Actualités Orthophoniques Décembre 2002 (volume 6, n°4)
Deuxième partie : les propositions
2-1 Propositions relatives à la détection
2-1-1 La détection passe par la vigilance des enseignants
« Le repérage précoce permettrait d’engager sans perte de temps et sans laisser s’accumuler les souffrances de l’enfant, les bilans et prises en charge nécessaires »
Il y a donc une démarche que l’on peut qualifier de prévention qui est du ressort des enseignants, essentiellement en maternelle. Il est nécessaire :
* d’observer l’enfant dans ses acquisitions
* de prendre certaines mesures pédagogiques
* de signaler les difficultés de langage
Il ne s’agit bien sûr pas d’un diagnostic, trop précoce et qui n’est de toute façon pas du ressort de l’enseignant.
Toutefois, cette vigilance des enseignants ne doit pas exclure l’engagement des familles. « Une plus grande attention portée aux échanges oraux avec l’enfant dès son plus jeune âge offre davantage de chances à l’enfant pour sa socialisation à l’école maternelle ».
• La détection implique une recherche de solutions pédagogiques.
Il est nécessaire d’individualiser la pédagogie de l’apprentissage du langage oral dans les maternelles (ateliers de langage en particulier).
Mais l’enseignant peut aussi « mettre en place certains moyens pour aider l’enfant : ne pas faire de phrases trop longues, ralentir le débit, répéter les consignes, accompagner les consignes de gestes ou d’indices visuels, parler face à l’élève, faire attention à la bonne intégration de l’enfant dans sa classe.
« L’accompagnement orthophonique doit être coordonné avec l’action des enseignants. L’action doit être concertée et cohérente. » Elle implique donc une communication entre les professionnels et cela malgré les obstacles structurels, spatiaux ou temporels.
L’adhésion des parents est indispensable. Il faut les informer, prendre le temps de leur expliquer les aménagements nécessaires, les « accompagner dans un parcours souvent aussi difficile pour eux que pour leur enfant ».
• Propositions relatives au dépistage
2.2.1 Le dépistage doit intervenir précocement après la détection.
Dès que le maître a repéré des signes d’alerte et qu’ils persistent après une phase d’observation active, il doit effectuer un signalement en vue du dépistage.
Les parents devront être informés de la préoccupation de l’enseignant.
• Le dépistage doit être effectué au niveau départemental par les services de santé scolaire.
Les parents ont bien sûr le libre choix du médecin. Mais « les médecins libéraux sont encore peu nombreux à s’investir dans ces actes ». « Laisser aux familles seules l’initiative du lieu et de la qualité du professionnel chargé du dépistage ne ferait qu’accroître les inégalités liées à des difficultés d’accès aux soins et à d’inégales capacités des parents à se mobiliser efficacement ».
Il est irréalisable d’introduire des tests pour tous les enfants dans le bilan des 6 ans. Le dépistage ne peut être que ciblé, à partir des signalements effectués par l’école.
On peut imaginer le dépistage en deux temps :
• en moyenne section de maternelle (4-5 ans) par les services de PMI.
• Lors du bilan d’entrée en CP par le médecin de santé scolaire.
Le médecin scolaire doit avoir un rôle central dans le dispositif. Il devra se tenir informé auprès des différents intervenants de façon à informer au mieux les familles.
« Le travail de collaboration entre médecins, orthophonistes, enseignants et parents, s’il paraît aller de soi, est en fait trop souvent négligé ou partiel.
• Propositions relatives au diagnostic
Le diagnostic doit reposer sur différents professionnels compétents et s’accompagner de préconisations de prise en charge ( NDLR : ce qui est une véritable nouveauté)
En effet, trop souvent, cette étape du diagnostic est laissée à l’initiative d’un seul professionnel (généralement un orthophoniste) « qui s’estime compétent alors que sa formation ne le rend pas apte à évaluer l’ensemble des composantes du trouble en cause ».
« Les centres de référence sont compétents pour le diagnostic multidisciplinaire dans les cas sévères ou résistants, les orthophonistes pour le diagnostic des cas plus légers ».
Les centres de référence doivent être géographiquement bien répartis et répondre à certaines préoccupations de respect de la neutralité :
• Aucun suivi rapproché ne doit y être proposé. Le centre doit orienter les enfants vers des prises en charge au plus proche de leur domicile.
• Le centre a pour mission de valider le résultat des prises en charge
• Le déroulement des évaluations devra s’appuyer sur la participation des thérapeutes de proximité et des enseignants.
• Un enseignant spécialisé doit être mis à disposition du Centre référent. Cela permet une meilleure relation avec les écoles ainsi qu’une élaboration plus aisée d’un projet pédagogique individualisé pour l’enfant.
• Il est nécessaire que les « experts » du Centre soient également actifs en institution ou en libéral, afin d’éviter une déconnection des réalités du terrain.
• Propositions relatives à la prise en charge
« La prise en charge doit être précoce, adaptée, évolutive et de qualité »
Il faut donc mettre en place trois outils :
• le projet individuel d’intégration
• le projet départemental de prise en charge
• un contrôle qualité des prises en charge individuelles
Il est indispensable d’organiser la prise en charge de l’enfant. « Rien ne servira de dire aux parents de quelles déficiences souffre leur enfant si des préconisations concrètes ne sont pas faites, en matière de soins, de rééducation et de scolarisation ».
A terme, on pourrait imaginer que chaque Centre ait pour mission de trouver pour chaque enfant une solution concrète (NDLR : ce qui demeure un point faible des Centres).
« La prise en charge doit être confiée à des professionnels, bien formés, travaillant en réseau, coordonnés par un référent pour chaque enfant ».
Les prises en charge monovalentes (par exemple les séances d’orthophonie) doivent faire l’objet d’un contrôle qualité régulier, surtout lorsqu’elles sont prescrites sur un long cours. Parmi les propositions, celle ci : « l’entente préalable pour le renouvellement d’une série de séances au delà des six premiers mois pourrait être soumise à l’exigence d’un bilan orthophonique et neurophysiologique (sic) établi en Centre de référence »
Les parents revendiquent l’ouverture de structures spécialisées. Mais selon les auteurs du rapport, « la nécessité d’une prise en charge spécialisée lourde ne concerne qu’un petit nombre d’enfants et seulement pendant une période de leur vie scolaire ». Par contre ces enfants ont besoin d’une rééducation orthophonique très intensive (3 à 5 fois/semaine).
L’intégration en milieu scolaire ordinaire, avec un projet individuel d’intégration, ou dans une CLIS, associée à un SESSAD, est en général possible.
« La prise en charge doit être coordonnée »
Il faut donc des préconisations de rééducation et d’accompagnement faites par le Centre de référence avec un relai local pour assurer leur mise en ?uvre. Le projet individuel devra être soumis à la CDES, qui sera chargée de désigner un référent de proximité pour chaque cas.
« Les prises en charge individuelles doivent être intégrées dans un processus de contrôle de qualité »
« C’est la fonction du Centre de référence d’évaluer (chaque année ou chaque semestre) l’évolution de l’enfant sur tous les plans ».
« Un certain nombre d’indicateurs devraient être fixés à chaque bilan de manière à pouvoir suivre l’évolution et à fixer des objectifs concrets aux professionnels »
« Il faut une neutralité de la prise en charge financière par rapport aux choix institutionnels ». Ce qui signifie une réforme du financement des établissements et services de soins.
La tendance lourde pour les parents et certains professionnels les pousse au modèle de prise en charge institutionnel…qui est le plus coûteux pour la collectivité !
Il y a donc une nécessité d’assurer la neutralité par exemple entre le secteur libéral et les institutions (cas des doubles prises en charge, prise en charge des transport…).
Si les SESSAD et autres SSEFIS semblent être une bonne structure , et méritent donc d’être développés, il semble inutile de créer en grand nombre des établissements spécialisés.
« Des préconisations pédagogiques doivent être diffusées »
Il faut créer des aides, en classe ordinaire, comme des supports dactylographiés, l’utilisation d’un dictaphone ou l’utilisation de micro-ordinateurs. De même l’allongement du temps en classe semble indispensable.
Si le cas est trop lourd, l’appui d’Auxiliaires de Vie Scolaire (AIS) est indiqué.
• Propositions transversales
• Il faut se donner les moyens de connaître les besoins
• La formation de TOUS les intervenants doit être intensifiée et adaptée
A ce sujet, les auteurs rappelle que « même si le diplôme d’orthophoniste permet de prétendre à la rééducation de tous les troubles du langage, tant légers que sévères, un orthophoniste, pas plus qu’un médecin, ne peut être omnicompétent ».
Les formations continues actuellement proposées sont souvent exclusivement théoriques . Il est donc nécessaire d’organiser des formations complémentaires actualisées. Ces formations devront respecter une pluralité d’approche.
Par ailleurs il est important de développer une culture commune entre les différents acteurs. A titre d’exemple, dans certains centres de référence, des réunions mensuelles sur des cas cliniques réunissent les médecins et les paramédicaux, institutionnels et libéraux.
• Les troubles complexes du langage ne doivent pas constituer une nouvelle catégorie de handicaps.
La nature même de ces troubles, avec leur caractère évolutif marqué, la difficulté à pronostiquer les conséquences précises, la dépendance de l’évolution selon l’environnement familial, social, psychique, scolaire… rendent impossible la fixation de ces troubles. D’autant que le guide barème permet déjà de donner une réponse adaptée en termes d’aide.
IGAS et IGEN, Janvier 2002