Actualités Orthophoniques Juin 2000 (volume 4, n°2)
En préalable de cet article, indiquons que Fréquences est la revue scientifique de l’OOAQ (Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec) et que, numéro après numéro (même si la pagination est réduite), on découvre des approches passionnantes, constituant souvent des ouvertures à partir de nos propres problèmes.
Ici donc, et dans l’ensemble du numéro, c’est de dysphagie qu’il s’agit et plus particulièrement d’une grille mise au point par un comité de l’OOAQ. Quelle chance ils ont outre-Atlantique… !
L’auteur rappelle l’historique de création de cette grille, à partir du concept d’audimutité. Un des buts de la grille était de faire reconnaître la diversité (en type et en sévérité) des dysphasies. En effet, au Québec, les personnes reconnues « audimuettes » bénéficiaient d’un code spécial (52) qui permettait une scolarité dans des classes à effectif très réduit (7 à 9 selon l’âge).
Les travaux pour la réalisation de cette grille (et du guide d’application) sont tirés des travaux les plus récents (francophones et américains) et de l’expertise des meilleurs orthophonistes québecoises.
Cet outil est inspiré du DSM IV par sa notion d’inclusion nécessaire d’un certain nombre de critères. Il faut 8 critères sur 12 pour parler de dysphasie sévère, répartis d’une certaine façon (voir grille ci-après).
Critères d’identification de la dysphasie sévère
A. Evolution extrêmement lente du langage (obligatoire)
B. Caractéristiques de la compréhension orale (au moins une)
• Déficit marqué de la compréhension lexicale
• Déficit marqué de la compréhension morphosyntaxique
• Déficit marqué de la compréhension du discours (scolaire, littéraire)
Exception faite pour les dysphasiques sévères chez qui le déficit de la compréhension peut être modéré
C. Caractéristiques de l’expression verbale (au moins trois)
• Atteinte sévère de la phonologie amenant une intelligibilité de réduite à nulle
• Difficulté marquée à acquérir les règles morphosyntaxiques
• Difficulté marquée à organiser l’ensemble du discours
• Difficulté marquée à maintenir une conversation
• Difficulté marquée d’accès lexical
D. Caractéristiques des fonctions cognitivo-verbales (au moins une)
• Difficultés de généralisation
• Difficultés d’abstraction
• Atteinte majeure des habiletés métalinguistiques
Un critère est reconnu présent uniquement lorsque la difficulté de l’élève est marquée compte tenu de son âge chronologique.
L’intérêt de cette grille est qu’elle ne découpe pas la dysphasie en plusieurs sous-tableaux, ce qui constitue davantage un exercice méthodologique qu’un accès à une évaluation et à une prise en charge.
L’auteur s’intéresse ensuite à la définition du trouble, entre la SLI américaine et le TSDL français (Chevrie-Muller, 1996).
Le S.L.I. (Specific language impairment = trouble spécifique du langage) est un concept essentiel dans l’orthophonie américaine. Il a été souvent étudié et sert de cadre de référence à de nombreux travaux de recherche. Mais ce terme a l’inconvénient de ne pas donner d’information sur la sévérité du trouble.
C. Chevrie-Muller propose un terme équivalent au SLI (TSDL = Trouble spécifique du développement du langage) pour l’ensemble des troubles, réservant le terme de dysphasie aux formes les plus sévères.
Le terme de dysphasie peut d’ailleurs poser problème, car il est peu évocateur pour la famille et tend à avoir (comme l’aphasie) une connotation neurologique. Il y a là un problème de terminologie qui dépasse largement la simple dénomination.
Mais revenons à la grille. A l’origine, selon le guide d’ application lui-même, elle n’est pas conçue pour poser un diagnostic mais pour juger du degré de sévérité.
Mais dans la réalité clinique, il s’agit d’un outil permettant, par des citères observables, de poser un bon diagnostic, tout autant que de juger de la sévérité. Ce qui permet par exemple d’éliminer des hypothèses de retard intellectuel ou auditif.
Si l’utilité de cette grille pour le classement et les études de cas ainsi que pour la comparaison et la recherche est indéniable, cet outil ne doit pas suffire car il ne faut surtout pas négliger le langage spontané, qui n’apparaît pas ici.
De même l’auteur rappelle la difficulté à juger de la sévérité d’une dysphasie dans certains cas. Par exemple un trouble expressif très sévère allié à un trouble léger de la compréhension : est-ce une dysphasie sévère ou modérement sévère ?
Les outils francophones semblent encore insuffisants dans ce domaine. Il y a un manque de données dans le domaine morphosyntaxique ou dans l’analyse du discours communicationnel. Il y a donc « du pain sur la planche » pour améliorer les analyses dans ce domaine.
Enfin l’auteur souligne que c’est la sévérité du trouble et non celle du handicap qui sert de repère pour le classement des enfants dysphasiques. Or ces enfants présentent des difficultés affectives et comportementales souvent importantes et ceci devrait être réellement pris en compte dans le classement et la prise en charge de ce type d’enfants.
Françoise CRETE
Fréquences, Février 2000, 12,2