Et si rien n’est définitivement attesté, les travaux récents vont dans un même sens, bien loi de l’approche psychanalytique qui a longtemps sévi
Un article de CAZEZIAN et CHOKRON, paru en 2012 dans la Revue de Neuropsychologie propose une synthèse sur les connaissances actuelles en matière de localisations cérébrales dans l’autisme.
A la recherche d’une atteinte cérébrale dans l’autisme :
où en sommes-nous ?
C. CAVEZIAN et S. CHOKRON
Revue de Neuropychologie – N°4-1 – Mars 2012
La première définition de l’autisme date de 1943… 70 ans bientôt! Et les traits proposés par Kanner étaient déjà très précis.
En 1975, l’OMS a créé le terme de « trouble envahissant du développement » qui regroupe d’autres pathologies (comme le syndrome d’Asperger ou le syndrome de Rett) autour de l’autisme. Un consensus est apparu selon lequel les différents TED pourraient se situer dans un même continuum, « le spectre autistique ».
Pour mémoire, rappelons les éléments de ce TED :
– altérations qualitatives des interactions sociales réciproques et des modalités de communication
– répertoire d’intérêts et d’activités restreint, stéréotypé et répétitif.
– Cela constitue une caractéristique envahissante du fonctionnement du sujet, en toutes situations.
Mais qu’en est-il du fonctionnement même du cerveau dans cette pathologie ? « De nombreuses anomalies cérébrales ont été mises en évidence dans les TED sans qu’elles soient retrouvées systématiquement » et les circuits en cause restent toujours hypothétiques.
* L’apparence générale du cerveau ne présente pas de caractéristique spécifique, même si des volumes cérébraux spécifiques peuvent exister.
* Les investigations microscopiques ne s’avèrent pas décisives (diminution du nombre des cellules de Purkinje au niveau du cervelet, tronc cérébral..).
« Mais ce constat neuroanatomique ne s’accompagne pas pour l’instant d’une quelconque corrélation avec les troubles cognitifs et comportementaux. »
* Il existe certaines spécificités de l’activité électrique cérébrale chez les enfants autistes (environ 60%). Mais il n’y a pas de modèle constant et donc pas de lien de causalité entre anomalies EEG et troubles autistiques.
* Une étude a montré que l’épaisseur corticale était moindre chez les adolescents et les jeunes adultes autistes.
* La neuro-anatomie fonctionnelle parle-t-elle davantage ?
En matière de langage, on note une réduction de l’activité dans l’aire de Broca et une augmentation dans celle de Wernicke. Il y a aussi un recrutement des mêmes aires dans l’hémisphère droit. Il existe donc une réduction de la prédominance de l’hémisphère gauche.
Le gyrus fusiforme est dévolu au traitement des visages chez le sujet sain. Or chez l’autiste il est bien moins activé (mais sans encore assez de précisions et de constance). Par contre les aires normalement utilisées dans le traitement des objets seraient utilisées. Les autistes ne traitent donc pas les visages comme un ensemble mais comme une série d’objets sans signification humaine et sociale.
Un ensemble de zones (amygdale, gyrus fusiforme…) cérébrales serait dévolu à l’analyse de la perception sociale (expressions faciales mais aussi mise en place d’un comportement adapté à partir des indices sociaux relevés – théorie de l’esprit). Or toutes ces structures montrent des dysfonctionnements.
La plupart des études montre des anomalies du fonctionnement du lobe frontal, ce qui pourrait expliquer les troubles de la mémoire de travail et des capacités d’inhibition chez les autistes. Mais de nouvelles études sont indispensables pour préciser ce domaine.
Dans des épreuves verbales, on note un recrutement des aires visuelles (normalement non utilisées) et une plus faible utilisation des aires frontales.
En conclusion de ces données issues de la neuro-anatomie fonctionnelle, on constate une réduction de l’activation du réseau classique versus un recrutement d’aires atypiques, en particulier occipitales (visuelles). Il y aurait donc un déficit dans la réalisation normale de certaines tâches compensé par l’utilisation d’autres zones. Ceci concerne les activités cognitives mais moins bien le comportement.
Sans entrer dans de très complexes détails, on peut noter que plusieurs études mettent en avant des anomalies de la connectivité entre plusieurs régions cérébrales, sans doute d’origine développementale, incluant des défauts dans la structure même de la substance blanche.
Il existe donc indéniablement des différences entre le profil « cérébral » d’un autiste et celui d’une personne normale. Mais il ne s’agit pas d’un déficit localisé mais plutôt d’une atteinte dynamique « distribuée » entre plusieurs facteurs (neuroanatomique, neurofonctionnel, comportemental et génétique) rendant les « étiologies » moins évidentes.
Bibliographie essentielle :
L’intégralité de la bibliographie proposée est, d’une part en langue anglaise d’autre part très spécialisée, et donc peu accessible pour des cliniciens.