Measuring perception of communicative ability : the development and evaluation of the La Trobe communication questionnaire

Actualités Orthophoniques Juin 2000 (volume 4, n°2)
Indiquons avant tout que ?La Trobe?, au nom qui fleure bon l’ancien français, se trouve être le nom d’une Université de la ville de Melbourne en Australie.

Le questionnaire de communication de la Trobe (LCQ) concerne les perceptions ressenties en matière de communication , en lien avec un traumatisme crânien.

Ainsi que l’indique les auteurs, s’il y a de nombreux tests pour évaluer le langage, il y en a bien peu pour l’aspect pragmatique, et moins encore quand il s’agit de comparer les résultats avec des normes quantitatives.

Cette évaluation concerne donc la propre perception des capacités communicatives par les sujets eux-mêmes mais aussi par leurs proches. Cette réponse des proches est souvent très utile. Parfois même, il s’agit de la seule source de comparaison au moment du diagnostic. Et de toute façon, il s’agit de personnes ayant cotoyé le sujet souvent depuis longtemps et dans des conditions de vie réelle variées. Ils peuvent donc, souvent bien mieux que les cliniciens eux-mêmes, apprécier les changements dans le langage et la communication du sujet. Enfin, la perception des proches est importante dans une visée thérapeutique afin de définir les étapes et les objectifs de rééducation.

Face à ces avantages, il y a plusieurs difficultés dans le fait d’utiliser les perceptions des proches.

Il peut s’agir de l’anxiété vécue ou simplement de la charge énorme face à un tel trouble. Il peut aussi s’agir des mécanismes de défense que les proches mettent en avant pour se protéger.

Il y a donc une nécessité à être prudent et à comparer ces résultats avec ceux d’autres types d’évaluation. C’est particulièrement le cas lorsque le sujet n’a pas pleine conscience de ses troubles après un traumatisme crânien, soit qu’il les nie soit qu’il les exagère.

Une des difficultés pour le clinicien est de « noter » correctement les troubles du sujet alors qu’il ne le connaissait absolument pas. Ceci peut constituer un avantage, puisque le clinicien n’a aucun intérêt à donner de fausses informations. Mais ceci peut poser problème si le clinicien essaie de comparer le sujet avec un « être idéal ».

C’est pour éviter ces difficultés que le LCQ a été développé et mesuré auprès d’une population de sujets en bonne santé mais proche de la population classique des traumatisés crâniens.

250 sujets et 196 proches avaient été sélectionnés au début de l’étude, avec une moyenne d’âge de 20 ans. Il restera 147 sujets et 109 proches après diverses exclusions dont une est de taille : 22% des sujets ont été exclus car ils avaient déjà subi (avant l’âge de 20 ans…) un traumatisme crânien !! signalons aussi que du fait d’un choix méthodologique, la plupart des garçons étaient ouvriers, techniciens ou vendeurs alors que les filles étaient étudiantes. (NDLR : quelle vie…)

La préparation des items a reposé essentiellement sur le « Grician Co-operative Principle » (Grice, 1975) rendu opérationnel par les travaux de Damico en 1985 (Analyse Clinique du Discours).

Grice a analysé les conditions qui constituent le discours normal, en dehors du contexte et du sujet abordé. Il s’agirait donc d’éléments propres à toute conversation, de façon quasi universelle.

Grice relève quatre principales maximes :

• la quantité

Il s’agit de la quantité optimale d’information lors d’un échange, ni trop importante ni trop réduite.

• la qualité

La conversation doit reposer sur une précision des informations : ne pas dire ce que l’on croit être faux, ne pas dire de choses sans argument.

• la relation

On parle en fait de pertinence de l’information donnée.

• la manière

Il ne s’agit plus de ce que l’on dit mais comment on le dit : être rapide et organisé, ne pas être obscur ou ambigu.

Damico a proposé 17 paramètres qui mesurent les comportements de communication à travers les quatre maximes précédentes. 20 des 30 items du LCQ sont issus des travaux cités, les dix autres s’intéressant aux problèmes plus spécifiques des traumatisés (par ex : mémoire, distractibilité, désinhibition..)

Le LCQ comprend deux questionnaires : le « S » à compléter par le sujet, le « O » par un proche. Les questions sont identiques, mais elles sont posées à la troisième personne dans le « O »…

Pour chaque question, il y a quatre réponses possibles :

1 – jamais ou rarement

2 – parfois

3 – souvent

4 – en général ou toujours.

On a donc choisi la fréquence des comportements ce qui évite le jugement qualitatif habituel dans ce type de questionnaire. Cela permet à chacun (sujet, proche, clinicien..) de répondre facilement aux questions (il suffit de suivre la conversation) et ceci facilite le travail des traumatisés qui sont plus à l’aise avec ce type de réponses. En effet il s’agit d’éléments plus concrets par rapport à une situation précise. De plus les traumatisés crâniens ont du mal à saisir ce qui est normal et ce qui ne l’est pas.

24 items avaient une réponse graduée de 1) à 4). Les 6 autres items étaient inversés pour éviter des réponses stéréotypées et donc biaisées.

Les résultats de cette étude ont été très intéressants permettant de dresser un large tableau de la communication « normale » dans un échantillon proche de celui d’une population classique de traumatisés crâniens, et procurant ainsi une sorte de norme.

De plus, ce type d’étude, par sa méthodologie et ses items, peut être généralisable à d’autres types de pathologies, comme les aphasiques.

Pour en savoir plus :

Clinical discourse analysis
DAMICO In « Communication skills and classroom success », de C. SIMON, 1985

Families, head injury, and cognitive-communicative impairments: issues for family counselling
DE POMPEII et ZARSKII
Topics in Language Disorders,1989,9

Impaired awareness of behavioural limitations after brain injury
PRIGITANO et ALTMAN
Archives of Physical Medicine and Rehabilitation, 1990,71

J. DOUGLAS et coll.

Aphasiology, 2000, vol.14, n°3, pp.251-268