Actualités Orthophoniques Mars 2002 (volume 6, n°1)
L’article de Diane FROME LOEB et coll. propose quatre études détaillées de cas afin de mieux apprécier les éventuels bénéfices du FFW.
Les quatre enfants (de 5 ans ½ à 8 ans) ont un tableau clinique équivalent : retard attesté de langage, pas d’hypoacousie, un QI non verbal normal et des échecs aux habituels tests de langage. Trois enfants reçoivent des soins d’orthophonie à l’école. Ils ont participé au FFW chez eux, les parents servant de guides, procurant des encouragements et observant l’enfant lors des jeux vidéo du FFW. Comme cela est indiqué dans la méthode, lorsqu’un enfant gagnait dans un jeu du FFW, il recevait des points lui permettant ultérieurement d’obtenir un jouet. Conformément au FFW, les enfants ne se sont arrêtés que lorsqu’ils ont obtenu un score de 90% à cinq exercices parmi les sept proposés.
De nombreux tests (conscience phonologique, pragmatique, syntaxe, Token test..) furent passés par les enfants avant et après le FFW. A cela s’ajoutent des questionnaires pour les parents et les enseignants afin d’apprécier les changements éventuels.
Le détail des résultats importe peu, mais les conclusions sont intéressantes : au total, 115 informations ont été évaluées. Trente sept, soit 32% témoignent d’une amélioration significative et durable des habiletés de langage. Mais onze (soit seulement 10%) demeurent après l’arrêt du FFW, au bout de trois mois.
Les domaines qui ont le mieux profité du FFW sont la compréhension grammaticale et le vocabulaire oral. A l’inverse, les domaines suivants n’ont pas progressé : complétion grammaticale, articulation des mots et discrimination.
L’enfant n°1 présentait les troubles de langage les plus importants. C’est lui qui a le plus progressé et de façon durable. Pourtant il n’a pas pu terminer la totalité du FFW, en particulier dans les jeux portant sur les sons, mais il a bien progressé au niveau du mot et de la phrase. Il peut s’agir d’un effet indirect du FFW ou sans doute plus de l’effet de l’intervention orthophonique menée en parallèle.
On note également que les gains en matière syntaxique ne s’accompagnent pas d’une avancée équivalente dans l’organisation du discours spontané. Est-ce un échec ou simplement le fait qu’il faut un certain temps pour parvenir à cette généralisation. De la même façon, moins de 10% des mesures pragmatiques montrent une amélioration, qui pourrait d’ailleurs simplement s’expliquer par une confiance améliorée chez l’enfant.
Les auteurs proposent également de réfléchir à l’effet placebo. Les parents ont donné du temps et de l’argent (plus de 1000 euros) et les enfants étaient conscients que le FFW était destiné précisément à améliorer leur langage. Ceci aurait pu conduire à une prise de parole plus fréquente et diversifiée.
L’analyse des questionnaires des parents apporte son lot de surprises : ils se disent très satisfaits du FFW mais ne notent quasiment aucun progrès au quotidien !! Peut-être ne veulent-ils pas admettre un échec au vu de l’investissement réalisé ? Peut-être ont-ils appris à mieux connaître les forces et les faiblesses langagières de leur enfant ? Peut-être ont-ils apprécié le lien créé avec leur enfant lors du temps passé ensemble avec le FFW ?
En conclusion, les résultats évalués dans cette étude montrent des progrès moindres (moins de 10% de tests améliorés à long terme) que ceux proposés par les créateurs du FFW. De plus, on ne constate que très peu de transfert au langgae spontané. Cela est particulièrement vrai en matière de grammaire et de lecture.
L’article suivant (GILLAM et coll.) s’intéresse au traitement du langage assisté par ordinateur (ce qui est bien sûr le cas du FFW). Après une revue générale sur ce domaine, les auteurs comparent l’intervention avec le FFW et celle réalisée avec le logiciel de Laureate Learning Systems (LLS), qui fonctionne de façon assez identique. L’intervention a duré 20 jours répartis sur 4 semaines. Dans le LLS ont été choisis sept modules relatifs à la mémoire, le vocabulaire, la syntaxe, la morphologie et la narration. Comme dans le FFW, il y a des niveaux croissants de difficulté. Les deux programmes comportent des effets graphiques colorés et des animations de récompense. Il y a également un jeu de récompense pour gagner des cadeaux.
Par contre , le LLS est ciblé sur le mot, la phrase et la narration, alors que le FFW s’intéresse à la discrimination des sons et propose donc un travail de phonèmes, de syllabes et de logatomes. Une autre différence essentielle est l’utilisation systématique de la parole modifiée dans les exercices du FFW.
On pourrait naturellement imaginer que les capacités de discrimination auditive seraient davantage augmentées après l’utilisation du FFW et que les capacités lexicales seraient de même après le LLS. Mais les auteurs s’intéressent essentiellement à la généralisation d’éventuels progrès dans le langage fonctionnel.
Les résultats aux différents tests passés avant et après le traitement montrent qu’il y a pour les quatre enfants choisis une amélioration de leur langage spontané, comme le montre l’allongement de la longueur moyenne des énoncés.
Il est particulièrement intéressant d’étudier les résultats de deux jumeaux, un ayant suivi le FFW, l’autre le LLS. Dans les deux cas, il y a eu des progrès aux évaluations formelles de langage. les enfants communiquent mieux avec les membres de leur famille, mais pas avec les autres personnes. Toutefois les parents ne considèrent pas les progrès comme « spécialement intéressants » surtout s’ils les rapprochent du temps passé en traitement et de son caractère négatif aux yeux des deux enfants.
Le principal problème vient du fait que les promoteurs du FFW laissent entendre que le programme a une influence directe sur les mécanismes de plasticité cérébrale, modifiant ainsi le cortex cérébral. Les stimuli spécifiques exciteraient certains neurones et permettraient ainsi à de nouveaux groupes neuronaux de se former, de grandir et de se développer (Tallal, 1999). Or, aucune différence déterminante n’apparaît entre les deux traitements. Il y a eu des progrès, mais équivalents dans les deux cas, alors que le LLS n’a pas la même ambition. Les auteurs suggèrent donc que les deux programmes nécessitant une attention forte et une réponse répétitive à de nombreux stimuli améliorent des capacités générales, comme l’attention sélective, l’encouragement à répondre rapidement ou l’écoute attentive et non des capacités spécifiques, allant ainsi à l’encontre des promesses des promoteurs du FFW.
Les auteurs suggèrent que les différences entre les deux traitements (phonèmes versus mots et parole normale versus parole modifiée) ne sont peut-être pas très importantes dans les gains enregistrés. Et qu’il faudrait davantage se pencher sur d’autres variables qui pourraient être plus décisives dans l’intervention orthophonique.
Par exemple, l’intensité du traitement, ou bien l’utilisation de stimuli répétitifs et cela aux différents niveaux de langage, ou encore le rôle et la maîtrise des récompenses proposées aux enfants, ou enfin le rôle spécifique de l’informatique.
Terminons par ces conclusions tirées de l’article final de cette revue.
« Tous les enfants qui ont participé aux traitements par le FFW ont vu leur langage s’améliorer »
« D’un point de vue collectif, les progrès constatés en matière de langage ne paraissent pas liés à des modifications dans le processus de traitement de la zone temporale. »
« Il est probable que des améliorations identiques pourraient être constatées avec d’autres traitements dont les différents paramètres devraient être contrôlés ».
Language changes associated with Fast ForWord-language : evidence from case studies.
Diane FROME-LOEB et coll.
American Journal of Speech-language Pathology, Août 2001,
Language change following computer-assisted language instruction with FFW or Laureate learning Systems Software.
Ronald GILLAM et coll.
American Journal of Speech-language Pathology, Août 2001
American Journal of Speech-Language pathology, vol.10, n°3, Août 2001