Loin des interventions globales, non ciblées, non personnalisées, non adaptées à chaque cas, la neuropsychologie, et en particulier les écoles belges, nous apporte un cadre et des outils facilement utilisables dans nos prises en charge cognitivo-langagières. Les propositions de cet article, bien que trop succinctes bien sûr, sont tout à fait intéressantes mais ont aussi des limites qui tiennent essentiellement au lieu même d’exercice (ici un Centre spécialisé et expert, chez nous le cabinet individuel de l’orthophoniste isolée) et aussi à cette notion de contrat qui change positivement les rapports entre le patient et sa famille et le thérapeute. Mais il y a fort à apprendre de cet écrit.
Stratégies et méthodes de prise en charge cognitive
chez des patients atteints de la maladie d’Alzheimer ou autre démence
A. Jacquemin Psychologie & neuropsychiatrie du Vieillissement – 2009 – 7/4
Les premières « prises en charge » des patients Alzheimer datent des années 80 et s’effectuaient alors collectivement: groupes de Réminiscence, autour du rappel du passé à partir de supports ou bien ROT (Reality Orientation Therapy) qui constituait un travail sur le temps à partir de multiples aides externes.
Mais ces thérapies de groupe sont largement insuffisantes puisqu’elles considèrent tous les patients atteints de façon équivalente, ce qui n’est bien sûr pas le cas et donc qu’elles pouvaient être appliquées à tous à tout moment.
Le développement de la neuropsychologie et ses applications à la pathologie démentielle a largement modifié les choses en permettant des approches thérapeutiques individualisées et adaptées.
Les principes généraux :
La compréhension du trouble ne peut être correcte qu’à travers une analyse cognitive fine des troubles.
Mais cela ne suffit pas : Il faut également s’intéresser à l’impact dans le quotidien de ces troubles. Diverses possibilités existent en fonction du stade de la maladie. Par exemple le questionnaire d’auto-mémoire (QAM) qui ajoute au tableau des difficultés la perception d’une éventuelle anosognosie, ou encore la transcription dans un agenda des oublis (mais uniquement au stade très précoce de la maladie…) ou une check list des oublis ou enfin la mise en situation dans des tâches quotidiennes avec des notes qualitatives. Quel que soit le type d’évaluation proposé, il ne faudra pas que décrire mais aussi proposer des hypothèses car à un trouble peuvent correspondre des déficits sous jacents différents.
L’auteur travaille en Belgique, sorte de patrie du contrat thérapeutique…..
L’idée est séduisante : un contrat écrit est signé par le patient, son aidant et le thérapeute et il fixe les objectifs poursuivis, la durée de la thérapie (entre 3 et 6 mois, renouvelable) et la fréquence des séances. Dans cette façon de faire, la partie « information » est toujours importante dans les premières séances de même que la notion d’objectif qui colle aux difficultés du quotidien bien plus qu’à des exercices généraux. Ce contrat n’est élaboré qu’après une évaluation complète et une bonne connaissance des besoins du patient.
Les stratégies d’intervention
Le choix des stratégies dépend du tableau cognitif et des objectifs du contrat (NDLR : et non d’un quelconque matériel disponible qui guiderait le travail), l’objectif final étant de contribuer à la qualité de la vie du patient à travers le maintien d’un minimum d’autonomie dans certaines activités comme utiliser un téléphone portable pour pouvoir sortir seul sans angoisse du patient… et de son aidant… sans oublier les « activités plaisir » (NDLR : j’en vois qui sont choquées par cette non technicité apparente ! Et pourtant où se situe l’essentiel ??).
Trois stratégies sont envisageables :
– par facilitation
– par apprentissage
– par utilisation d’aides externe
- Les procédures de facilitation
On doit séparer l’apprentissage d’un procédé facilitateur qui ne peut s’appliquer qu’à des patients très peu touchés (comme des MCI) et un processus temporaire.
Dans le premier cas, on apprend à un patient à utiliser des procédés mnémotechniques de type verbal (association sémantique par exemple) et non verbal (imagerie mentale), comme la méthode nom-visage ou celle des loci. Le patient peut ensuite utiliser cette stratégie dans diverses situations du réel.
Dans le second cas, on crée des associations, on n’apprend pas la méthode, mais cette façon peut également être proposée aux aidants.
Enfin la mémoire procédurale (NDLR dont on sait qu’elle résiste très bien à la dégradation cognitive) peut être utilisée pour le réapprentissage de certaines actions.
- Les techniques d’apprentissage
On retrouve ici les deux grands classiques de la réhabilitation neuropsychologique que sont le Vanishing Cues (estompage) et la technique de récupération espacée. L’intérêt de l’article est de présenter les méthodes mais aussi des cas concrets et bien détaillés (NDLR :….et vous comprendrez bien mieux les choses en lisant les cas présentés…..)
- L’utilisation d’aides externes
Par exemple un carnet mémoire, véritable prothèse mnésique qui va diminuer l’angoisse du patient dans de nombreuses situations mais qu’il est souvent difficile de mettre en place. L’auteur rappelle qu’en créant un tel carnet on « force l’encodage » de l’information à mémoriser alors que la « rumeur publique » pense que si on crée un tel outil on ne fait plus d’efforts de mémoire…
Le carnet mémoire n’est bien sûr pas la seule aide externe. « Les prothèses sont infinies et varient en fonction des besoins ». par exemple la « macrostructure cumulée » pour les amateurs de lecture en difficulté.
Le cognitif dans le « palliatif »
Mais nous savons tous que la maladie d’Alzheimer évolue et que l’utilisation des outils d’intervention va devenir peu à peu difficile puis impossible. Les objectifs de la thérapie vont changer et la revalidation laisse sa place. A un soin de type palliatif ? sans doute mais selon l’auteur en conservant une approche cognitive : la bonne connaissance des capacités résiduelles permet de cibler les propositions et de proposer des exercices adaptés aux possibilités.
Bibliographie :
– « The cognitive management of daily life activities in patients with mild to moderate Alzheimer’s disease in a day care center : a case report ». S. ADAM et coll. In Neuropsychological Rehabilitation 2000 n°10
– « Memory interventions for persons with dementia » CJ CAMP et coll. In Applied Cognitive Psychology 1996,n°10
– « La prise en charge des troubles de la mémoire dans la maladie d’Alzheimer » M. VAN DER LINDEN et coll In « Actualités sur les démences » de C.BELIN and Co, Ed. Solal 2006