Les habiletés phonologiques chez l’enfant de deux ans

Actualités Orthophoniques Mars 2002 (volume 6, n°1)
Il est indispensable de connaître les étapes de l’acquisition normale du langage pour comprendre la pathologie et les moyens d’y remédier. On le sait depuis plusieurs années maintenant, la maîtrise des habiletés phonologiques est nécessaire à l’apprentissage de la langue écrite.

D’autres compétences bien sûr s’inscrivent dans :

L’ensemble fonctionnel du langage.

La morpho syntaxe.

Si un enfant de deux ans n’a aucun lexème et ou si, à deux ans et demi il n’est pas capable d’utiliser des énoncés en comprenant au moins deux, on peut craindre dans le premier cas ou affirmer dans le second, un retard de langage.

( RONDAL)

De très nombreux auteurs considèrent que la longueur moyenne de production verbale (LMPV) est également prédictive. L’augmentation est d’environ 1.25 par an avec une moyenne variant selon les études de 1.92 à 2.05 à deux ans. Ce n’est qu’à partir de deux ans et trois mois que le facteur socio culturel influe sur les capacités de l’enfant.

Les modalités de la phrase.

Dès deux ans, la prosodie est utilisée par l’enfant. On retrouve dans son discours les quatre modalités de la phrase à savoir l’assertion, l’exclamation, l’injonction et la question.

Le lexique.

Il existe une grande différence entre les capacités de compréhension et de production.

Dès huit, neuf mois, l’enfant commence à comprendre des mots. A seize mois, il en comprend 191 mais n’en utilise que 64. Un retard dans la compréhension évalué à cet âge se confirme un an plus tard avec un retard de production en lexique et en morpho syntaxe. De plus, les gestes utilisés par l’enfant sont plus corrélés avec la compréhension qu’avec la production. (BATES et al.)

Entre le onzième et le quatorzième mois, les premiers mots apparaissent. Une fois que l’enfant en possède entre cinquante et cent, il commence à les assembler. NELSON distingue les enfants référentiels et les enfants expressifs . La composition de leur lexique va être très différente puisque les premiers utilisent beaucoup de noms d’objets et les seconds les mots fonctionnels, sociaux et les interjections.

La phonologie.

Selon COPLAN et GLEASON « la moitié de ce qu’un enfant produit à deux ans est compris par un étranger, 75% de sa production est comprise à trois ans. » Entre deux et trois ans, les capacités phonologiques évoluent considérablement et en interaction avec le développement du lexique. Les enfants ont tendance à émettre les mots qu’ils parviennent à prononcer correctement.

La recherche sur les habiletés phonologiques chez l’enfant de deux ans.

Cette étude porte sur le lexique phonologique de sortie.

Notons qu’au niveau du lexique phonologique d’entrée, les enfants sont capables d’identifier des contrastes phonémiques qu’ils ne sont pas en mesure de produire. Ainsi un enfant articulant un mot en modifiant un phonème saura reconnaître que son interlocuteur a fait une erreur si ce dernier le répète pareillement que lui.

Les productions de l’enfant vont être analysées au niveau phonétique « processus de programmation motrice des gestes articulatoires » et au niveau phonologique « processus de sélection et d’ordonnancement phonémique » . Les perspectives sont d’une part quantitatives avec mesure du pourcentage de consonnes correctes (PCC) et d’autre part qualitatives avec recherche des processus phonologiques utilisés par l’enfant.

Il est impératif d’attendre les deux ans de l’enfant et le fait qu’il produise au moins cinquante mots car les cinquante premiers mots sont appris de façon « holistique » et la prononciation d’un même mot n’est pas encore stable.

Un profil des habiletés phonologiques de l ?enfant va pouvoir être dressé. Le recueil des corpus s’est fait de façon écologique : on a filmé pendant quinze à vingt minutes chaque enfant en train de jouer avec un adulte qu’il connaît bien. On considère que l’enfant possède un son ou un groupe consonantique s’il l’a produit « au moins deux fois dans chaque position et dans au moins deux mots différents » . Le phonème ou le groupe est considéré comme habituellement produit par l’enfant s’il est bien prononcé dans au moins 50% des positions testées. Il est dit maîtrisé » s’il est juste dans toutes les positions testées. Quand un phonème ou un groupe est maîtrisé par 75% des enfants testés, on le considère comme maîtrisé à cet âge.

Les conclusions de l’étude.

Le LMPV a été de 2.18.

Tous les enfants produisent des mots monosyllabiques et bisyllabiques.

La moyenne du PCC est de 69.3.

A deux ans, aucun phonème n’est totalement maîtrisé (75% d’enfants le produisant dans toutes les positions). Les différences entre les enfants sont importantes. En moyenne, on peut dire que neuf consonnes sont produites à l’initiale (p b t d k m n s l w ill). En finale, on trouve (p t m r). La structure CVCV est la structure de base ; plus un mot en est proche, plus aisément il est intégré.

Voici les processus phonologiques utilisés par l’enfant du plus fréquent au moins usité. Ils vont dans le sens de la simplification.

-les processus qui modifient la structure et la syllabe du mot avec essentiellement des processus de suppression d’une syllabe, de la consonne en position post vocalique, de la liquide dans un groupe consonantique en initiale ou en finale. Les processus d’addition ont quasiment disparu à cet âge.

– les processus qui substituent une classe de sons à une autre avec des antériorisations, des occlusions (constrictives en occlusives), des gliding et vocalisations, des désonorisations.

-les processus qui assimilent un son à un autre avec des assimilations par sonorisation ou désonorisation

( l’occlusive sonore est souvent assourdie en fin de mot) et des harmonisations consonantiques.

« Le développement phonologique consiste dans l’élimination progressive de tous ces processus de simplification. »

Pour en savoir plus :

Comment la parole vient aux enfants
B. BOYSSON-BARDIES,
Ed. Odile Jacob, 1996.

Phonological skills of 2-year-olds.
C. STOEL-GAMMON
American Speech and Hearing Services in Schools, 1987,n°18
Shirley VINTER

GLOSSA, Septembre 2001, n°77