P.A.C.E. Promoting Aphasia Communication effectiveness
Cette méthode de rééducation orthophonique a été proposée en 1981 par G. Albyn DAVIS et M. Jeanne WILCOX.
Elle a été « vulgarisée en français » en 1984 par une équipe belge puis en 1990 par une équipe de Lille (voir bibliographie en fin d’article).
Mais depuis ces trente années, bien peu d’orthophonistes connaissent cette méthode et encore moins l’utilisent, dans sa forme ou au moins son objectif.
C’est que notre contrée orthophonique n’est guère encline à s’intéresser à la pragmatique, en particulier dans la prise en charge des troubles aphasiques. L’essentiel est axé sur la progression linguistique, à travers des exercices le plus souvent généraux. Comme si l’aphasie n’était qu’un trouble langagier…et pas aussi et sans doute surtout un trouble de la communication. Oublier cela c’est couper le patient de sa vraie motivation, de son vrai besoin, à savoir pouvoir exprimer aux autres ce qu’il pense, ce qu’il souhaite, ce qu’il veut, ce qu’il aime….au delà du défaut de ses mots et de ses phrases.
Or, la P.A.C.E. nous semble constituer une pratique complémentaire très utile dans la prise en charge orthophonique. Il ne s’agit pas de remplacer le travail organisé de « reconquête » des phonèmes, des mots, des phrases mais bien, dès le début, de réouvrir une communication coupée par l’AVC. Notons que la P.A.C.E. peut être utilisée (avec aménagements dans le choix des images/photos) dans des niveaux pathologiques différents.
NDLR : Et au delà cette méthode peut largement influer sur des pratiques avec d’autres patients comme les malades Alzheimer.
Pour cette fois, nous avons choisi de faire une synthèse à partir de plusieurs documents (voir bibliographie) et il faut donc se replacer dans les années 80.
La répétition et la dénomination constituent l’essentiel de l’objectif des rééducateurs, « ce qui s’écarte considérablement des conditions normales de la communication ». La P.A.C.E se veut donc une thérapie de la communication globale et fonctionnelle, basée sur certains paramètres de la conversation duelle. Il s’agit donc d’améliorer les stratégies communicationnelles du patient, de combiner les canaux de communication « pour rendre les échanges d’informations plus efficaces ».
Quatre principes ont été retenus par les auteurs américains :
- Dans la thérapie habituelle, le thérapeute SAIT….les images à nommer… La production n’est donc pas fonctionnelle. Dans la PACE, le thérapeute et le patient échangent des informations nouvelles.
- Le thérapeute et le patient sont tour à tour émetteur et récepteur d’informations. Il y a donc un tour de parole, comme dans la vraie vie…
- Le patient a le choix de son mode de communication (oral, écrit, mais aussi communication non-verbale : dessins, gestes, onomatopées…). Le thérapeute peut modeler mais pas imposer.
- La réussite (à travers le feedback du récepteur) se fait sur la base de la compréhension du message (par exemple la « bonne » carte trouvée) et non de sa qualité linguistique. (NDLR : on peut retrouver ce principe in vivo lorsqu’on se déplace à l’étranger et que seul compte, à travers des mots, des accents, des gestes… d’obtenir ce que l’on souhaite….).
La thérapie constitue une sorte de jeu de devinettes : car ce que le patient sait est inaccessible au thérapeute.
Concrètement, deux situations principales existent :
– explication
– devinettes
et deux formules :
– les images en double
– les images uniques
- Images en double en explication
Il y a deux jeux de 6 à 10 images/photos. Les deux interlocuteurs les placent à l’abri du regard de l’autre (afin de conserver la non-connaissance des items). L’informateur va choisir une image/photo et essayer de l’expliquer au devineur. Après chaque item, les rôles sont inversés.
- Images en double en devinette
L’informateur choisit en secret une image/photo. Le devineur doit poser des questions pour trouver la bonne carte.
- Cartes simples en explication
L’informateur n’a qu’une carte devant lui. Il doit l’expliquer jusqu’à ce que le devineur (qui n’a aucune carte) puisse l’identifier clairement.
- Cartes simples en devinette
L’informateur tire une carte au hasard et le devineur doit poser des questions pour la découvrir. Cette situation est plus compliquée car le devineur n’a aucun indice.
Le thérapeute va ensuite analyser les réussites et les échecs du patient. Il va alors modeler la communication en proposant les « meilleurs » canaux de communication ou bien ceux qui ont été négligés. Ce modelage va se faire au cours même des situations.
Le matériel constitue sans doute un frein pour la pratique de cette thérapie. En effet, il faut avoir un grand nombre d’images/photos afin de préserver la « naïveté » du thérapeute. De plus, il est bon d’avoir des séries « faciles » car facilement explicables et d’autres plus complexes, avec des images/photos proches et donc plus délicates à expliquer.
NDLR : au delà de la méthode précise, on peut se contenter d’insérer l’esprit de la P.A.C.E. dans nos prises en charge, à savoir une forme de communication organisée mais réelle, un partage réel d’informations, une possibilité d’utiliser des canaux variés, adaptés aux situations et le statut de la réussite, dans le contenu et non la forme. Dès lors, on peut utiliser ces éléments dans d’autres pathologies que l’aphasie, par exemple dans certaines maladies neuro-dégénératives, lorsque les troubles du langage passent au premier plan.
Extraits de bibliographie :
DAVIS et WILCOX « Adult Aphasia Rehabilitation. Applied Pragmatics » Ed. College Hill – San Diego – 1985
CLEREBAUT et coll. « Une méthode de rééducation fonctionnelle des aphasiques : la P.A.C.E. » In Rééducation Orthophonique, 1984, N°138
TRAN THI MAI et coll. « Apport de la thérapie P.A.C.E. dans la communication référentielle de l’aphasique adulte ». In Rééducation Orthophonique, 1990, N°161
Plusieurs mémoires d’orthophonie ont eu pour sujet la P.A.C.E. dans cette période :
Ceux de VERPIOT en 1986, de BRUNAUX et CALLET en 1987, de PAPOZ et MAI en 1987.