Neuropsychologie de l’enfant : une introduction

Actualités Orthophoniques Juin 2000 (volume 4, n°2)
La collection ?Neuropsychologie? de l’éditeur marseillais Solal a déjà à son actif, depuis 1994, quelques-uns des plus beaux fleurons scientifiques pouvant nous intéresser. Mais la plupart de ces ouvrages concernait la personne adulte.
Bien sûr il y avait eu en 1997 l’ouvrage de Michel Habib sur la dyslexie, qui, de toute évidence, a permis à de nombreux orthophonistes de pénétrer dans cet univers spécifique qu’est la neuropsychologie, avec ses grandeurs théoriques et ses limites cliniques.

Et s’il a fallu attendre l’an 2000 pour voir éditer un premier traité complet sur la neuropsychologie de l’enfant, ce n’est guère par manque de recherches. Depuis plus de 10 ans, Patrice Gillet et Catherine Billard font part de leurs travaux, tant aux réunions de la Société de Neuropsychologie que dans certaines revues spécialisées (ANAE et la Revue de Neuropsychologie…). Mais le sujet est d’envergure et surtout il est difficilement appréhendable du fait même de son caractère dévelopemental mais aussi du fait des autres variables qui peuvent venir parasiter les résultats.

Voici donc, en plus de 200 pages bien denses, un vaste état des lieux des connaissances actuelles sur ces différents sujets. Et pour mieux comprendre l’étendue et l’intérêt de l’ouvrage il nous a semblé utile de vous indiquer les têtes de chapitre.

• La maturation fonctionnelle du cerveau

• Le langage oral et ses troubles

• La lecture et ses troubles

• L’orthographe et ses troubles

• Le calcul et ses troubles

• Le dessin, les activités visuo-spatiales et leurs troubles

• L’identification des visages et ses troubles

• L’attention et ses troubles

• Le rôle du lobe préfrontal dans l’attention sélective et les fonctions exécutives

• La mémoire de travail et ses troubles

• La mémoire à long terme et ses troubles

• Les épilepsies.

Dans chacun des ces domaines, les auteurs présentent l’état des recherches en s’appuyant sur une très importante bibliographie (près de 700 références…) essentiellement anglophone. Mais c’est le passage obligé pour qui veut aller un peu plus en profondeur dans l’étude des mécanismes.

Le style est soutenu mais clair. Un lecteur déjà au fait du vocabulaire spécifique à ce domaine sera très à l’aise. Un lecteur novice devra sans doute avoir une lecture plus attentive, mais de nombreux exemples permettent de concrétiser certains propos. Et puis, ce n’est pas un ouvrage que l’on lit d’une seule traite…même en vacances ! La plupart des chapitres indépendants l’un de l’autre comptent 10 à 15 pages et vous pourrez donc aisément avancer à votre rythme.

Mais c’est un ouvrage strictement indispensable, même si a priori vous ne « croyez » guère aux vertus de la neuropsychologie. C ‘est LE livre qui peut vous faire changer d’avis !!!

La plupart des chapitres nous concernent directement, à un moment ou à un autre de nos prises en charge.

Le premier chapitre est naturellement consacré au langage oral. On y trouve une synthèse rapide mais efficace du développement langagier, tant phonologique, grammatical que pragmatique. La suite est consacrée aux troubles et particulièrement aux dysphasies (bien qu’il y ait plusieurs pages sur l’aphasie, ce qui est bien utile pour renouveler les connaissances depuis le livre déjà ancien de Van Hout). A propos des dysphasies, il est intéressant de retrouver les éléments de discrimination entre retard simple et déviation. Les différents troubles sont ensuite évoqués, illustrés par des exemples qui à la fois évoquent la sécheresse de la théorie et permettent de renforcer notre compréhension. On trouve également un long développement sur les fondements neurobiologiques possibles des dysphasies, à l’image de la voie suivie pour les troubles dyslexiques. Enfin, une page est consacrée à la remédiation (la rééducation dans notre langage) rappelant quelques pistes sur le plan phonologique (travail de Mc Gregor) ou syntaxique (« méthode des jetons »).

Les deux chapitres suivants traitent de la lecture et de l’orthographe. On retrouve le même schéma de présentation qui s’avère efficace et clair : acquisition, retard, tableau des troubles, rééducation. Ces deux domaines nous sont souvent connus, y compris dans l’approche neuropsychologique présentée ici, mais les novices se remettront très facilement à niveau.

Le chapitre suivant s’intéresse au calcul et à ses troubles. Bien sûr, un ouvrage consacré exclusivement à ce domaine vient de sortir chez le même éditeur. Mais ici tout est centré sur l’enfant et tout est synthétisé. Ce qui permet aux auteurs de parcourir les principaux éléments de l’acquisition de l’arithmétique :

• conservation du nombre

• comptage

• acquisition de la chaîne verbale numérique

• opérations

• acquisitions des faits arithmétiques

• acquisition des algorithmes de calcul

Tout autant utile, la description des différentes dyscalculies, numérale, procédurale, spatiale et des faits arithmétiques.

Dans les autres chapitres, signalons celui consacré au dessin (c’est bien rare dans cette approche) puis ceux concernant l’attention et la mémoire. On retrouve ainsi le syndrome d’hyperactivité, les notions d’attention soutenue et sélective ainsi que tout ce qui concerne la mémoire de travail, appliquée ici aux enfants. Le lien possible entre déficit de la boucle phonologique et retard d’acquisition du langage oral et écrit est aussi investigué.

Bref, un ouvrage réellement utile en guise de formation permanente.

Neuropsychologie de l’enfant : une introduction

P.GILLET, C. HOMMET, C.BILLARD

Ed. Solal, 2000, 227 p. 220 FF.