les troubles de l’apprentissage chez l’enfant hyperkinétique avec déficit de l’attention (THADA) – suite de l’article paru en Juin 99 –

Actualités Orthophoniques Décembre 1999 (volume 3, n°4)
Dans cette deuxième partie de la présentation de ce mémoire très fourni, nous aborderons d’abord l’expression du trouble, puis les approches thérapeutiques.
1 – les symptômes comportementaux sont bien sûr au premier plan :

• L’hyperactivité correspond à une activité motrice excessive (en tenant compte de l’âge et du sexe) mais surtout désordonné et souvent inapproprié. L’enfant remue tout le temps, ne peut rester en place. Il est en action en permanence, courant, remuant, touchant…). Après 7 ans, il s’agit davantage de mouvements des mains et des jambes.

• L’inattention : l’enfant est à la merci de tout stimulus externe, il ne parvient jamais à se concentrer. Plus âgé, il ne peut traiter qu’un stimulus à la fois.

• L’impulsivité : incapacité d’attendre, dispersion dans les activités, difficulté à organiser le travail, incapacité d’apprécier les conséquences des actes, bref, un manque de contrôle. L’enfant peut aussi s’immiscer en permanence dans les conversations.

• On note une grande labilité émotionnelle et affective (quête affective, agressivité..)

• L’angoisse et l’anxiété ne sont pas rares

• Chez un enfant sur deux existent des troubles du sommeil.

• L’enfant est souvent intolérant à la frustration, et facilement opposant.

2 – Les symptômes scolaires

Ils évoluent le plus souvent en parallèle des troubles comportementaux, enfonçant l’enfant dans l’échec.

L’enfant est décrit comme distrait, remuant, intrusif par ses bavardages et donc très perturbateur.

• Il a bien sûr des difficultés à finir son travail (de par son bavardage et son inattention).

• Il a du mal à examiner plusieurs réponses en même temps

• Il peut difficilement isoler une information de son contexte.

• Son travail scolaire apparaît négligé, brouillon et décevant par rapport à l’intelligence de l’enfant.

Par rapport à la classe, on note que 40% des enfants ont des difficultés relationnelles. Ils sont souvent brutaux, et ce de façon surtout involontaire. Ils se conforment avec difficultés aux règles du jeu.

L’intégration à la classe est difficile.

On doit noter que les symptômes se modifient avec l’âge :

• Avant 18 mois, l’enfant montre un développement moteur très « en avance ». On dit « qu’il a couru avant de marcher » ! mais des troubles existent au niveau de l’endormissement ou de réveils fréquents, au niveau de l’alimentation (faible appétit) et au niveau du comportement (relation ambivalente avec la mère).

• De 18 mois à 6 ans, on constate un langage retardé dans un contexte d’agressivité, voire de domination. L’enfant ne tient pas compte de l’avis des adultes mais apprécie leur reconnaissance.

• De 6 ans à 10 ans : c’est l’âge habituel de la première consultation, avec les signes évoqués précédemment.

• A l’adolescence, contrairement aux idées reçues, les troubles persistent. On note souvent des complications comportementales. Le devenir social peut être délicat : dans 1/3 des cas, on note des dérives vers l’alcoolisme, la délinquance, la drogue…On note également dans ce cas des tendances anti-sociales. Tout cela peut constituer une entrave à l’intégration sociale, même si l’emploi semble préservé. Cette évolution est liée au niveau socio-économique et au degré d’acceptation du sujet par son environnement : s’il est incompris ou rejeté, il développera des conduites agressives.

Le Traitement :

Il comporte trois versants, complémentaires.

• Le suivi éducatif

Il passe par la famille puis par l’école.

Il faut avant tout informer et rassurer les parents :

Leur expliquer la vraie nature des troubles, les thérapies, l’évolution et les perspectives. Ils doivent comprendre leur rôle. On doit également les conseiller sur les choix éducatifs, en particulier au quotidien.

Il s’agira en permanence de restaurer les relations familiales, souvent distendues par le défi que représente au quotidien le THADA.

Plusieurs règles doivent être proposées :

• Mettre en place une certaine rigueur éducative, même si cela n’est pas apprécié par les enfants.

• Déconditionner les habitudes antérieures : par exemple l’acharnement sur les devoirs.

• Renforcer les attitudes positives

• Instaurer des activités extra-scolaires (image positive pour l’enfant en échec à l’école).

• Ne pas surcharger l’environnement visuel et auditif, surtout pendant le travail ;

• Eviter dans un premier temps les lieux publics où l’enfant est « montré ».

• Dans le même temps, apprendre à l’enfant les limites acceptables pour rétablir peu à peu la sociabilité.

• Adapter le travail scolaire

Dans le cadre scolaire, il faut essayer d’obtenir une action conjointe entre tous les acteurs. Il faut essayer de mettre en place une stratégie adaptée à partir de deux éléments :

1 – Les facteurs environnementaux scolaires

• Minimiser les stimuli externes (mettre l’enfant au premier rang et loin de la fenêtre !)

• Essayer de le mettre dans une classe à petit effectif

• Développer si possible une aide personnalisée

• Instaurer des routines de travail qui vont structurer l’enfant

• Mettre les activités intellectuelles en début de journée

• Eviter les changements brutaux de rythme et d’activité

2 – Les stratégies d’enseignement

• Changer d’école si nécessaire (rejet de l’enfant par les enseignants ou les élèves)

• Fragmenter les devoirs en petites unités avec des pauses entre chacune.

• Mettre sur pied des techniques appropriées (rappel de mémorisation, découpage de l’information, imagerie mentale….NDLR : vous connaissez sans doute bien celà, faites en profiter parents et enseignants…)

• Faire participer l’enfant pour qu’il s’investisse plutôt que de se dissiper.

2 – Les thérapies complémentaires

Il s’agit bien sûr de la psychothérapie qui peut prendre des aspects fort divers : psychothérapie comportementale (développement des capacités d’auto-contrôle), psychothérapie analytique (si on considère que le THADA est d’origine psychoaffective), psychothérapie de groupe (permettant de travailler là où se situe le problème, c’est à dire dans le rapport social) et thérapie familiale (sans préjuger de la prise en charge individuelle des parents).

Il s’agit également de l’orthophonie, puisque près de 60% des enfants avec THADA sont suivis à ce niveau.

Il s’agit enfin de la psychomotricité (contrôle du corps, motricité fine, repérage spatio-temporel).

3 – la chimiothérapie

Il s’agit avant tout de la prescription de la Ritaline.

La molécule constitutive (le méthylphénidate) est un psychostimulant. Il agit au niveau du système nerveux central pour stimuler l’activité dopaminergique. Ainsi les mécanismes inhibiteurs sont stimulés et les excitateurs sont moins sollicités. Il y a donc une diminution de l’hyperactivité et une augmentation des capacités d’attention.

La prescription doit d’abord se faire par un médecin spécialiste (pédopsychiatre, neurologue…). Elle pourra être renouvelée par un médecin généraliste. Les doses doivent être adaptées à chaque cas, avec une éventuelle progressivité.

La prise se fait le matin dans un premier temps. Elle pourra être fractionnée par la suite (matin et midi, mais pas après 16h pour éviter les troubles du sommeil).

Le médicament n’est actif que durant 5 à 6 heures. Il ne traite donc pas la maladie mais ses manifestations. De ce fait il n’est pas pris le mercredi, ni les week-ends, ni pendant les vacances. Par contre, le traitement peut être suivi de 6 mois à 5 ans.

La première évaluation doit être faite au bout de 15 jours. Puis de 6 mois en 6 mois, avec possibilité d’une fenêtre thérapeutique pour affirmer l’intérêt de la poursuite du traitement.

En général, on constate dès la première quinzaine une amélioration visible du comportement. L’efficacité globale serait de 50 à 80%.

L’hyperactivité serait contrôlée, permettant une amélioration du graphisme mais aussi l’insertion de l’enfant dans des activités nouvelles.

L’attention semble nettement s’améliorer avec toutes les conséquences favorables sur la mémoire à court terme et les capacités d’apprentissage.

La qualité de la vie familiale est nettement meilleure sur tous les plans (social, affectif…).

Des effets secondaires peuvent apparaître : troubles du sommeil et de l’alimentation, voire nausées, somnolence…d’où la nécessité d’une réévaluation régulière du traitement.

De plus, il s’agit d’un médicament de la famille des amphétamines, ce qui laisserait craindre une accoutumance, qui n’a toutefois pas été prouvée, alors que le médicament est utilisé aux USA depuis plus de 60 ans ! !

Mais dans tous les cas, cette médication doit s’accompagner des autres approches thérapeutiques précédemment indiquées.

Comme l’indique parfaitement Mme Billard, en 1996 : « Ritaline est une aide préciseuse pour rompre un cercle vicieux, elle ne doit pas masquer l’ensemble des difficultés de l’enfant ».

René DEGIOVANI

Pour en savoir plus :

Divers articles de la revue ANAE traitent de ce problème (par exemple, Billard, Messerschmitt, Vallée).

Des thèses de médecine sont également disponibles.
Isabelle DEBIEVE, Lille, 1997