La variante frontale de dégénérescence frontotemporale
C. BOUTOLEAU-BRETONNIERE et coll
Revue de Neuropsychologie 2014 – N°12-1 Mars 2014
La prise en charge des dégénérescences fronto-temporales ne vont pas de soi pour beaucoup d’orthophonistes alors même que les prescriptions ne sont plus rares. Cet article tombe donc à pic pour faire le point de ces pathologies.
Les processus atrophiques frontaux et temporaux focalisés ont été divisés en trois entités syndromiques il y a une quinzaine d’années seulement (travaux de Neary en 1998) :
– La démence fronto-temporale (atteinte antérieure bilatérale) dont les troubles du comportement sont au premier plan. Elle représente 75% de ce type de dégénérescence.
– L’Aphasie progressive non fluente (atteinte gauche périsylvienne) avec un discours réduit, un manque du mot et des erreurs phonémiques et syntaxiques (10%)
– La démence sémantique avec un discours fluent mais une perte du sens des mots et des concepts non verbaux (15%).
L’article ne s’intéresse qu’à la version frontale de la DFT, marqués par des troubles du comportement. Elle représenterait 12% des démences pré-séniles. Sa prévalence serait de 15 à 20/100.000, soit environ 5000 cas en France. C’est donc une maladie rare lorsqu’on fait la comparaison avec les 650.000 malades Alzheimer.
L’âge moyen d’apparition est de 58,5 ans, soit une vingtaine d’années de moins que pour la maladie d’Alzheimer. (NDLR : ce problème d’âge a bien sûr des retombées essentielles sur plusieurs domaines de la vie des patients – activité professionnelle, vie de couple et de famille, problèmes financiers, hébergement éventuel, parcours de vie précocement brisé…). Il y a une prédominance masculine dans cette maladie (NDLR alors que c’est une prédominance féminine qui est évidente dans la maladie d’Alzheimer).
Les atteintes de début sont essentiellement comportementales, d’abord avec une apathie, puis un dysfonctionnement frontal (perte des convenances personnelles et des règles de la vie ne société, désinhibition, impulsivité, conduites stéréotypées, indifférence affective et absence d’empathie). Les critères de diagnostic sont ceux de Rascovsky en 2011.
L’évolution est plus brève que dans la M.A. (4 à 5 ans entre le diagnostic et le décès).
Le diagnostic se porte pour une grande part avec des échelles comportementales. Celles ci devront être remplies avec un aidant fiable compte tenu de l’anosognosie fréquente.
– EDF : Echelle de dysfonctionnement frontal de Lebert
– NPI : Inventaire neuropsychiatrique de Cummings (traduit par Robert)
– FBI : Echelle de comportement frontal de Kertesz (traduit par le Greco.)
Ces échelles sont importantes pour le diagnostic mais peu pour le suivi. De plus elles restent difficiles à utiliser en routine, car trop développées. Les auteurs ont donc mis sur pied (en cours de validation) un outil simple et rapide (10 minutes de passation) intitulé Daphne.
L’examen neuropsychologique est indispensable après l’échelle comportementale. On note souvent des troubles de l’attention, une réduction de la fluence, mais aussi des troubles des fonctions exécutives.
Le BREF est un outil souvent utilisé mais les résultats peuvent être normaux en début de maladie, de même que le score au MMS. Un test de dénomination (DO80 par exemple) montre éventuellement des paraphasies sémantiques, un manque du mot, voire une anomie. La présence de troubles initiaux du langage est de mauvais pronostic. De façon générale il n’y a pas de troubles visuo-spatiaux ni praxiques. Des troubles mnésiques épisodiques peuvent exister.
L’évaluation neuropsychologique devient impossible au cours de la maladie du fait des troubles du comportement.
« L’analyse quantitative des tests neuropsychologiques est souvent plus instructives que l’analyse quantitative ». Rapidité, impatience, distractibilité, refus, tests bâclés…montrent un dysfonctionnement frontal.
Il peut également y avoir des difficultés de cognition sociale (identification des émotions faciales) et de la théorie de l’esprit. Une batterie spécifique peut être proposée (Funkiewiez).
Enfin les activités de la vie quotidienne sont atteintes assez précocement et plus que dans la M.A., de même que le fardeau de l’aidant.
L’IRM montre une atrophie frontale et temporale antérieure, souvent asymétrique. Quant au PET ou au TemP, ils indiquent une hypofixation fronto-temporale ou frontale.
Les biomarqueurs (protéine Tau ou beta amyloïde) ne présentent pas de spécificité, sauf pour faire un diagnostic différentiel avec la M.A. (dans laquelle ces marqueurs sont bien présents). Il ne peut y avoir de différenciation avec des maladies psychiatriques par cet outil.
Le diagnostic est sous–estimé car il est souvent confondu avec une pathologie psychiatrique. Le délais avant le diagnostic est ainsi plus long que pour la M.A. En effet, au début de la maladie, l’apathie (premier symptôme) n’est pas spécifique par rapport à une schizophrénie ou à une maladie bipolaire. De même dans les cas où il y a des troubles de la mémoire épisodique (10 à 15% des cas), avec un risque de confondre avec une M.A.
Il n’existe aucune prise en charge thérapeutique codifiée dans cette pathologie, sans doute du fait qu’il s’agit d’une maladie rare et relativement hétérogène.
L’importance des troubles du comportement mais aussi l’âge « jeune » rend difficile l’institutionnalisation.
Bibliographie sommaire:
La totalité des articles cités (même écrits par des français) est en langue anglaise..
Pour les passionnés, un autre article de ce même numéro de GPNV traite de « Des observations originales d’Arnold Pick à la démence fronto-temporale : regard sur le présent à partir du passé. Un aperçu historique. » de Christian Derouesné.