Actualités Orthophoniques Septembre 2003 (volume 7, n°3)
Les troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA+H et TDA-H) touchent 3 à 7% des enfants nord-américains. Même s’il y a de toute évidence une mode (qui est parvenue depuis peu en France…), il est certain qu’il s’agit d’une pathologie non rare, invalidante pour ces enfants et épuisante pour les parents.
Les traitements reposent surtout sur le Ritalin, médicament administré aux USA depuis plus de 40 ans, mais associent de plus en plus des interventions spécifiques axées sur les troubles comportementaux. Toutefois, l’avancée des neurosciences permet de mieux cerner les troubles, ou du moins d’en donner d’autres explications.
Les premières approches, liées à la pathologie du traumatisme crânien, reposait sur un modèle qui proposait plusieurs composantes à l’attention (vigilance, attention divisée, soutenue, sélective). Les TDAH correspondaient donc à un déficit des capacités attentionnelles, d’un point de vue quantitatif ou plus sélectif.
Des recherches plus récentes ont permis de proposer un autre modèle dans lequel les processus attentionnels, mnésiques et exécutifs interagissent de façon étroite. De plus, on note que les symptômes fondamentaux s’accompagnent souvent de troubles des mécanismes cognitifs supérieurs (mémoire de travail, planification, anticipation, auto-régulation, compréhension sociale….). Et de nos jours, d’un point de vue scientifique, on associe volontiers syndrome frontal (lieu de gestion des fonctions exécutives) et TDAH.
Les auteurs proposent de suivre le modèle élaboré en 1997 par Barkley.
Quatre fonctions exécutives se côtoieraient :
• la mémoire de travail (pensée rétrospective et prospective, anticipation….)
• le langage internalisé (réflexion, raisonnement…)
• l’auto-régulation de l’affect, de la motivation et de la vigilance
• la reconstitution (organisation du discours et du comportement…)
L’inhibition comportementale chapeauterait ces quatre composantes et le TDAH serait la résultante d’un trouble de cette inhibition.
Toutefois des travaux plus récents mettraient en jeu d’autres composantes dans le TDAH.
Quel est l’impact des traitements actuels ?
Aux USA, le Ritalin est administré dans 70 à 85% des cas. Pourtant les études montrent clairement ses limites, tant en matière scolaire, en ce qui concerne la conduite que l’estime de soi. De plus le médicament n’agit qu’à court terme.
De ce fait la majorité des chercheurs suggèrent une approche multiple incluant des programmes d’intervention comportementaux. Ces programmes tentent d’éliminer les conduites indésirables (impulsivité, opposition, inattention) par le jeu de techniques de renforcement (en particulier les récompenses). Mais les résultats ne semblent pas transférables à terme.
D’autres programmes, liés à un entraînement cognitif, ont alors été conçus autour des stratégies de résolution de problèmes. Il s’agissait alors de travailler sur les comportements inadaptés, non pas de l’extérieur, mais en s’intéressant au contrôle interne. Les études montraient une certaine généralisation aux apprentissages scolaires et au comportement dans la vie de tous les jours.
Comme vous l’avez sans doute déjà lu, il existe deux grands principes dans l’intervention neuropsychologique. D’une part la compensation, lorsque l’on pense qu’il n’est pas possible de réparer, avec le développement des techniques de « prothèse ». D’autre part la restauration, qui s’appuie sur le concept de plasticité cérébrale et sur la réorganisation des fonctions.
Deux grandes tendances coexistent : le bottom-up (du bas vers le haut) qui vise un travail ciblé très intensif sur une fonction précise et le top-down (du haut vers le bas) qui travaille sur la prise de conscience des déficits et sur l’auto-régulation. L’activation des fonctions supérieures rejaillirait sur les systèmes inférieurs. Ces stratégies sont souvent qualifiées de métacognitives.
Le plan d’intervention métacognitive proposé par les auteurs découle des travaux québécois de P-P Gagné (méthode Réflecto). Il s’agit « d’actualiser le potentiel métacognitif des enfants TDAH et de favoriser le développement de leurs habiletés d’auto-régulation ». Ce programme agit à la fois sur le plan cognitif et comportemental. Autrement dit, le fait d’intervenir sur les fonctions supérieurs (prise de conscience, appropriation et adoption de stratégies) améliorerait indirectement les capacités attentionnelles et les fonctions exécutives. Les auteurs font également l’hypothèse que les compétences acquises seront transférées et généralisées dans le comportement et le rendement scolaire.
Le programme réalisé dans les Ateliers dure 12 semaines à raison d’une heure par semaine. Six à douze enfants sont présents avec trois intervenants.
Dans un premier temps, les enfants vont comprendre les mécanismes ; ils vont ensuite dresser leur « profil cognitif ».
Puis on leur propose des exercices d’entraînement de visualisation (images mentales) et de verbalisation (accès lexical) Cette partie est considérée comme centrale.
Par la suite, des activités de compréhension et d’entraînement sont effectuées sur les différentes fonctions exécutives :
• Attention sélective avec l’inhibition volontaire de l’attention à l’égard des distracteurs,
• Métamémoire avec les stratégies mnémotechniques,
• Flexibilité cognitive et créativité, qui doivent constituer une force pour ces enfants, une fois l’impulsivité contrôlée.
• Planification
• Traitement séquentiel de l’information
• Mécanismes d’inhibition comportementale et cognitive.
Chaque fonction est illustrée par une métaphore (par exemple l’architecte pour la planification) et la présentation est complétée par de nombreux exercices. D’autre part, pour soutenir l’attention des enfants, on utilise des techniques de renforcement positif, des méthodes de modelage, des stratégies d’auto-instruction et des outils de mesure individuelle.
La dernière partie correspond à la généralisation des acquis dans des contextes moins organisés.
Notons enfin le rôle important des parents, d’abord dans la compréhension profonde des troubles, puis dans l’engagement dans les stratégies, enfin dans le maintien des apprentissages.
Marie Lazure et coll.
Rééducation Orthophonique, n°214, Juin 2003