Evaluation des capacités de communication verbale et non verbale chez l’enfant autiste

Actualités Orthophoniques Juin 2000 (volume 4, n°2)
Pour la plupart d’entre nous, nous entendons davantage parler de l’autisme (en particulier dans de nombreuses revues grand public, quelque peu fascinées par ce trouble) que nous nous en occupons d’un point de vue thérapeutique. Il est vrai que de nombreux enfants autistes sont dans des structures spécialisées, mais il est tout aussi évident qu’une certaine méconnaissance puisse exister du fait de la nouveauté des travaux dans le domaine. Aussi, les articles de ce numéro de Glossa tombent fort à propos. Et en particulier celui que nous vous présentons ici, car il mêle évaluation et intervention, de façon à la fois rigoureuse et claire, et permet donc, sinon de devenir un spécialiste en la matière, du moins de donner les grandes lignes de notre éventuelle intervention.
Les auteurs débutent naturellement par une définition du syndrome autistique. Il sera d’ailleurs fort utile de la compléter en lisant les autres articles de ce numéro de Glossa, ce qui donnera un éclairage croisé fort utile.

Il s’agit donc (mais vous le saviez sans doute déjà) d’un trouble global et précoce (apparaissant avant trois ans) du développement. Trois domaines semblent touchés :

• les interactions sociales

• la communication verbale et non-verbale.

• Le comportement.

La référence essentielle pour la description des troubles se situe dans le DSM IV.

Les troubles de la communication sont constants. Ils concernent la forme même du langage mais surtout la communication : « la communication ne se réduit pas au fait de savoir parler, mais il faut aussi savoir quand parler, à qui et comment ».

Le développement normal de la communication a un but très utilitaire : demander quelque chose..

Or la plupart des enfants autistes ne savent pas comment agir sur le comportement de l’autre. Dans le meilleur des cas, ils pourront avoir quelques éléments de communication utilitaire, mais rien n’existe au delà dans le partage d’un intérêt commun (par exemple les idées ou les sentiments). Il n’y a donc pas de communication fonctionnelle, même s’il y a langage formel.

Les auteurs s’intéressent ensuite à la communication non-verbale, en général universelle, mais fortement perturbée dans ce trouble.

Ces déficits sont permanents, mais ont des degrés divers selon les individus.

On cite toujours la difficulté du contact oculaire (« rare, fugitif.. »).

Mais il y a aussi des expressions faciales réduites ou exagérées, mais de toute façon peu appropriées. Les gestes expressifs sont également réduits, le pointage servant seulement à obtenir un objet.

Les enfants autistes ont des difficultés à interpréter les gestes de communication. Enfin la parole est monotone, et non adaptée au contexte.

La communication verbale est également touchée : d’une part seuls 50% des enfants autistes développent un langage oral. D’autre part de nombreux troubles existent :

• usage du « tu » pour le « je »

• association d’une phrase à un événement précis.

• absence du « oui » et du « je »

• écholalie immédiate ou différée, qui peut tout de même avoir valeur de communication

• idiosyncrasies de langage, c’est à dire utilisations personnelles d’expressions

• rituels verbaux

Les aspects syntaxiques et phonologiques sont assez bien préservés. Par contre, on note une difficulté sémantique importante, les mots étant liés à un contexte précis. Il y a association d’un mot et d’un contexte, mais pas de possibilité de généralisation.

L’aspect pragmatique est le plus touché et apparaît comme la caractéristique même de l’autisme.

L’évaluation des capacités :

• un entretien avec les parents constitue un préalable car il permet d’orienter les épreuves suivantes. Une grille d’entretien (celle d’A. SCHILLER) est proposée ici pour évaluer la communication spontanée.

• L’observation du comportement (qui est une sorte de préalable) sera facilitée par un travail à deux personnes et par un enregistrement video éventuel. Les auteurs proposent ici plusieurs pistes d’observation (comme l’attention conjointe, le pointage, la modalité de langage utilisée..).

• Les capacités réceptives seront traitées en premier lieu car les enfants autistes répondent bien plus facilement qu’ils ne sollicitent… En visuel, on étudiera la qualité du contact visuel, la poursuite oculaire, l’utilisation de différents objets. En auditif, on testera du matériel non-verbal et verbal : réaction au bruit, à la voix… On appréciera la compréhension du contexte, de mots isolés, de consignes, de questions, d’informations complexes. Les messages gestuels seront particulièrement analysés afin d’évaluer les possibilités de communication augmentée, qui constitue une bonne piste d’intervention.

• Dans les capacités expressi­ves, on s’intéressera aux praxies oro-faciales, aux capa­cités d’imitation, aux capacités mnésiques et bien sûr au mode de communication. On notera la qualité de l’expression, le bagage sé­mantique et l’aspect pragmati­que en fonction de différentes situations sociales et commu­nicatives. On notera aussi la possibilité d’utilisation d’images et/ou de pictogram­mes, qui représentent un élément fort car constant pour les autistes.

• Le langage écrit sera exploré en particulier pour apprécier l’aspect fonctionnel de la lecture. Car on sait que certains enfants autistes lisent de façon globale et sans apprentissage formel, mais sans compréhension. On analysera aussi les possibilités de transcription, manuelle ou par clavier.

Cette évaluation permettra d’apprécier les capacités dans le cadre de la communication sociale, et non de façon formelle, ce qui s’avère essentiel dans une perspective d’intervention.

Et pour terminer la partie consacrée à l’évaluation, les auteurs rappellent l’intérêt de bien comprendre le fonctionnement cognitif, par exemple avec l’aide de tests comme le PEP.R (Profil Psycho-Educatif. Révisé) de SCHOPLER.

La deuxième partie de l’article propose des pistes pour la prise en charge.

Il est diificile voire impossible de corriger les importants troubles cognitifs. Il faut donc passer par des compensations.

On sait que « l’enfant autiste per­çoit et comprend l’environnement de manière différente ». Il faut donc bien comprendre sa façon de fonctionner, y compris les points forts et proposer des stratégies compensatoires. Celles-ci repo­sent en fait sur l’adaptation de l’environnement.

Il conviendra en premier lieu d’aider l’enfant à « comprendre » le projet qu’on lui propose : les enfants autistes ont besoin de simplifications et d’éclaircissements. On utilisera donc avec profit des « aides vi­suelles », qui pourront être des pictogrammes, des objets, des images, des mots écrits…

On pourra également prévoir un espace délimité et spécialisé de même qu’un emploi du temps bien précisé. Il sera ainsi possible de faire accepter par l’enfant d’ordinaire figé des changements qu’il pourra anticiper. Ainsi la durée de la séance doit être matérialisée (idée des boîtes).

La communication augmentée doit être la base de tout travail avec des enfants autistes. Par exemple le MAKATON, qui s’appuie sur un lexique porté par des signes (LSF) et des pictogrammes et accompagné de la parole. Ces aides visuelles, en particulier les pictogrammes sont indispensables pour fixer des informations orales.

Mais avant de s’exprimer, l’enfant devra comprendre la signification des différents items et repérer, puis utiliser les éléments non-verbaux (regard, prosodie, manifestation des émotions…). En fait il devra apprendre ce qui pour les autres enfants est naturel dans la communication.

Enfin n’oublions pas la nécessité absolue de s’appuyer sur les parents et les intervenants pour essayer de généraliser les apprentissages, ce qui s’avère particulièrement délicat avec ce type d’enfant.
« Il y a presque toujours quelque chose à proposer pour aider l’enfant autiste à progresser dans son apprentissage d’une communication fonctionnelle ».
F. CUNY et F. GASSER

GLOSSA, 2000, n°70