Actualités Orthophoniques Septembre 2000 (volume 4, n°3)
Le concept de Qualité de Vie existe depuis fort longtemps, synonyme de bonheur et de vie agréable. Vers le milieu des années 90, il est devenu un slogan politique. Puis, il a été intégré dans le domaine de la santé, à la fois par les « consommateurs » (qui revendiquent au delà du soin lui-même) et par les économistes (dans le cadre de la réduction et de l’efficacité des dépenses). De nos jours, ce concept est de plus en plus utilisé, en particulier à cause du vieillissement de la population et du nombre en augmentation de malades chroniques et de personnes handicapées. Dans ces populations, l’accent est mis sur la qualité de vie, au delà du traitement des symptômes.
Mais alors que le terme est de plus en plus employé, il ne bénéficie pas d’une définition unique.
Certaines définitions demeurent vagues et peu utilisables :
George en 1981 : « l’équivalent moderne de la notion de belle vie »
Emerson en 1995 : « la satisfaction des valeurs, des objectifs et des besoins d’une personne »
Dixong en 1997 : « l’absence de difficultés pour utiliser les bras, les jambes, pour voir, entendre, parler, préparer les repas, entretenir la maison et faire les courses » !!
D’autres définitions sont davantage utiles :
• Celle de Seed et Lloyd en 1997 reflète le sens commun : « mariage heureux, relations sociales, bons revenus, bon niveau de vie, possession d’objets »
• Celle de Cummings en 1995 apparaît très opérationnelle. « Il existe deux axes, à la fois objectif et subjectif, qui regroupe les domaines suivants : confort matériel, santé, productivité, intimité, sécurité, communauté et bien-être émotionnel. »
• Enfin, la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS – WHO en anglais) en 1993 : « La perception personnelle de sa situation dans la vie en fonction du contexte culturel et de valeurs dans lequel il baigne et en lien avec ses objectifs, ses attentes, ses intérêts et ses normes ».
Si l’on s’intéresse ensuite, non à la définition, mais aux différents domaines d’investigation, on constate également une grande diversité.
Le WHO propose les domaines suivants :physique, psychologique, social et environnemental.
Sarno, en 1997, met en avant d’autres éléments : fonctionnement émotionnel et social, relations sociales et activités quotidiennes.
De Haan en 1995 cite la santé physique (les symptômes de maladie), la santé fonctionnelle (le niveau d’activité), le fonctionnement psychologique (émotionnel, mais aussi cognitif) et les contacts sociaux.
On constate ainsi que ce concept est très complexe et doit regrouper de nombreux éléments pour être complet, cohérent et utile. Il faut noter que la notion comporte une large part de subjectivité et que les approches par les handicapés et les personnes « normales » diffèrent sensiblement. Dans le premier cas, c’est l’indépendance dans les activités quotidiennes qui est mise en avant, alors que dans le second groupe c’est l’autonomie et l’indépendance dans les prises de décision qui l’emportent.
Mais dans tous les cas, il est étonnant qu’à aucun moment, le terme de communication ne soit retenu pour appréhender la qualité de vie…
Il y a moins de dix ans que le concept de Qualité de Vie est entré dans le domaine de l’orthophonie. Quelques travaux ont été effectués à propos du cancer du larynx, de l’?sophage et de la langue, à propos de l’aphasie et du traumatisme crânien auxquels il faudrait sans doute ajouter les écrits de John Lyon et de G. LeDorze en matière d’aphasique. Ce dernier auteur cite les éléments suivants comme importants dans la vie des patients : relations interpersonnelles, contacts sociaux , activités.
L’avancée est meilleure dans le domaine de l’audiologie, qu’il s’agisse des implants cochléaires, de la personne âgée malentendante ou des otites.
Notant la rareté des modèles de référence qui permettraient d’intégrer la notion de communication dans le concept de qualité de vie, les auteurs vont présenter l’ICIDH-2, qui correspond à la nouvelle Classification internationale de l’OMS.
Dans ce cadre l’impact de la communication sur la qualité de vie peut être montré à trois niveaux :
• déficience
• activité
• participation
Les différentes évaluations s’inscrivent également dans ces trois niveaux ce qui permet une meilleure compréhension et une intervention mieux adaptée. Le choix des évaluations peut d’ailleurs être délicat, certaines pouvant être utilisées pour de nombreuses maladies (par exemple le Sickness Impact Profile) et d’autres étant spécifiques à un trouble, comme le Voice Handicap Index. Il est également nécessaire de vérifier la conformité des tests selon l’âge des patients, leur capacité cognitive et leur possibilité de communication.
Si cette notion de Qualité de Vie reste encore difficilement et peu opérationnelle, surtout avec des patients -enfants, il est fort probable que cette clé deviendra une des priorités dans notre intervention dès la prochaine décennie.
M. CRUICE et coll.
ASIA PACIFIC, 2000, vol.5, n°1,pp.1-20