Etiologie des dysphasies

Actualités Orthophoniques Mars 1999 (volume 3, n°1)
Dysphasie, langage oral, convulsions fébriles

Si la connaissance de l’étiologie des troubles du développement n’a pas d’impact direct sur leur prise en charge rééducative, elle s’avère pourtant essentielle lorsqu’il s’agit de prise en charge précoce.
Les études menées à l’Université de Liège ont relevé deux pathologies souvent à l’origine de troubles graves et durables du langage.

1 – Les enfants à petit poids de naissance (moins de 1kg 500)

2 – Les convulsions fébriles

1 – Le pourcentage d’accidents cérébraux néo-nataux – malgré les progrès de la médecine – ont encore évalué à 14% de nouveaux nés avec un APGAR inférieur à 7 et donc nécessité de réanimation.

Les facteurs associés aux naissances à risque sont une hypertension brusque succédant à une hypotension (acidose – souffrance f?tale par compression prolongée – ictère – déshydratation chez les post matures).. Ce n’est pas l’ischémie due au manque d’oxygène qui est responsable des séquelles mais les hémorragies des capillaires artériels liées aux changements brusques de la pression sanguine.

Les prématurés sont plus résistants que les nouveau-nés à terme au manque d’oxygène mais ils présentent plus de risques d’hémorragies capillaires péri et intra ventriculaires.

Les études sur les nouveau-nés à terme – ayant présenté une asphyxie inférieure à deux minutes – mettent en évidence un déficit du QI performance (structuration spatiale, motricité, mémoire, concentration) mais un QI verbal normal dans 90% des cas. En 1983, une étude sur les nouveau-nés de moins de 1500 grammes prématurés (gestation inférieure à 32 semaines) met en évidence des moyennes inférieures en QI performance et QI verbal par rapport au groupe contrôle : 30% de ces enfants présentent des anomalies neurodéveloppementales touchant le langage, la structuration spatiale, la motricité. On constate d’autre part plus de cas de strabisme, plus de gauchers et plus d’enfants non latéralisés.

Une étude plus récente (1992) confirme ces résultats.

Enfin la comparaison avec les résultats obtenus par les enfants de poids inférieur à 1000 grammes permet de constater un écart encore plus important sur le plan du langage mais aussi de la motricité, l’infériorité des résultats étant directement en rapport avec l’ampleur des hémorragies cérébrales. Grâce à l’échographie transfontanellaire, les hémorragies péri-ventriculaires ou intra-ventriculaires et les nécroses anoxiques peuvent être objectivées. L’auteur distingue quatre stade de gravité :

• Les hémorragies péri-ventriculaires stade I

• Les hémorragies intra-ventriculaires H.I.V. sans (stade II) ou avec (stade III) dilatation ventriculaire.

• L’ischémie hémorragique cérébrale stade IV.

Une étude ( en 1994 ) réalisée sur des enfants de moins de 1000 grammes constate que :

• La prématurité seule n’engendre pas de diminution des performances intellectuelles ou instrumentales.

• Par contre, les hémorragies péri-ventriculaires (stade I) et intra-ventriculaires ( stade II) engendrent des déficits au niveau de la compréhension des phrases et de la mémoire de travail.

• Les hémorragies H.I.V. de stade III ou IV occasionnent des chutes massives et généralisées à tous les domaines de développement.

Une étude sur deux ans ( de 1996 à 1998 ) a permis de comparer trois groupes d’enfants de moins de 1500 grammes âgés de 4 à 6 ans – le premier avec des nécroses anoxiques, le second avec des hémorragies, le troisième constitué de prématurés indemnes – et un groupe de contrôle appartenant aux classes moyennes et favorisées.

On constate que :

– Les anoxiques présentent un QI verbal normal, mais un QI performance inférieur.

• Les hémorragiques présentent un QI verbal, un QI performance et des résultats aux tests de langage inférieurs non seulement au groupe contrôle mais également aux anoxiques. Le déficit en performance et en langage serait dû à des hémorragies bilatérales.

• Les indemnes se rapprochent du groupe contrôle tout en présentant un léger déficit du QI performance et de composante morphosyntaxique du langage.

La prématurité en soi ne paraît donc pas être à l’origine du handicap. Toutefois on constate des écarts par rapport au groupe contrôle en ce qui concerne la latéralité manuelle avec 18 % de gauchers et 25 % d’enfants non encore latéralisés. On constate que la proportion de gauchers la plus importante (50% ) se retrouve chez les hémorragiques – ce qui s’explique par un certain nombre de gauchers pathologiques à savoir droitiers latéralisés à gauche du fait d’une hémorragie dans l’hémisphère gauche.

Enfin, l’auteur rappelle la forte proportion de jumeaux au cours de cette étude (proportion qui se retrouve dans toute étude sur les prématurés) et précise qu’il n’y a pas eu de différences significatives entre leurs résultats et ceux des naissances uniques.

A ces résultats, l’auteur ajoute trois questions :

• Le repérages de H.I.V. de type I et II par l’échographie transfontanellaire reste difficile ( opacité des zones temporales ) et insuffisante. Alors qu’elles sont considérées comme mineures au niveau de leurs conséquences, ces H.I.V. sont toutefois responsables de problèmes de langage et de latéralisation.

• L’APGAR supérieur à 4 pour les deux tiers des prématurés ne garantit pas l’absence de problèmes ultérieurs car les saignements pourront augmenter au cours des heures voire des jours suivants.

• Dans les cas d’H.I.V., on ne peut pas toujours diagnostiquer une dysphasie – du fait du déficit du QI performance et des troubles associés. Les enfants se retrouvent alors classés comme débiles ou arriérés mentaux.

2 – Les convulsions fébriles

les convulsions fébriles fréquentes ( entre 3 et 5 % de la population ) touchent les enfants âgés de 6 à 36 mois . Généralement, ils sont hospitalisés . Le diagnostic établi – par exclusion – ils sont mis en observation pendant 48 heures puis rentrent chez eux « guéris » . Des études dans les années 70 avaient en l’absence de séquelles liées aux crises qu’elles soient simples ou complexes, qu’elles soient uniques ou récidivantes .

Mais d’autres études menées depuis une quinzaine d’années à Liège démontrent le contraire. L’auteur précise que les enfants présentants d’autres pathologies associées telles que prématurité, épilepsie, méningite, ont été éliminés de ces études.

Les enfants ayant subi des convulsions présentent :

• Une infériorité de 12 points par rapport au QI performance.

• Une chute du QI performance de 20 points lorsqu’il y a eu prise de phénobarbital jusqu’à l’âge de 5 ans.

• Des difficultés de discrimination auditive pour 90 % de ces enfants avec troubles durables et handicapant pour l’apprentissage de la lecture dans 30 % des cas.

• On constate enfin un certain nombre d’enfants inévaluables (10 % ) du fait d’un retard mental massif. Les autres se partagent par moitié entre enfants indemnes et enfants présentant des problèmes graves de langage – dont 25 % de dysphasiques.

Le critère retenu comme déterminant des troubles dysphasiques graves est l’âge de l’enfant lorsqu’il convulse : les dysphasiques ont toujours convulsé entre 18 et 23 mois que ce soit une crise initiale, unique, ou une récidive – alors que les autres ( indemnes ou retards graves ) n’en ont pas fait à cette période d’âge.

L’auteur conclut en insistant sur le pourcentage d’enfants présentant des troubles sévères du langage d’origine neurologique ( hémorragique et convulsions ) pourcentage évalué au moins à 2 % de la population. Seuls les enfants hémorragiques présentent des troubles associés ( troubles de latéralisation, de motricité fine ) ainsi qu’un déficit du QI verbal qui ne permet pas toujours de les différencier des débiles ( harmoniques ou dysharmoniques ).

La recherche se poursuit donc dans le sens d’un diagnostic différentiel.

Viviane REGNARD

Pour en savoir plus :

Critères de dysphasie
Paule AIMARD
Bulletin d’Audiophonologie, 1996, XII, 5-6

Les méthodes d’analyse du langage parlé
J-J DELTOUR
1997

Tests de J-J DELTOUR aux éditions EAP, PARIS
En particulier Tests des Déterminants pour enfants de 3-6 ans (TDD 3-6) en 1999.

The long-term consequences of periventricular brain damage on language and verbal memory
FRISK et WHYTE
Developmental Neuropsychology, 1994, 10,3
Jean-Jacques DELTOUR
Rééducation Orthophonique, 1998, n°196

Dysphasie, langage oral, convulsions fébriles