Le partenariat parents/orthophoniste dans l’éducation langagière d’un enfant porteur d’un handicap

Actualités Orthophoniques Septembre 2000 (volume 4, n°3)
Le numéro complet de Rééducation Orthophonique est consacré à l’éducation précoce en orthophonie, sous la (compétente) houlette de Dominique Crunelle. C’est cette mention spécifique à l’orthophonie qui nous a fait préférer sur le sujet de l’accompagnement de la famille par le thérapeute cet article de Nicole Denni-Krichel à celui de la psychologue Claire Bélargent. D’autant que ce dernier article concerne davantage le travail en institution. Mais les deux articles sont complémentaires et méritent tous deux une lecture.
Le début de l’article traite de la relation petit enfant-mère chez le sujet normal : la dépendance du départ, puis l’instauration d’un dialogue rendu inévitable par la fin de l’état fusionnel avec la mère, l’écoute en finesse du bébé par sa mère et son ajustement de parole si caractéristique.

« La mère et son enfant sont donc deux acteurs à part entière dans ces échanges qui aboutiront à la mise en place du langage ».

Mais les choses sont différentes lorsque un handicap vient ponctuer la famille. Les interactions se modifient profondément du fait de l’enfant mais également du fait de la mère. Et l’auteur propose quelques éléments :

• le manque de réactions, qui rend difficile de vrais moments de communication

• le sourire qui a du mal à devenir intentionnel

• le peu d’intérêt pour le monde environnant

• un éventuel retard psychomoteur rend plus difficile ou plus lente la relation.

• les problèmes d’attention et de contact oculaire peuvent ralentir ou perturber le lien mère-enfant.

• Le bavage et autres problèmes physiques peuvent décourager une approche de la mère.

• L’hyperactivité peut excéder les parents.

• Le chevauchement des vocalisations sur la parole de la mère pose un problème d’écoute et de communication.

• Les troubles de la compréhension limitent l’échange verbal.

Face à ces difficultés, les parents ont souvent le plus grand mal à réagir car ils vivent de façon très difficile l’annonce du handicap. Des comportements inadaptés sont fréquents, avec en particulier une grande difficulté à trouver la communication avec l’enfant handicapé et à créer un bain de langage.

De même, certains parents jouent un rôle davantage d’éducateur que de parents, exigeant toujours plus de leur enfant, et négligeant le côté affectif et la notion de plaisir.

Devant le choc insurmontable de l’annonce du handicap, les parents, et plus particulièrement la mère auront du mal à créer des conditions favorables de développement langagier.

L’imitation est difficile, la nécessaire séparation pour sortir de l’état fusionnel est mal envisagée par la mère culpabilisante, la surprotection est fréquente à moins que le rejet ne prenne toute la place.

L’hypermédicalisation, la transformation de la mère en éducatrice sont des réponses mal adaptées (mais cohérentes..) au choc du handicap.

L’orthophoniste a un rôle essentiel face à cette rupture, en tenant compte de la spécificité de chaque cas :

• il faut d’abord aider la famille à accepter l’enfant tel qu’il est et donc à pouvoir assumer pleinement leurs différents rôles.

• Il faut clairement montrer l’évolution du langage de l’enfant, avec ses forces et ses faiblesses

• Il faut régulièrement revenir sur l’information à propos du handicap, montrer les possibilités et les limites de l’avenir.

• Il faut former les parents à observer l’enfant et à évaluer ses capacités.

Dans un premier temps, les parents doivent repérer les éléments de la communication, qu’ils avaient tendance à négliger en disant « notre enfant ne parle pas ». Il faut donc repérer les tentatives de communication, même légères ou avortées. Par exemple un sourire, un geste, un son, une mimique peuvent constituer des signes à prendre en compte.

Il faut ensuite aider les parents à répondre de façon appropriée à ces initiatives de l’enfant.

Il faut aussi favoriser une attitude générale dans toutes les situations quotidiennes pour favoriser la communication.

Ainsi l’orthophoniste, sans gommer le handicap, permettra à l’enfant et aux parents de créer une communication, puis un langage.
N. DENNI-KRICHEL

Rééducation Orthophonique, 2000, n°202