La déambulation chez les patients déments
PSYCHOLOGIE ET NEUROPSYCHIATRIE du VIEILLISSEMENT, Décembre 2008, n°4
Denise STRUBEL et Mariana CORTI
Le dément déambulant marche de façon excessive, répétée et/ou prolongée au cours de la journée, à une vitesse variable, suivant différents trajets et peut ainsi se perdre. Ce comportement est jugé comme un trouble.
L?usage français a recours au terme de déambulation, alors que les Anglo Saxons distinguent le wandering (errance, sans but) et le pacing (marche compulsive).
Que nous disent les malades en déambulant ?
– certains se déplacent à la recherche de quelque chose (sortie d?un lieu, autre lieu) ou de quelqu?un (leur mère souvent).Ces déambulations finalisées sont souvent chargées d?angoissse.
– Le désir de fuite est fréquent en institution. Il reflète la non acceptation du lieu ou sa non reconnaissance, mais elle peut être aussi un appel à la liberté.
– Un mode exploratoire, en fouillant les placards, ouvrant les portes?. Dans un processus plus paisible
– Une déambulation compulsive que rien ne peut arrêter, souvent linéaire et stéréotypée dans sa trajectoire.
– Des turbulences nocturnes, liée à l?instabilité du sommeil.
Le type de déambulation détermine sa teinte émotionnelle : anxiété, révolte, colère ou quiétude.
L?évaluation est qualitative et subjective, faite par l?entourage. Il y a aussi l?échelle NPI qui ne permet toutefois pas d?évaluer spécifiquement la déambulation.
La fréquence est variable, de 12% à domicile à 21% en institution.
La déambulation apparaît surtout au stade évolué de la démence. La fréquence passe de 12% au stade léger à 80% au stade sévère ou de 4,8 à 21,4% selon le CDR. Le degré de sévérité est donc le facteur favorisant essentiel, mais le sexe masculin, les roubles du sommeil et une vie antérieure active sont des facteurs existants.
La déambulation peut être un trouble symptomatique lorsqu?elle apparaît de façon inhabituelle et il faut donc rechercher une étiologie.
Elle est le plus souvent primaire.
Sa signification n?est pas univoque :
– Activité occupationnelle pour lutter contre l?ennui surtout en institution.
– Activité finalisée qui nous échappe
– Trouble secondaire à la désorientation spatiale
– Réveils de comportements automatisés antérieurs (aller chercher les enfants à l?école, réparer les radiateurs?.)
– Anxiété d?un lieu non (re)connu.
On insiste sur les conséquences négatives :
– nécessité d?une supervision permanente
– risque de blessures
– conflits liés à l?intrusion dans certains lieux
– fatigue extrême en fin de journée
– impossibilité de prendre un repas assis avec un risque de dénutrition
– survenue d?une fugue très anxiogène par rapport à l?entourage ou au personnel.
Mais il y a aussi des éléments positifs : alternative à l?apathie et interactions sociales.
La prise en charge est médicamenteuse (antipsychotiques bénéfiques à faible dose). Mais les techniques non médicamenteuses sont indispensables :
– activités physiques ou occupationnelles
– stratégies comportementales (sens de la déambulation, validation de la parole du dément, réassurance , réduction du stress, tolérance des troubles mineurs, adaptation de la prise des repas et limitation des contentions selon les recommandations de la HAS.
– Adaptation de l?architecture
La prise en charge de la déambulation soulève des problèmes éthiques, du fait du compromis difficile à trouver entre la préservation d?une certaine liberté et la recherche de la sécurité. Les recommandations de l?ANAES doivent servir de guide. Par ailleurs, il faut savoir accepter une certaine prise de risque.