même plusieurs points, argumentant ainsi nos connaissances plus ou moins implicites…

Les troubles du langage oral.

L’auteur rappelle que jusqu’à 3 ans, 3 ans et demi, l’évolution des systèmes phonologique et syntaxique est très variable selon les enfants. Par contre, il y a une sorte de point commun à cet âge…Sauf pour 7% des enfants qui présentent un déficit de l’expression, ou de la compréhension ou des deux versants. Et 40% de ces enfants montreront encore à 7 ans et demi un trouble du langage, oral ou écrit. « Attendre », qui est le point de vue de pas mal de médecins, est donc une erreur, même s’il ne faut pas dramatiser les choses, du moins lorsque les troubles sont isolés.

Elle rappelle qu’il faut clairement différencier les troubles secondaires du langage (par exemple liés à un retard mental, à un trouble de la personnalité, à un trouble « médical » – surdité, IMC…- ou à une carence psychoaffective) et les troubles spécifiques.

Il est également nécessaire de bien différencier le retard de langage et la dysphasie.

Dans le premier trouble, il s’agit d’un déficit isolé de la production phonologique (simplification mais avec une cible reconnaissable) et syntaxique (pas d’articles, non conjugaison des verbes…). « Le langage s’étaye sur celui de l’adulte ».

La dysphasie est un trouble spécifique, structure, durable (bien au-delà de 6 ans) mais rare (0,5 à 1% des enfants).

Le langage reste inintelligible au delà de 6 ans, même pour l’entourage. La phonologie et l’organisation de la syntaxe sont toujours touchées, mais sous des formes et des intensités variables. Il y a de nombreux signes de déviance, y compris des paraphasies, des conduites d’approche ou des complexifications. Les productions ne sont pas stabilisées et il y a coexistence de structures erronées, simplifiées, pathologiques et normales.

L’atteinte du versant réceptif est très variable, mais il y a toujours un trouble de la perception des sons.

Les troubles du langage écrit sont constants, mais avec une grande variabilité y compris longitudinalement.

Il est donc indispensable d’évaluer finement, et régulièrement, afin d’adapter le projet thérapeutique. Ainsi, sur 14 enfants dysphasiques devenus adultes, 2 ont un langage quasi-normal mais 4 restent difficilement intelligibles.

Quant à l’étiologie, elle reste mystérieuse, même si de nombreuses pistes existent (gène « speech1 » en lien avec une forme familiale, asymétrie du planum – le cerveau singulier décrit par Michel Habib, épilepsie…).

Les troubles spécifiques des apprentissages du langage écrit.

Selon l’auteur, « les déficits du développement du langage oral sont très fortement prédictifs d’un déficit ultérieur en lecture. » Dans un article de 1991, l’américain Menyuk montre que la quasi totalité des enfants dysphasiques sont mauvais lecteurs à 8 ans, contre 25% pour les enfants ayant eu un retard de langage.

Il semblerait possible d’identifier un trouble fondamental du traitement de la parole commun aux dyslexies et aux dysphasies.

L’auteur présente ensuite le modèle de lecture de Frith (stades logographique, alphabétique et orthographique) et pose quelques jalons pour l’évaluation. Les différents types de dyslexies (phonologique, de surface et visuo-attentionnelles) sont précisés.

A propos de l’intervention, l’auteur indique que « la rééducation des dyslexies doit être précoce, sans attendre les deux ans de décalage de la définition, le plus souvent intensive (3 fois par semaine) et surtout précisément adaptée au trouble de l’enfant ». (NDLR : voilà qui permettra de conforter certaines de nos demandes !).

Enfin, elle rappelle la mauvaise adaptation pédagogique qui consiste à donner 10 heures de français « pour rien » à des enfants dyslexiques ou mauvais lecteurs.

La suite de l’article est directement relatif au titre initial, à savoir le fonctionnement du Centre de Référence.

L’unité accueille les enfants entre 5 et 12 ans, porteurs d’une dysphasie ou d’une dyslexie, donc d’un trouble spécifique et sévère, à savoir :

Pour les dysphasiques :

• Un langage sévèrement déficitaire à une batterie étalonnée.

• Ce déficit doit être spécifique

• Un QI performance supérieur à 80.

• Un trouble de la personnalité ou autistique doit être exclu.

• Le comportement doit être compatible avec les exigences scolaires (NDLR : qu’en est-il de l’hyperactivité ?).

Le Cours Préparatoire, inclus dans le Centre, est aménagé pour obtenir une pédagogie adaptée tout en permettant une rééducation intensive.

Pour les dyslexiques :

• Les caractéristiques sont identiques à celles des dysphasiques. En fait seuls les enfants « en grande situation d’échec scolaire malgré une rééducation orthophonique bien conduite (sic) » sont retenus. Par exemple, lecture non acquise malgré deux années de primaire ou très déficitaire en fin de primaire.

La sélection se fait par les CCPE et les CDES. Une évaluation complète est réalisée. L’intérêt est celle d’une rééducation intensive, d’une pédagogie en petit effectif, précisément adaptée et articulée sur la rééducation.

Les dysphasiques sont à plein temps la première année, puis à mi-temps. Les dyslexiques peuvent être à plein ou mi-temps.. Le temps moyen de passage au Centre est de 2 années.

Les séances d’orthophonie sont quotidiennement de ¾ d’heure. Il y a aussi un travail de groupe avec l’enseignant. Des ergothérapeutes rééduquent le graphisme. Une psychothérapie ou de la psychomotricité sont possibles.

Selon l’auteur, tous les enfants ont appris à lire, même s’ils n’étaient pas lecteurs depuis plusieurs années !

NDLR : La panacée !!!
Catherine BILLARD

Psychologie & Education, n°47, Décembre 2001