Stimulation des connaissances sémantiques
dans la maladie d’Alzheimer
A. GOUDOUR et coll.
Gériatrie et psychologie, Neuropsychiatrie du Vieillissement
N°2 – Vol. 9 – Juin 2011
Les troubles de la mémoire épisodique constituent le noyau dur de la maladie d’Alzheimer. Mais de nombreuses études montrent aussi qu’un déficit de la mémoire sémantique est régulièrement observé dès le stade précoce.
Et « cette atteinte peut participer à la gêne cognitive des patients ». La perturbation de cette mémoire va « entrainer la suppression de certains concepts antérieurement acquis », touchant le dictionnaire propre à chaque sujet. Identifier des objets, comprendre le langage oral et écrit, acquérir de nouvelles informations, tout cela est touché lorsqu’il y a un trouble de la mémoire sémantique.
Les études récentes tendent à montrer que les troubles sémantiques relèvent à la fois « d’une dégradation partielle du réseau des connaissances sémantiques » et « d’un déficit de récupération consciente et de manipulation des connaissances ». Certaines catégories sont plus touchées (personnes célèbres et actions versus objets mais aussi vivants/non vivants.). Par ailleurs, il semble exister une hiérarchie dans la détérioration sémantique, allant des connaissances les plus fines vers les plus générales.
Au stade modéré, le retentissement de ces troubles est important dans la vie de tous les jours.
Une fois ces préalables posés, qu’en est-il de la prise en charge ? La ROT (Reality Orientation Therapy) et la Réminiscence ont constitué les premières approches. Puis ont été introduites des méthodes reposant sur la notion de mémoire implicite (celle qui persiste longtemps dans la Maladie d’Alzheimer) comme l’estompage d’indices. On a constaté que les patients pouvaient faire de nouvelles connaissances très spécifiques avec cette méthode. De même la méthode de récupération espacée donne des résultats réels bien que limités. Si ces deux méthodes permettent d’apprendre une connaissance unique et spécifique, on ne constate pas de généralisation et de plus le temps consacré à un item est souvent très important.
Une autre méthode utilise les facilitations des capacités résiduelles en mémoire explicite par un entrainement spécifique, comme l’approfondissement de l’encodage ou l’imagerie mentale voire les associations sémantiques verbales (exemple de la technique visage-nom). On peut donc penser qu’une exposition répétée à certaines connaissances sémantiques, avec un travail de manipulation de ces connaissances, peut permettre une récupération ultérieure meilleure.
Les études d’Arkin (2000) et de Mahendra ((2007) montrent que cette voie de réapprentissage de connaissances sémantiques n’est pas sans intérêt.
Les auteurs présentent leur recherche « destinée à tester le bénéfice d’’un réapprentissage explicite de connaissances sémantiques chez des patients MA à un stade modéré (plus de 17 au MMSE) ». Deux catégories sémantiques ont été utilisées : instruments de musique et actions humaines. Douze séances de 50 minutes à raison d’une par semaine (et réparties en trois séries) ont été réalisées individuellement.
Lors de la première série, les premiers items étudiés concernaient les instruments de musique, pour moitié faisant partie de la batterie sémantique, pour l’autre moitié contrôle. La première série était uniquement en entrée visuelle (stimulation des connaissances sur les instruments), la seconde, auditive non verbale et la troisième verbale. La quatrième séance regroupait les entrées en ajoutant la manipulation d’instruments réels (entrée somesthésique).
La deuxième série proposait un entrainement au calcul, donc sans lien avec le réapprentissage sémantique.
La troisième série reprenait le réapprentissage, à propos des actions humaines (ex : rire, souffler, se moucher…) dans les mêmes conditions que dans la série 1.
Les sujets contrôles recevaient également 12 séances mais uniquement sur unh soutien clinique par une psychologue.
Quels sont les résultats après ces épreuves ?
– L’échelle IADL (autonomie quotidienne), l’échelle de Zarit (fardeau de l’aidant) et le score au GDS (dépression) sont restés stables et on constate donc qu’il n’y a pas de retombées « écologiques » du réapprentissage.
– De même le fonctionnement cognitif global (au MMSE) n’a pas évolué (mais ne s’est pas non plus dégradé).
– La DO80 (épreuve de dénomination) est restée stable.
– La capacité sémantique s’est un peu améliorée, mais sans maintien dans le temps et avec une forte hétérogénéité entre sujets.
– On note que d’autres catégories sémantiques non apprises se sont améliorées, comme le montre les résultats au Pyramid palm Tree.
– Enfin, la présentation ludique (lors du réapprentissage des items d’instruments de musique) a probablement aidé à l’amélioration de cette classe, alors que la classe des actions humaines ne s’améliore pas.
– Les auteurs notent toutefois que ces « bons » résultats s’appliquent sur des petits échantillons de 5 patients et qu’il sera donc nécessaire d’élargir le public concerné.
Bibliographie sommaire.. et anglophone (comme le plus souvent, la voix de la neuropsychologie, même avec des auteurs francophones, doit s’exprimer en langue anglaise. Mais rappelez vous que l’anglais scientifique est assez facile sur le plan lexical et qu’une erreur n’aurait pas de conséquences diplomatiques…).
– « Influences of cognitive support on episodic remembering : tracing the process of loss from normal aging to Alzheimer’s disease » de Backman and coll. Dans Psychology Aging – 1998 n°13
– « How to make a spaghetti sauce with a dozen small things I cannot name : a review of the impact of semantic-memory deficits on everyday actions » de Bier and coll. Dans Journal of Clinical Experimental Neuropsychology – 2010.
– « Effects of semantic impairment on language use in Alzheimer’s disease » de Altmann et coll. Dans Seminars of Speech and language – 2008