Au c?ur de la communication : traitement des enfants d’âge scolaire qui bégaient

Actualités Orthophoniques Décembre 2002 (volume 6, n°4)
La prise en charge d’enfants bègues d’âge scolaire doit tenir compte de leurs comportements, de leurs représentations du bégaiement et de ce qu’ils ressentent. L’auteur donne une vue d’ensemble de ses méthodes d’intervention avec l’enfant, la famille et les enseignants.
L’intervention thérapeutique est basée sur des considérations familiales, extra-familiales et psychothérapeutiques :

– Considérations intra-familiales : ce sont les constructions propres du sujet qui bégaie ; l’enfant peut avoir un avis sur sa parole, sur lui-même, sur la communication ; par contre, il n’est pas toujours conscient de ses propres sentiments. Faire naître cette conscience dans un contexte de soutien positif est du domaine du thérapeute ; cela permettra à l’enfant de changer ses interprétations si elles sont erronées : montrer à un enfant qu’il n’est pas condamné à bégayer, l’aider à surmonter sa culpabilité, sa honte, ses peurs.

Les changements qui apparaissent chez l’enfant qui bégaie au cours de son traitement risquent d’entraîner des modifications compensatoires parmi les membres de sa famille ; il faut donc que le thérapeute évalue et prenne en compte les besoins et attentes de la famille, qu’il comprenne comment l’enfant y trouve sa place et qu’ensuite il implique la famille dans le traitement.

– Considérations extra-familiales : un travail en équipe est recommandé car il permet une intervention plus personnalisée et mieux adaptée au quotidien de l’enfant, les membres de cette équipe étant l’enseignant, le médecin, le psychologue, les paramédicaux.

– Considérations psychothérapeutiques : la modification du bégaiement et un travail de la fluence constituent le traitement:

-Le traitement par modification du bégaiement suppose que le trouble résulte, de la part de l’enfant, d’évitements de mots, de situations et de luttes contre le bégayage. Le traitement visera donc à réduire ces attitudes négatives en diminuant les comportements de lutte, en réduisant les tensions et les peurs liées à la parole. Cette action thérapeutique est préconisée si l’enfant cache son trouble de parole, en évitant notamment de parler.

-Le travail de la fluence suppose que le bégaiement est reconnu par l’enfant qui n’hésite pas à parler et qui ne se sent pas pénalisé par son trouble de parole. Il se fait en contrôlant le stimulus, en renforçant les énoncés fluents et en sanctionnant les bégayages.
– Les quatre objectifs de la prise en charge

1° objectif : Augmenter la fluence de la parole en développant un environnement positif pour l’enfant et en lui évitant les échecs. Transférer la fluence de la parole à l’extérieur du lieu de traitement en discutant avec l’enfant des objectifs à se fixer. Créer les conditions d’une parole fluente en aidant l’enfant à remplacer ses doutes et attitudes négatives, accumulées pendant les périodes de bégaiement, par une attitude positive.

Augmenter la conscience de l’enfant sur sa parole pour qu’il puisse reconnaître ce qu’il fait correctement ainsi que ce qu’il éprouve quand il parle sans bégayer. Mise en place d’un sentiment de contrôle.

Développer l’usage de techniques spécifiques facilitant la fluence : images concrètes, travail du souffle, relaxation, visualisation.

Transférer ces techniques hors du lieu de traitement en hiérarchisant les situations de parole, en planifiant des objectifs, en donnant des modèles, en impliquant la famille.

2° objectif : Augmenter la résistance aux possibles ruptures de la fluence verbale. Pour cela, donner à l’enfant les moyens de faire un feedback positif de lui-même, hiérarchiser les situations de communication, préparer l’enfant à la rechute à l’aide de jeux de rôles.

3° objectif : Etablir ou maintenir des sentiments positifs à l’égard de soi-même et de la communication, en préparant l’enfant à de possibles moqueries, en l’aidant à continuer de penser de façon positive, en lui parlant positivement.

4° objectif : Maintenir les effets du traitement induisant la fluence. Pour cela, il faut impliquer l’enfant dans toutes les décisions en rapport avec son traitement, décroître la fréquence des séances quand les objectifs sont atteints, faire des contrôles réguliers après l’arrêt du traitement, aider l’enfant à être à l’aise avec les changements établis.

– Intervention auprès des parents et des enseignants

– Avec les parents : le thérapeute doit les encourager à être en interaction verbale de façon agréable avec l’enfant, c’est-à-dire ne pas corriger la parole de l’enfant quand il bégaie mais l’encourager à participer à la conversation, être à son écoute, atténuer les tensions.

Le thérapeute doit prendre le temps de répondre aux questions des parents, rassurer ceux qui ont besoin de l’être, les déculpabiliser.

-A vec les enseignants : il faut les conseiller dans le choix d’une attitude positive vis à vis de l’enfant qui bégaie, c’est à dire, lui donner la parole quand il est fluent, le laisser tranquille quand il y a accès de bégayage, ne pas provoquer la gêne de l’enfant, expliquer aux autres enfants le problème du bégaiement.

Cet article met l’accent sur une approche positive de l’enfant qui bégaie, en misant sur la collaboration avec l’enfant lui-même mais aussi avec son entourage familial et scolaire.
David SHAPIRO

Rééducation Orthophonique, n°211, Septembre 2002