Erreurs orthographiques chez des enfants de 3P-4P avec et sans difficultés

Actualités Orthophoniques Juin 1999 (volume 3, n°2)
Notre pratique orthophonique nous amène souvent à être confrontés aux troubles d’orthographe tout en se posant régulièrement la question de leur spécificité : définis tout d’abord comme une conséquence des troubles de l’apprentissage de la lecture, ils coïncident avec des troubles de l’encodage et de l’expression écrite selon un système donné.
Dans une perspective constructiviste et linguistique, il est intéressant de considérer les relations existantes entre orthographe et production textuelle, ainsi que leurs influences réciproques : l’article suivant propose une étude réalisée auprès d’enfants avec et sans troubles d’apprentissage de l’orthographe afin d’observer dans les deux groupes les aspects quantitatifs mais aussi qualitatifs des erreurs pour aborder la question d’une éventuelle spécificité des troubles de l’orthographe chez certains enfants .

Le test est proposé à 32 enfants scolarisés en troisième et quatrième année de primaire : 20 de ces enfants ne présentent pas de difficultés particulières à l’apprentissage de l’orthographe, les 12 autres bénéficient d’un traitement orthophonique pour les troubles qu’ils rencontrent, il s’agit du groupe « logo ».

Afin d’observer des aspects différents des capacités orthographiques, trois épreuves sont proposées explorant :

*l’orthographe lexicale (25 mots à écrire sous autant de dessins) = O3

*l’orthographe syntagmatique (10 items lors desquels les enfants doivent écrire un mot, essentiellement des homophones hétérographes) = O4

*l’orthographe lexico-sémantique (20 mots à restituer dans des phrases lacunaires) = ortho 3.

D’un point de vue quantitatif, les enfants du groupe « logo » produisent davantage d’erreurs que les autres et ce notamment au niveau du système syntagmatique. Il est intéressant de remarquer également de grandes différences de résultats entre les enfants de 3P et de 4P sans difficultés d’orthographe tandis que les résultats sont plus homogènes entre les enfants de 3P et de 4P du groupe « logo ».

L’analyse qualitative se fait autour de la typologie des erreurs décrite par Catach en 1986 :

les erreurs phonétiques : l’unité sonore est déformée.

les erreurs phonogrammiques : « aciette « ou « asiette » pour « assiette »

les erreurs morphogrammiques grammaticales : « chevaus » pour « chevaux » ou « j’é » pour « j’ai »

les erreurs morphogrammiques lexicales : « lentemant » pour « lentement » ou « enfan» pour « enfant »

les erreurs logogrammiques : « sait » pour c’est »

les erreurs concernant les lettres non fonctionnelles : « paraplui » pour « parapluie » ou « dificile » pour « difficile »

les erreurs idéogrammiques : « vingt quatre « pour « vingt-quatre ».

Les résultats montrent un nombre important d’erreurs phonétiques dans les trois épreuves pour les enfants du groupe « logo », tandis que les groupes 3P et 4P produisent des types d’erreurs comparables : les erreurs les plus fréquentes sont alors , au niveau des épreuves lexicales, des erreurs phonogrammiques ou portant sur les lettres non fonctionnelles ; au niveau des épreuves d’orthographe syntagmatique, les erreurs morphogrammiques grammaticales, logogrammiques et idéogrammiques sont les plus constatées.

Les enfants n’ayant pas de difficultés particulières progressent dans l’apprentissage de l’orthographe par une meilleure maîtrise de certaines zones du système graphique français (zone phonogrammique notamment) qui leur permet une diminution considérable du nombre d’erreurs.

La spécificité des troubles rencontrés chez les enfants du groupe « logo » repose bien sur un aspect quantitatif (nombre important d’erreurs) et qualitatif (les erreurs phonétiques sont encore fréquentes et se cumulent parfois avec d’autres) : du point de vue des modèles cognitifs, ils ne procèderaient qu’à un assemblage rudimentaire, une « stratégie phonique », terme à terme, ne tenant qui plus est pas compte ni de l’environnement graphémique des unités à transcrire ni de la morphologie de la langue.

De même, leur connaissance orthographique lexicale reste limitée par rapport à leur niveau scolaire.

On constate donc bien des spécificités dans les difficultés rencontrées par ces enfants mais sont-elles la manifestation d’un retard d’apprentissage ou de déviances ?

D’autres études notamment auprès d’enfants plus jeunes seraient nécessaires car d’autres questions restent en suspens, comme par exemple celle des critères permettant de définir le moment à partir duquel les difficultés rencontrées doivent être prises en charge par les orthophonistes, tout en considérant qu’elles peuvent être la manifestation d’une difficulté d’adaptation à un rythme scolaire proposé.

G.G.

Pour en savoir plus :

Catach,N. (1986). L’orthographe française. Traité théorique et pratique. Paris : Nathan-université.

Ducart,D., Honvault,R . & Jaffre, J.P. (1995) L’orthographe en trois

Dimensions. Paris : Nathan-pédagogie.

Piérard,B. (1997) Les dyslexies-dysorthographies. Des modèles cognitifs

A la clinique logopédique. Bulletin Suisse de Linguistique appliquée , 66, 87-114.
G. de WECK et N. NIEDERBERGER

Langage & Pratiques, 1998, n°22, pp.39-50