Nous en parlions dans la dernière lettre. la stimulation cérébrale profonde fait l’objet de plus en plus de recherches, de plus en plus de pratiques dans de plus en plus de pathologies. Le numéro 2, volume 4 (avril 2012) de la Revue de Neuropsychologie a fait la part belle à ces techniques novatrices.
Y a-t-il une place pour la stimulation cérébrale profonde dans le traitement symptomatique de la maladie d’Alzheimer
D. FONTAINE et coll
Revue de Neuropychologie 2012 – N°4-2 Avril 2012
Vous avez sans doute déjà entendu parler de la Stimulation cérébrale profonde (SCP), en particulier en lien avec le traitement symptomatique des mouvements anormaux de la maladie de Parkinson.
Le mécanisme est le suivant : « une installation neurochirurgicale stéréotaxique* d’un dispositif composé d’électrodes intracérébrales reliées à un générateur sous-cutané ». Ce système « permet de délivrer une stimulation électrique permanente de l’ordre de quelques volts ». C’est une technique non lésionnelle, réversible et modulable (modification possible des paramètres).
Quelques risques existent au vu de l’importance de l’opération : survenue d’une hémorragie intracérébrale (1% des cas) ou infection du matériel (3%). Mais on compte plus de 70 000 patients parkinsoniens traités de cette façon dans le monde, avec d’excellents effets moteurs et donc une amélioration de la qualité de vie même si les autres symptômes cognitifs ou axiaux poursuivent leur dégradation.
On ne connaît pas complètement les mécanismes d’action, mais on obtient de très bons résultats. D’autres pathologies (maladie de Gilles de la Tourette, dépression chronique, obésité morbide) ont été traitées de cette façon.
C’est d’ailleurs de façon totalement fortuite lors d’une évaluation post opératoire sur un patient obèse qu’une équipe de Toronto découvre qu’il est possible de moduler les circuits neuronaux de la mémoire en lien avec la diffusion du courant dans le fornix *.
La question s’est donc posée de la possibilité d’améliorer, stabiliser ou ralentir l’évolution des patients présentant un déclin mnésique et cognitif, comme dans la maladie d’Alzheimer.
La même équipe de Toronto a traité six patients durant un an par une SCP bilatérale au niveau du fornix au niveau de sa traversée par l’hypothalamus. Deux patients ont vu leur MMS s’améliorer légèrement et quatre autres ont en un moindre déclin de ce MMS. Pour l’Adas-Cog, il y a deux légères améliorations, deux stagnations et deux aggravations. Les meilleurs résultats correspondent aux cas les moins graves au début de l’étude.
Par ailleurs on notait une amélioration du métabolisme du glucose des régions cingulaire* postérieure, temporale et pariétale, par une diffusion de l’effet. Il y aurait donc une action de modulation de l’ensemble du réseau impliqué dans la mémoire.
Une autre étude s’est intéressée au noyau basal de Meynert*, précocement atteint dès le début de la maladie d’Alzheimer. Une stimulation dans cette zone permet une amélioration des capacités cognitives ainsi que de l’attention et des praxies. L’arrêt de la stimulation ramenait les résultats au stade initial.
Ces cas pilotes sont encourageants même si les mécanismes ne sont pas encore totalement identifiés…
Toutefois, l’amélioration des symptômes n’empêche pas l’évolution défavorable du processus pathologique et les améliorations n’auraient donc qu’un temps. Les patients jeunes et peu atteints devraient donc être traités en priorité. Un dernier point est celui du rapport service rendu/prix : Chaque opération coute entre 20 et 30000 euros…
Bibliographie :
– « Memory enhancement and deep-brain stimulation of the entorhinal area » N. Suthana et coll in « New England Journal of Medicine » 2012, 366.
– « A phase 1 trial of deep brain stimulation of memory circuits in Alzheimer’s disease » AVV. Laxton and coll. In « Annals of Neurology » 2010, 68.
- stéréotaxique
« Repéré dans les trois plans de l’espace ».
Il s’agit d’abord d’utiliser l’imagerie cérébrale (IRM ou Scanner) pour déterminer, à l’aide d’un cadre stéréotaxique fixé autour du cadre et d’outils informatiques sophistiqués, des repères très précis de la zone à travailler et de la trajectoire la moins invasive. On obtient ainsi une carte tri-dimensionnelle. Ensuite, par un orifice à travers le crâne, un instrument lié au cadre permet le travail : pose d’électrodes ou biopsie d’une tumeur. Cette technique permet d’éviter au mieux les « dommages collatéraux » (zones touchées et abimées par le passage de l’outil alors qu’elles sont saines) qui n’étaient pas rares autrefois.
- fornix
C’est une structure anatomique d’une forme très particulière (une sorte de double C), bien caché au cœur du cerveau, juste sous le corps calleux, et constituant aussi une commissure inter-hémisphérique.
Mais c’est surtout sa fonction intra-hémisphérique qui est importante : il fait partie du circuit de Papez (circuit fondamental pour la formation des souvenirs) et il va connecter les corps mamillaires et l’hypothalamus avec l’hippocampe
- cingulaire
Le gyrus cingulaire est une importante zone cérébrale formant une ceinture autour du corps calleux. Son rôle est important dans la remémoration et dans l’orientation topographique. Il est activé lors du rappel de souvenirs autobiographiques.
Dans la Maladie d’Alzheimer, le cortex cingulaire postérieur et l’hippocampe sont les deux zones qui montrent la plus forte réduction d’activité métabolique (à la différence du vieillissement normal où ce sont les zones du cortex frontal qui sont les plus atteintes).
- Meynert (ou plutôt noyau basal de Meynert, car la vie de ce médecin allemand de la seconde partie du XIXème siècle nous importe moins…)
C’est une structure nerveuse de la base du cerveau qui innerve l’ensemble du cerveau en neurotransmetteur acétylcholine. Dans les maladies neurodégénératives, les neurones de ce noyau sont touchés et cette perte neuronale conduit à un déficit cholinergique qui entraine à son tour des troubles mnésiques ou attentionnels. Par exemple dans la démence à corps de Lewy, les neurones du noyau de Meynert sont envahis par des inclusions spécifiques (« les corps de Lewy »).