Démence et interventions non médicamenteuses : revue critique, bilan et perspectives
Pascale DORENLOT
Gériatrie et Psychologie, Neuropsychiatrie du Vieillissement
N°4 (2) – Juin 2006
Bien sûr l’article date d’il y a 8 ans… Et pourtant il reste totalement d’actualité, preuve sans doute que la prise en charge des patients Alzheimer n’évolue que peu. Quant à l’auteur, elle occupait un poste de premier plan dans ce grand laboratoire d’idées qu’est la Fondation Méderic Alzheimer.
Cet article est une revue de la littérature, avec son intérêt de synthèse et son inconvénient de survol et de choix.
L’auteure met d’abord en avant le caractère hétéroclite des interventions proposées (NDLR et c’est toujours le cas, mettant sur le même pied des choses très variées, de niveaux différents et d’utilités diverses).
Quatre catégories d’interventions sont définies qui visent :
– l’amélioration des capacités cognitives par la sollicitation et l’entraînement
– l’amélioration de l’affect des malades
– la modification de l’environnement physique et humain et donc une meilleure adaptation des patients
– un accompagnement et une formation des aidants familiaux.
L’auteure souligne ensuite la portée limitée des interventions recueillies dans les articles scientifiques (sur la base d’expérimentations strictes) versus la perception des soignants, des malades et des aidants qui est bien plus favorable. Selon elle, cela ne proviendrait que des limites méthodologiques de ces procédures (NDLR : mais on ne peut pas négliger l’optimiste naturel de chacun dans ce type de prise en charge..).
Elle constate que beaucoup d’études ne précisent pas le type de démences, soit parce qu’elles ne sont pas connues, soit parce que ce n’est pas un élément discriminateur. De même pour l’âge et le degré d’atteinte !! Elle note aussi un manque de fondements théoriques comme appui aux interventions et un manque de clarté en ce qui concerne les objectifs. Sans oublier la fréquente inadéquation entre l’objectif et son évaluation (sur-représentation du cognitif même dans des études plus comportementales).
Les interventions apparaissent très diverses même si les termes sont identiques. On note un manque d’identification des aspects-clé de l’intervention, ce qui permettrait la reproductibilité.
Les interventions qui visent la cognition
Ce sont les plus nombreuses. Elles « visent une stabilisation, voire une amélioration de certaines fonctions cognitives par un entraînement et des sollicitations répétées ainsi que l’acquisition de nouvelles stratégies cognitives ». « La plupart d’entre elles fonctionnent sur la base de séances de groupe… ».
Trois types d’interventions sont proposés :
- Stimulation cognitive non spécifique
Les épreuves cognitives non spécifiques sont de moins en moins proposées car elles présentent des défauts non négligeables : il s’agit d’exercices dépouillés du contexte, qui ne tiennent donc pas compte de l’hétérogénéité des déficits cognitifs entre les malades, ni de l’individualité des besoins spécifiques. De plus, « la personne malade, réduite à un état de « récepteur passif », dans un contexte imposé de « confrontation à la réalité » risque une mise en échec répétée ». Enfin, même s’il y a des résultats, ils ne sont pas transférables dans le quotidien et ne montrent donc pas d’amélioration dans le quotidien.
- Orientation dans la réalité
Les interventions de ROT (Reality Orientation Therapy) sont devenues plus rares pour les mêmes raisons. (pas d’approche individualisée et centrée sur la personne).
3. Réhabilitation cognitive.
L’intervention de réhabilitation cognitive a davantage le vent en poupe. «Elle désigne « une intervention visant à fournir des aides à la mémorisation face à des problèmes concrets définis au préalable par chaque personne malade et destinée à lui permettre de continuer à s’investir dans les activités ». Ces stratégies s’appuient surtout sur la mémoire implicite dans un contexte d’apprentissage sans erreur (mise à la disposition des indices et usage de choix forcés). Ces séances de mémorisation ne constituent alors que l’un des axes de travail (avec la réminiscence, le travail sur l’estime de soi, en profitant du soutien psychosocial du groupe).
Ces exercices mnésiques sont inclus dans une prise en charge globale « visant à faciliter les interactions sociales que le malade aura désignées comme essentielles pour un maintien de son intégration et de sa qualité de vie ».
En conclusion, les évaluations de ces études semblent rares : celles de Spector sur des interventions à base de R.O.T. mais couplées avec de la Réminiscence et une sorte de Validation semblent donner des résultats intéressants sur la qualité de vie des malades. Par contre selon Clare on ne constate pas d’effets significatifs à partir des techniques de stimulation. Comme le constate l’auteure, il est nécessaire de préciser plusieurs points pour obtenir une évaluation plus intéressante.
Les interventions qui visent l’affect
Particulièrement hétéroclites en matière de fondements et d’objectifs, elles s’articulent autour de la vie émotionnelle.
Par exemple la Réminiscence, en petits groupes : les souvenirs anciens sont évoqués à partir de supports variés. De plus en plus les aidants sont associés à ces séances. L’étude de Woods semblent montrer un réel impact de cette technique : amélioration de la cognition, de la dépression, des troubles comportementaux et de la détresse psychique des aidants. Et une meilleure connaissance de l’histoire de la vie du malade par le personnel des institutions.
La Validation consiste à reconnaître et à répondre aux émotions que le malade exprime, lors de séances de groupe. Les résultats des évaluations sont mitigés et sans doute faudrait-il peaufiner les recherches.
Notons que des séances de psychothérapie individuelle ont été proposées en début de maladie, sans guère d’effet pour les malades et les aidants. La pertinence de ce genre d’intervention est posée.
Les interventions qui visent l’environnement
Il s’agit d’adapter l’environnement aux besoins des malades. Il peut s’agir d’un projet global (comme celui des Cantous ou des « groups living ») ou plus précis (par exemple la déambulation) avec dans ce cas des thérapies comportementales et des formations du personnel soignant. Les évaluations restent incertaines et peu reproductibles, mais on note que les troubles de l’humeur ralentissent. Cette amélioration repose à la fois sur les éléments techniques (petites unités de vie, proximité et visibilité des éléments fonctionnels…) et sur une perspective plus positive du personnel. La formation du personnel vis à vis de problèmes spécifiques (habillement, continence, bains) montre un impact direct sur le comportement et l’humeur des malades. Il est probable qu’une meilleure connaissance et compréhension des causes déclenchantes (par exemple l’inactivité, la solitude, le trop faible nombre des soignants…) permettrait d’autres améliorations « techniques ».
Notons que les études reposant sur la musicothérapie, l’aromathérapie, la luminothérapie ou le Snoezelen, soit n’ont pas pu être évaluées soit n’ont rien prouvé.
Les interventions qui visent les aidants familiaux
Les études sont nombreuses dans ce domaine et on note une sensible amélioration pour la détresse psychique des aidants familiaux ainsi qu’une institutionnalisation plus tardive pour certaines études. L’inclusion des malades dans ces programmes destinés aux aidants favorise la réussite des objectifs. La gestion comportementale, l’apprentissage des techniques de résolution de problèmes et le soutien social constituent les meilleures pistes.
En conclusion, l’auteure rappelle que les approches combinant le travail sur les fonctions cognitives et un abord psychosocial de la personne donnent les meilleurs résultats.
Bibliographie sommaire :
Les articles de Linda CLARE sont essentiels :
– A role for cognitive rehabilitation in dementia care, Neuropsychological Rehabilitation 2001, n°11, pp.193-196
– La question de la conscience des troubles au stade précoce. Cahiers de la Fondation Méderic Alzheimer 2005 pp.121-131
Mais aussi :
– Non-pharmalogical interventions in dementia, B. WOODS, in Advance Psychiatry Treatment, 2004.