Explorations du langage par des stimulations électriques directes peropératoires*
V. LUBRANO et coll
Revue de Neuropychologie 2012 – N°4-2 Avril 2012
Les premiers travaux dans ce domaine datent du XIXème siècle mais il faut attendre les années 1960 (travaux de Penfield) pour que les stimulations électriques cérébrales deviennent une technique standardisée bien maitrisée.
Cette technique est particulièrement utilisée dans le traitement chirurgical de l’épilepsie et des tumeurs cérébrales.
Elle a permis une meilleure qualité de la chirurgie, à la fois en matière de survie et de préservations des fonctions cérébrales essentielles. Mais également une meilleure compréhension du rôle des zones cérébrales impliquées dans le langage.
Une sonde est appliquée directement sur le parenchyme après ouverture du crâne (trop sensibles, abstenez vous de regarder les photos couleur de l’articles !) et délivre un courant électrique sur une surface limitée à 1 cm2. On augmente l’intensité jusqu’à obtenir une réponse.
« La tâche de dénomination d’objets est l’épreuve peropératoire de référence ». Les stimuli utilisés sont en général ceux de la batterie de Snoodgrass et Vanderwart (1980)*.
On peut ainsi obtenir une cartographie individuelle du cerveau du patient qui identifie les sites « essentiels » du langage. Cela a permis d’améliorer la qualité de vie des patients porteurs d’une tumeur cérébrale (résultat fonctionnel immédiat et meilleur devenir neurologique) car la prise en compte des données individuelles issues de la stimulation électrique permet une chirurgie « personnalisée ».
Cette technique de stimulations a permis également de mieux comprendre l’organisation des aires du langage. Ainsi on a constaté des arrêt brutaux de la parole ou des vocalisations lors de la stimulation des aires sensorimotrices ou des syndromes aphasiques (anomie, répétitions de mots et de syllabes, défaut de persévération…) après stimulation de la région périsylvienne. Cela correspond bien aux deux pôles classiques pôle antérieur (Broca) et pôle postérieur (Wernicke). Et il faut ajouter l’AMS (Aire motrice supplémentaire) qui se trouve hors des zones classiques mais qui a une fonction langagière.
Toutefois les travaux d’Ojemann ont montré une très nette variabilité interindividuelle, à l’intérieur de la zone fronto-temporo-pariétale gauche d’où l’intérêt de connaître « individuellement » le cerveau.
La dénomination d’objets est une tâche complexe, faisant intervenir de multiples processus (sémantiques et phonologiques) dont le détail est proposé dans l’article avec l’appui d’une carte précieuse.
Ainsi cette technique a permis de mieux comprendre l’implication de chaque région cérébrale dans le déroulement d’un acte de langage, renforçant les hypothèses proposées par les chercheurs.
Pour en savoir plus…..
- Peropératoire
Qui a lieu au cours d’une opération chirurgicale.
- Snoodgrass et Vanderwart
Il existe en Francophonie les épreuves de dénomination DO80 (de Gérard Deloche) et Lexis (de l’équipe belge de Marie-Pierre Departz et coll). Aux USA, c’est le Boston Naming test qui est très utilisé. Et les noms de Snoodgrass et Vanderwart n’évoqueront pas grand chose pour la plupart d’entre nous.
Pourtant leur test de 260 images paru en 1980 peut rester d’actualité. Car il apparaît à la fois complet et raisonné. L’article intégral que vous pourrez lire en suivant le lien ci dessous (hélas pour certains en langue anglaise) décortique parfaitement la méthodologie du choix des 260 images et du testing permettant de les valider. Et en plus il offre (en format un peu petit mais tout cela peut s’arranger) l’intégralité des images. http://wexler.free.fr/library/files/snodgrass