A clinical measure for the assessment of problem solving in brain-injured adults

Actualités Orthophoniques Septembre 2003 (volume 7, n°3)
Cet article concerne à l’origine une population spécifique: les traumatisés crâniens. Pourtant, l’esprit même de la démarche et du matériel simple utilisé pourrait sans doute aisément l’ouvrir sur d’autres pathologies moins spécifiques, mais dans lesquelles on retrouve la même composante exécutive.
Les auteurs rappellent d’abord l’importance de la notion de fonctions exécutives et plus spécifiquement de la résolution de problèmes (considéré de façon large et non pas uniquement mathématique). Dès lors qu’un patient doit s’engager dans une activité nouvelle, complexe, organisée et précise, il doit faire appel à ses fonctions exécutives. Dans le cas précis de cette résolution d’un problème, il doit être capable de formuler clairement l’objectif, de planifier les actions, et de modifier éventuellement certaines actions en fonction du feedback obtenu. Et bien sûr certains patients, et plus spécifiquement les traumatisés crâniens ont beaucoup de mal dans ce type de démarche et ne peuvent de ce fait retrouver leur place dans le travail et la société.

Plusieurs épreuves ont été conçues pour évaluer ces déficits : Le Wisconsin Card Sorting Test (Grant- 1948) est sans doute le plus utilisé. Mais il existe aussi le « Coloured Progressive Matrices » de Raven ainsi que la Tour de Londres (ou celle d’Hanoi). Certaines de ces épreuves sont trop complexes, d’autres impliquent une habileté minimale au point de vue praxique, d’autres enfin sont éloignées de la réalité, ce qui enlève beaucoup de motivation à des patients déjà en difficulté dans ce domaine.

Parallèlement, d’autres épreuves ont été conçues pour être très fonctionnelles. Ces épreuves (qui n’ont pas traversé l’Atlantique…) imposent une déjà bonne récupération. Ainsi le MET (Multiple Errands Test, Aitken-1993) implique d’aller dans un magasin, ce qui est bien délicat pour certains patients, mais qui va aussi à l’encontre des économies imposées par le système de « managed care ». Afin de ne pas « dépenser » , ce système va inciter les thérapeutes à privilégier les activités sur le lieu de soins, ce qui va à l’encontre de la nécessaire réinsertion des traumatisés crâniens…

La sélection d’un « bon » test se fait sur une série de critères :

– Est-ce que les consignes sont assez simples pour être comprises par une grande variété de patients ?

– De même pour la difficulté de ce qui est demandé aux patients ?

– Est-ce que le matériel proposé va susciter intérêt et motivation du patient ?

– Est-ce que l’épreuve peut créer un lien avec une activité passée du patient ?

– L’entraînement nécessaire pour maîtriser le test de la part du clinicien sera-t-il important ?

– Est-il possible de faire passer l’épreuve et de la noter dans un temps assez court ?

– L’épreuve permet-elle d’apprécier l’évolution d’un patient ?

Selon les auteurs, le RAPS (Rapid assessment of Problem solving) pourrait répondre à ces critères. Il est en partie calqué sur le test des « 20 questions » de Mosher en 1996. Ce test avait été mis au point pour analyser les stratégies d’enfants lorsqu’ils posaient des questions. Le matériel était simple : 42 dessins d’objets. Il s’agissait pour l’enfant de retrouver l’objet auquel pensait l’examinateur. Pour cela il pouvait poser des questions mais la réponse ne pouvait être que OUI ou NON. La qualité des stratégies apparaît dans le nombre de questions posées par l’enfant (aussi faible que possible) mais aussi dans le pourcentage de « bonnes questions ». Les auteurs constataient que le pourcentage de bonnes questions augmentait entre 6 et 11 ans. A l’inverse, les personnes âgées posaient moins de « bonnes » questions pour résoudre le problème. D’autres études ont été faites avec ce matériel et on constate que les aphasiques, même légers, ainsi que les enfants présentant des troubles d’apprentissage, ont de moins bons résultats que les sujets témoins.

On doit noter que ce test des 20 questions nécessitent des ressources mnésiques, puisqu’il n’y a pas de support et que le sujet doit donc se rappeler de ce qu’il a déjà demandé. On conçoit que ceci puisse poser des problèmes aux traumatisés crâniens.

Le RAPS présente quelques aménagements :

– Le nombre d’images est réduit à 32. En plus de la réduction brute, cela permet d’éliminer facilement des groupes d’images, par exemple en posant la question « est-ce en couleur ou en noir et blanc ». On pourrait imaginer que quatre questions seulement suffisent pour trouver LA solution.

– Le nombre d’images par catégorie est contrôlé (par 4,6 ou 8).

– Le RAPS comporte neuf planches de 32 images pour éviter les facilitations de l’apprentissage (alors que le test des 20 questions reprenait les mêmes images).

– Un petit travail de dénomination ainsi que la résolution d’un problème à partir de 9 images seulement est proposé. Ceci permet de voir la capacité du sujet à aller plus en avant.

– Mais le plus important est qu’il n’est pas fait appel à la mémoire puisque l’examinateur recouvre les images éliminées par les questions au fur et à mesure.

La procédure est la suivante :

Une planche de 20 cm sur 10 avec 32 images, moitié en couleurs, moitié en noir. Il y a une catégorie de 8 images, deux de 6 et trois de 4.

On explique clairement au sujet la procédure : « Je vais penser à une de ces images (en balayant de la main la planche) et vous allez la découvrir. Pour cela, vous devrez poser des questions auxquelles je pourrais répondre par OUI ou par NON. Il faudra poser le moins de questions possibles. »

Les scores tiennent compte du nombre de questions, du pourcentage de « bonnes » questions (celles qui éliminent plusieurs images comme « est-ce un animal » ou bien « est-ce dans la première rangée » à la différence des questions directes « est-ce un chien » ou bien « est-ce quelque chose qui a des touches blanches et noires ») et d’un score d’efficacité.

Les auteurs détaillent statistiquement les différentes réponses. On peut noter que sur 1108 questions, 869 sont de « bonnes » questions, dont 739 se focalisent sur la catégorie et 130 sur d’autres informations (la couleur, la place…). 13% sont des propositions directes.

Les participants « normaux » ont besoin en moyenne de cinq questions pour trouver la bonne image et 80% de leurs questions sont « bonnes ».

On ne note aucune différence selon l’âge (entre 20 et 75 ans).

Bien sûr, le RAPS a quelques limites :

– D’abord il s’agit d’un test oral et il n’est donc pas applicable à certaines catégories de population. On pourrait imaginer des questions par gestes, par écrit ou par ordinateur, mais cela n’a pas été réalisé dans cette étude.

– Ensuite, de nombreux problèmes peuvent limiter le sujet dans sa recherche (négligence visuelle, champ visuel…).

– Enfin, à propos des traumatisés crâniens, leur « fonctionnement cognitif » peut expliquer une réelle difficulté à organiser leur stratégie.

Toutefois, on constate à l’usage que ce test peut être utilisé avec des adultes cérébro-lésés mais aussi avec des enfants, dans un contexte de troubles d’apprentissage.

Pour terminer voici un tableau de travail avec quelques exemples des questions émises par les sujets :

Stratégie privilégiant la catégorie:

Cible : le piano

Question 1 Est-ce un animal ? Réponse : NON

Question 2 Est-ce un meuble ? Réponse : NON

Question 3 Est-ce un moyen de transport ? Réponse : NON

Question 4 Est-ce qu’il a des touches ? Réponse : OUI

Stratégie privilégiant la non-catégorie:

Cible : l’éléphant

Question 1 L’image est-elle en blanc et noir ?
Réponse : OUI

Question 2 L’image est-elle dans les deux premières rangées Réponse : OUI

Question 3 Est-ce un moyen de transport ? Réponse : NON

Question 4 Est-il vivant ? Réponse : OUI
Robert MARSHALL et coll.

American Journal of Speech-Language Pathology, 12,3, Août 2003,