Actualités Orthophoniques Mars 2000 (volume 4, n°1)
Synthèse réalisée à partir de cinq articles parus dans la revue québécoise FREQUENCE du mois de décembre 1999.
Le diagnostic de TAC ( trouble de l’audition centrale ) doit, pour être posé, nécessiter un examen comportant des épreuves physiologiques, électrophysiologiques et psychoacoustiques verbales et non verbales.
Les capacités suivantes sont à évaluer :
– l’écoute dichotique évaluée en présentant simultanément un stimulus auditif à chaque oreille.
– la discrimination figure-fond / reconnaissance de signaux compétitifs.
– la reconnaissance de séquence auditive, la dimension temporelle d’un stimulus étant effectivement essentielle pour le système auditif central.
– l’identification de signaux acoustiques dégradés.
Le système auditif central est décrit comme ? un réseau neuronal où l’information initiale est répartie anatomiquement à plusieurs régions du tronc cérébral, des structures corticales et sous-corticales.?
Pour distribuer une information, la traiter et l’intégrer avec d’autres informations sensorielles ou cognitives, plusieurs réseaux vont travailler en parallèle ou en série. C’est ? l’ensemble du réseau neuronal ( qui ) réalise l’intégration spatiale et temporelle de ces sources multiples d’information?.
On conçoit donc aisément qu’il n’existe pas un TAC mais une famille de TAC et qu’il sera indispensable d’en tenir compte dans la mise en place d’un projet réadaptatif.
Les TAC ne sont pas à mettre en relation systématique avec des lésions objectives.
Chez l’adulte, l’étiologie est fréquemment un aspect dégénératif du système auditif central : des problèmes neurologiques d’origine vasculaire, traumatique, liés à des syndromes ou des désordres neurologiques ayant des répercussions sur les capacités d’apprentissage, ou s’inscrivant dans un contexte de médication et de toxicité. On peut également trouver des causes psychologiques comme la dépression. La plainte des patients adultes rejoint parfois celle des enfants à savoir une difficulté à se concentrer, à écouter et à comprendre un message verbal lorsque l’on est en groupe ou dans un environnement bruyant. Ils se plaignent également de modifications de leurs capacités d’apprentissage, de problèmes cognitifs et de changement de leurs capacités auditives et de leur communication orale malgré un audiogramme normal. Il peut y avoir une atteinte du SNAC (acouphène, hyperacousie…) ou du système vestibulo-cochléaire (symptômes de vertige…).
Chez l’enfant, l’étiologie est essentiellement un retard de maturation développementale; on établit une relation entre les troubles d’apprentissage et les problèmes auditifs centraux en présence d’une audition normale.
2 à 3% des enfants souffriraient de TAC (prévalence de deux facteurs de comorbidité: les troubles d’apprentissage et le déficit attentionnel); le premier indice est la difficulté de lecture.
La prévalence des TAC chez les enfants malentendants n’est pas connue.
Selon l’Association américaine des orthophonistes et des audiologistes (ASHA), un TAC serait la conséquence d’un déficit au niveau d’une ou plusieurs des habiletés suivantes : ?latéralisation et localisation du son; discrimination auditive; identification de patterns auditifs; résolution temporelle; masquage temporel; intégration temporelle; organisation séquentielle; diminution des performances auditives en présence de signaux acoustiques compétitifs ou dégradés.?
Une étude de l’organisation séquentielle auditive – qui est la fonction fondamentale du SNAC comme nous l’avons dit précédemment et qui est reliée à la perception de la parole a été réalisée auprès d’enfants sourds.
Mener à bien une tâche d’organisation séquentielle nécessite un fonctionnement correct d’habiletés spécifiques sur le plan auditif et cognitif; les composantes sous-jacentes à ce traitement sont la durée du stimulus acoustique, l’intervalle interstimuli, la perception de l’ordre temporel et la mémoire à court terme.
L’étude a mis en évidence les points suivants :
– pour les stimuli acoustiques non verbaux, les enfants malentendants ont eu des résultats équivalents voire supérieurs aux enfants entendants.
– par contre, pour les stimuli verbaux, leurs résultats sont inférieurs.
– ces difficultés semblent plus liées à un problème perceptif qu’à un trouble de la mémoire à court terme. Trois facteurs influent sur les performances : la nature des stimuli, leur complexité et les interactions entre la nature et la complexité du stimulus.
– les habiletés dans l’organisation séquentielle se développent avec l’âge, que les sujets soient ou ne soient pas entendants.
Quelle(s) intervention(s) envisager auprès des enfants souffrant de TAC ?
Une étude effectuée en 1993 par l’ASHA et dont le but était de faire émerger une démarche de remédiation consensuelle a insisté sur la nécessité d’une approche globale et multidisciplinaire à développer autour de 3 objectifs essentiels :
– l’amélioration de l’environnement et du signal acoustique.
Il faut agir sur l’environnement de l’élève; le but est de diminuer la surcharge auditive et de favoriser l’accès à l’information. Des modifications techniques peuvent être apportées (utilisation de matériaux isolants et absorbants, limiter les accessoires bruyants…). On peut également avoir recours dans certains cas au système MF tout en restant très vigilant car la plupart des enfants ayant une audition correcte, il faut veiller à ne pas les équiper avec un casque d’écoute qui pourrait entraîner des risques au niveau de l’audition.
– l’amélioration des habiletés de l’enfant.
On vise alors à développer les habiletés auditives, linguistiques et métalinguistiques.
Ce travail s’articule autour de trois points :
l’entraînement auditif avec augmentation de l’intensité des éléments de transition rapides et de la durée des stimuli; on peut se référer au programme informatisé appelé Fast ForWord et aux travaux de Mezernich et de Tallal auxquels nous avons fait déjà références dans des précédents numéros de AO.
L’entraînement auditif améliore selon les résultats de ces chercheurs non seulement les habiletés auditives mais encore la discrimination et la compréhension de la parole.
l’entraînement auditif formel et informel.
L’entraînement formel n’est pas toujours adapté à l’enfant et n’est donc pas systématiquement utile; il s’agit de faire des exercices utilisant des stimuli sonores non verbaux en entraînant la capacité à discriminer l’intensité, la fréquence, la montée/descente tonale, la détection d’intervalles de silence…
Les activités informelles, elles, travaillent à la reconnaissance de phonèmes, à la vigilance auditive, à la suppléance auditive… et l’on retrouve ainsi les exercices que nous avons, nous orthophonistes, l’habitude de pratiquer pour développer les habiletés linguistiques et métalinguistiques c’est-à-dire travail de la conscience phonologique, de la suppléance auditive, de la prosodie et du rythme, de l’enrichissement du vocabulaire, de la mémoire…
la désensibilisation au bruit dont le but est d’aider l’enfant à mieux tolérer le bruit et à séparer de façon plus efficace figure et fond. Il semblerait que les améliorations apportées par ce type d’entraînement se maintiennent dans le temps seulement si les exercices sont poursuivis régulièrement à la maison.
– les stratégies compensatoires et les stratégies métacognitives.
L’enfant doit être responsabilisé dans son acte d’écoute; il doit donc apprendre ?à mieux planifier et contrôler ses efforts dans ses activités, tant au niveau de l’attention, de l’écoute que des apprentissages.?
Il peut être également utile de donner des stratégies aux enseignants afin qu’ils puissent aider les enfants à améliorer leurs capacités mais les auteurs relèvent que bien souvent les maîtres lisent une fois la liste puis ne s’en préoccupent plus. Sans doute faut-il précisément cibler quelques stratégies et effectuer des visites en classe.
Au Québec, l’orthophoniste intervient à l’école et son travail tient compte des trois étapes de l’échange verbal à savoir :
-veiller à une bonne transmission du message en tentant d’agir sur l’émetteur (non verbal riche, intensité et qualité vocales adaptées…) et sur le message (longueur du message, lexique et syntaxe utilisés…).
-favoriser des échanges verbaux corrects en rendant favorable l’environnement sonore.
-aider le récepteur à maîtriser les habiletés indispensables à un traitement efficace.
Intervenir auprès des personnes présentant des TAC suscite aujourd’hui de plus en plus d’intérêt; l’approche doit être globale et multidisciplinaire; si des outils existent, leur efficacité n’a pas toujours été mesurée.
Alors, au travail!
Danielle LAYRAC