« tmmankgrav,pqpasvoir2m1? alépas1bonn8 »
Bon, j’ai eu de la chance, mon correcteur orthographique n’a pas osé corriger ces phrases, il a du saturer!!!
Le SMS est devenu un incontournable dans notre vie quotidienne et il n’y a qu’à regarder autour de soi à midi dans un restaurant pour le constater… mais à la pratique s’ajoute la spécificité d’un registre de langue spécifique, du moins chez les ados, dont l’acquisition reste un peu mystérieuse.
Qu’en est il du lien « maitrise de l’orthographe-écriture en SMS » qui est loin d’être évident au premier abord ? A vous de lire la suite de l’article….
Traduction de SMS en français standard :
une étude chez des adolescents de 11 à 14 ans
O. VOLCKAERT-LEGRIER et J. BERNICOT
A.N.A.E. – N°118 – Septembre 2012
Certains SMS, envoyés par des adultes en difficulté, sont tant truffés d’une orthographe et d’une syntaxe particulièrement déficientes qu’ils sont difficiles à déchiffrer. Mais on est là dans des apprentissages mal acquis ou des pathologies. Par contre face à ce nouveau langage tout aussi difficilement compréhensible, mais chez des ados « normaux », on peut légitimement penser qu’une session de formation continue ne serait pas du luxe… pour beaucoup d’entre nous….
En introduction, les auteurs rappellent qu’avec le développement d’Internet et le détournement des téléphones portables via les SMS (Short message service pour les non initiés), nous n’avons jamais autant écrit…. Bien sûr ce sont surtout les jeunes (97% des 12-17 ans envoient des SMS (NDLR : mais comment vivent les autres !!) mais 69% des 40-59 ans écrivent aussi. Et pour les ados ce ne sont pas moins de 60 SMS hebdomadaires….
Et devant l’ampleur du phénomène, il fallait bien inventer un « langage écrit » qui soit économe en signes donc aussi en temps. Mais cette compression du message atteint parfois des sommets, strictement inexploitables pour des non-initiés…
En 2011, Fairon a défini trois types de compression (et donc d’interprétation) : la première, light, avec quelques suppressions de pronoms, des abréviations mais un respect global du code orthographique. La seconde propose des simplifications phonétiques et le troisième supprime les espaces et compressent au maximum (« iptitpucGpenCatfR1pti6gn2vi »).
On voit clairement qu’il existe un nouveau registre dans la langue écrite, dont les formes orthographiques sont différentes de celles de l’écrit traditionnel.
Une première étude à propos du lien SMS et orthographe a été réalisée en 2007 (Bouillaud et coll.) mettant en évidence le lien entre âge et maitrise des distorsions orthographiques. Une autre étude (Plester et coll, en 2009) montre qu’il n’y a pas de lien négatif entre l’utilisation des codes des SMS et les scores en orthographe traditionnelle. Mieux encore, les mêmes auteurs (2008) montrent que les participants qui ont de « bonnes performances » en SMS en ont également en orthographe traditionnelle, montrant une capacité globale de maitrise des codes linguistiques.
L’étude proposée ici « a pour objectif d’analyser les capacités de 45 adolescents de 11 à 14 ans à traduire des SMS en écrit traditionnel » et de mieux comprendre l’acquisition, qui ne passe pas par un apprentissage explicite.
Les ados devaient réécrire en français conventionnel à partir de 10 SMS simples ou complexes (NDLR : même les SMS complexes restent compréhensibles pour le peu initié que je suis…). On a séparé les ados en deux groupes, les familiers des SMS et ceux qui n’avaient pas de téléphone portable (27% seulement chez les 14 ans mais 70% pour les 11 ans). On a également distingué les erreurs d’orthographe ces et les erreurs d’interprétation ou plutôt d’absence d’interprétation (comme « kestufé » transcrit « kestufé » !!
Le nombre d’erreurs de traduction diminue avec l’âge et il est plus important pour les SMS complexes. De toute évidence, le registre SMS s’acquiert entre 11 et 14 ans (en même temps que leur possession, leur utilisation et leur familiarité du portable…). D’ailleurs les ados de 11 ans font surtout des erreurs d’interprétation, ce qui démontre leur faible maitrise.
On note aussi que les ados ayant un faible niveau orthographique font également le plus d’erreurs de traduction que ce soient dans les SMS complexes que simples. De même en matière d’interprétation.
Juste pour le plaisir : « je pens pa que j’iré sur MSN ma mere ma puni a cose 2 la note de maths ». ou encore « super7neige !mdr ta chute lor de ton so ».
Petite bibliographie :
– PLESTER et coll. : « Exploring the relationship between children’s knowledge of text message abbreviations and school literacy outcomes » in British Journal of developmental pyschology – 27 (1) 2009
– BOUILLAUD et coll. : « Cyberlangage et orthographe : quels effets sur le niveau orthographique des élèves de CM2, 5ème et 3ème » in Bulletin de Psychologie 60 (1) 2007
A noter dans la même livraison d’ANAE, un article à propos de « Les adolescents sourds et la production écrite en contextes variés » (Fabre et coll) qui montre en particulier que les ados adaptent leur registre à leur utilisation (registre moins relâché pour des blogs ou des écrits scolaires = « textes publics » que pour les SMS « textes privés ».