Neuroimaging of recovery from aphasia

Actualités Orthophoniques Septembre 2000 (volume 4, n°3)
Dans le même numéro, l’article de Cappa a retenu notre attention. En effet, il traite d’un des mystères de la rééducation orthophonique chez les cérébro-lésés : pourquoi une personne récupère-t-elle, en partie ou en totalité, son langage ou ses autres fonctions cognitives. Il y a une vingtaine d’années, Xavier Seron s’était intéressé (et en français…) à ce sujet. Puis, en lien avec la rééducation par la T.M.R ., l’influence de l’hémisphère droit avait été abordée. Ici, il s’agit d’une revue récente de littérature, fort utile si l’arrière-plan de notre travail vous interpelle !
Tout rééducateur sait qu’il existe une « récupération spontanée » variable en intensité et en qualité selon les patients. Ce mécanisme n’est pas complètement expliqué. Et ce qui l’est encore moins, c’est bien le lien entre rééducation et structures corticales.

Pourtant les progrès de l’imagerie sont importants et de nombreuses études ont permis une meilleure connaissance, sinon une meilleure compréhension car les mécanismes n’apparaissent pas toujours évidents. Les principales nouveautés sont constituées par les procédés qui permettent d’étudier le fonctionnement du cerveau en direct. Il y avait bien sûr l’E.E.G. mais la tomographie avec émission de positron constitue un pas en avant considérable.

Le système nerveux humain montre un potentiel très limité pour la régénération. Et ce mécanisme ne semble pas jouer un rôle important dans la récupération des fonctions cognitives après une lésion. Ainsi lors d’une amnésie, le trouble mnésique lui-même ne va guère s’améliorer aux épreuves d’évaluation. Par contre, et en particulier après une intervention thérapeutique, de nouvelles stratégies compensatrices se mettent en place, pouvant sensiblement améliorer la vie du patient. En matière de langage, et donc d’aphasie, les choses sont sensiblement différentes. Car on sait que, même dans le cas où aucune intervention thérapeutique n’a lieu, une récupération existe par rapport à certains troubles (en particulier lexicaux et phonologiques). Le fait que la lésion cérébrale soit bi-hémisphérique pour l’amnésie et unilatérale (et souvent plus focalisée) pour l’aphasie permet d’imaginer qu’une réorganisation se fait au sein même du cerveau, certaines zones controlatérales intactes étant activées. Et c’est autour de cette approche que Cappa a bâti sa revue de littérature.

Lors d’une atteinte cérébrale, on constate une ralentissement ou un arrêt de certaines fonctions liées à d’autres zones que celles touchées directement par la lésion. Ce phénomène, appelé diaschisis, peut même atteindre l’hémisphère controlatéral. Il y a donc un effet à distance à partir de la lésion.

On constate que cette diaschisis régresse dans les mois qui suivent l’accident. Ceci a été mis en évidence par des méthodes d’imagerie fonctionnelle qui permettent de mesurer le métabolisme d’une zone cérébrale au repos. Avec ces procédés, on a constaté que la zone de dysfonctionnement était bien plus étendue que la zone lésionnelle elle-même, contrôlée à l’IRM.

Plusieurs études se sont intéressées à ce sujet. Ainsi en 1988, avec des méthodes moins sophistiquées que celles aujourd’hui employées, Vallar et coll. a montré un rapport (lors de lésions sous-corticales) entre la régression de l’hypoperfusion dans les zones ipsilésionnelles (même côté que la lésion) non touchées et la récupération des troubles. D’autres études ont étudié les métabolismes cérébraux dans les zones atteintes ou non.

En 1992, Metter montre une corrélation nette entre une amélioration de la compréhension orale et une modification du métabolisme glucosique dans les zones temporopariétales gauche ET droite.

En 1993, Heiss propose de considérer l’amélioration métabolique glucosique dans l’hémisphère gauche comme l’élément optimal de pronostic de la récupération de cette même compréhension orale.

Les auteurs de ces études ont également étudié le rôle éventuel de l’hémisphère controlatéral (donc l’hémisphère droit dans la plupart des cas d’aphasie). Dans un article de 1997, Cappa a mis en évidence que la diaschisis s’étend à l’autre hémisphère et qu’elle a régressé fortement au bout de six mois, en même temps que la récupération du langage se faisait.

Un autre élément de récupération, bien plus controversé d’ailleurs, concerne la plasticité cérébrale.

Il y aurait une réorganisation des structures cérébrales liées à une fonction spécifique. L’hypothèse la plus classique, proposée il y a plus d’un siècle, est celle de la récupération par l’hémisphère droit, qui prendrait en charge les fonctions linguistiques que l’hémisphère gauche ne peut plus assumer. L’explication serait la suivante : l’hémisphère droit possèderait des aires pré-existantes linguistiques. En période normale, celles-ci seraient inhibées par l’hémisphère « dominant » (donc l’hémisphère gauche). Lors d’une lésion, ces aires se « démasqueraient » et deviendraient fonctionnelles.

Plusieurs études ont été faites dans cette voie mais aucune conclusion quant au rôle de l’hémisphère droit ne semble possible. S’il est sûr que certaines opérations linguistiques « lourdes » mettent en jeu l’hémisphère droit, et ce même en période normale, il semble difficile de prouver qu’il y ait une suppléance de certaines zones de cet hémisphère lors d’une lésion avec troubles du langage.

En fait, le potentiel pour une réorganisation cérébrale linguistique semble très limité. S’il existe bien un rôle accru de l’hémisphère droit dans certaines tâches linguistiques chez des aphasiques, on ne peut en déduire qu’il s’agit d’un rôle fonctionnel. D’autant que l’on constate des variations très importantes suivant les sujets.

Pour en savoir plus :

Recovery from nonfluent aphasia after melodic intonation therapy : A PET study
BELIN et coll.
Neurology, 1996, n°47

Brain plasticity in poststroke aphasia
H. KARBE et coll.
Brain and language, 1998, n°64

Temporoparietal cortex and the recovery of language comprehension in aphasia
E. METTER et coll.
Aphasiology, 1992, n°6
Stefano CAPPA

Neuropsychological Rehabilitation, Juin 2000, vol.10, n°3,