Are oral-motor exercices useful in the treatment of phonological/articulatory disorders (P.A.D.) ?

Actualités Orthophoniques Juin 2002 (volume 6, n°2)
Il n’est guère de jours d’orthophoniste sans une intervention thérapeutique dans ce domaine…Et il n’est guère d’interrogations sur la pratique qui semble bien codifiée, et somme toute évidente. De ce fait, la question de l’auteur : « Les exercices moteurs sont ils utiles dans le traitement des troubles phonologiques et articulatoires ? » semble quelque peu iconoclaste et elle nous a incité à vous proposer cet article.
La définition du PAD est simple : « Il s’agit d’un retard et/ou de troubles d’acquisition de la parole, non associés à des problèmes neurologiques ou à des déficits organiques ». Je vous laisse le choix de retrouver cela dans notre chère nomenclature….

La principale méthode d’intervention consiste à proposer des exercices moteurs de façon quelque peu empirique. L’auteur définit ces exercices comme « une gamme de mouvements oraux, linguaux et mandibulaires ». Il peut s’agir de faire de petits mouvements, style poussées des joues ou « agitation » de la langue, ou de souffler dans un ballon ou un instrument. Bref, tout ce petit savoir faire du quotidien orthophonique.

Cette approche n’est guère argumentée dans des articles, mais quelques notions la soutiennent du moins en apparence.

Par exemple, l’idée que, d’une façon générale, un apprentissage est facilité lorsqu’un comportement complexe est découpé en petites unités. Dans ce contexte, les exercices portant sur une partie d’une tâche permettraient d’accélérer et d’améliorer l’apprentissage de la tâche tout entière.

Autre proposition : les enfants présentant un PAD auraient un tonus limité dans la musculature nécessaire à la parole. Il est donc proposé des exercices visant à renforcer ces muscles. Toutefois, l’auteur pose deux questions embarrassantes : Quelle est la force nécessaire pour les mouvements articulatoires ? Les exercices moteurs améliorent-ils la force des muscles articulatoires ?

Une des hypothèses qui sous-tend la méthode repose sur le travail de Piaget. Durant la phase sensori-motrice, les circuits neuronaux liant mouvement et perception se bâtissent normalement. Il est donc nécessaire d’aider un enfant en difficulté motrice en reconstruisant la hiérarchie des mouvements articulatoires normalement acquis au cours du développement.

Enfin, certains pensent que la parole est issue de comportements primaires, comme les réflexes oro-moteurs ou les actions de sucer et de mâcher.

Il y a donc tout un réseau de propositions qui conduisent naturellement à cette méthode classique. Deux études ont tenté de prouver l’effet facilitateur de cette approche. En 1976, OVERSTAKE s’intéresse à la production erronée du /s/. Un premier groupe d’environ 40 enfants bénéficie d’une rééducation de déglutition de 15 minutes par semaine pendant neuf mois. Un autre groupe profite en plus d’un travail sur la production du /s/. Les résultats sont surprenants. 75% des enfants ayant eu le double traitement ont corrigé le /s/ en conversation spontané. Et le pourcentage monte à 85% pour ceux qui n’ont travaillé que la déglutition…. Ceci n’est pas expliqué par l’auteur, de même que le fait que près de 40% des enfants ne sont pas allés au bout du traitement, ce qui enlève une grande part de crédibilité scientifique à l’étude.

En 1981, CHRISTENSEN étudie dix enfants d’environ 6 ans présentant un sigmatisme inter-dental et un zozotement sévère. Un groupe a reçu durant quatorze semaines un traitement portant uniquement sur l’articulation, alors qu’un autre groupe a combiné huit semaines pour l’articulation et 6 semaines pour corriger la poussée de la langue. L ‘intervention sur la parole est la même pour les deux groupes, partant de l’identification des sons jusqu’à la conversation spontanée en passant par la production des syllabes et des mots. Les deux groupes ont connu la même amélioration dans l’articulation. On peut donc conclure que le travail spécifique sur la poussée n’a pas été utile. Un travail de DWORKIN sur les adultes montre également que les exercices moteurs n’ont pas d’impact sur la production de la parole. Mais ces données restent trop parcellaires et l’auteur du présent article a préféré passer en revue les différentes propositions qui sous-tendent cette approche.

La notion de découpage en matière d’apprentissage.

NAYLOR a identifié deux variables en matière d’apprentissage : la complexité de la tâche et son organisation. Dans ses travaux, il montre que l’apprentissage d’une tâche complexe comprenant plusieurs parties indépendantes est facilitée par un apprentissage de chacun des éléments. Par contre, lorsque la tâche complexe repose sur une forte organisation et une intégration des éléments de base, il ne sert à rien de la découper en parties. Et cela est parfois nuisible à l’apprentissage lorsque la tâche est particulièrement complexe.

WIGHTMAN et coll. ont approfondi cette donnée : une tâche complexe pourrait être décomposée de trois façons : par segmentation, fractionnement et simplification.

La segmentation permet de découper une tâche entre plusieurs composants spatiaux ou temporels montrant un début et une fin identifiables. Ainsi un phonème isolé peut être segmenté dans une conversation, faire l’objet d’un apprentissage spécifique, puis être réintroduit dans un contexte syllabique, plus proche de la parole.

Le fractionnement permet de décomposer simultanément les différents éléments en des composants indépendants. En matière de parole, il s’agit de maîtriser chaque mouvement articulatoire avant de le recomposer en phonème (ex : isoler la position de la langue, celle des lèvres, le mouvement des joues…).

En matière de parole, la simplification consiste à aller chercher un élément proche de celui qui est perturbé, mais plus facile d’accès. C’est une sorte de détournement sur fond de simplification qui donne à l’enfant une certaine référence de ce que l’on cherche à obtenir ultérieurement.

Or, selon WIGHTMAN, seule la segmentation est efficace en termes d’apprentissage. De ce fait, le travail habituel d’orthophonie, basé sur le fractionnement, serait remis en cause. Au contraire, un travail basé sur la tâche complète serait à envisager, donc un travail sur la parole versus la méthode motrice habituelle.

La notion de force articulatoire.

Par définition, les enfants avec PAD n’ont pas de faiblesse musculaire spécifique, à la différence des dysarthriques par exemple. Il n’y a aucun élément qui permettrait de penser que le déficit de parole aurait une base organique.

De plus, les travaux portant sur la force articulatoire sont incertains (et parfois contradictoires) : Diverses études montrent que l’on utiliserait entre 11 et 15% de la pression inter labiale potentielle. Quant aux muscles des lèvres, ils ne fonctionneraient qu’à 20% de leur capacité potentielle dans la parole. Et les quelques études réalisées ne montrent aucune différence de pression entre les enfants avec PAD et les autres. Il n’y a donc pas lieu de faire faire par l’enfant des sortes d’exercices de musculation…

Reproduire le développement sensori-moteur

On peut légitimement penser que les déficits sensoriels peuvent favoriser des troubles de l’articulation. En effet, les séquences des mouvements ne peuvent être renforcées par les éléments tactiles et kinesthésiques. Dans ces conditions, l’apprentissage des mouvements complexes nécessaire pour la parole devient délicat.

Plusieurs études dans lesquelles on demande à un enfant de reconnaître la forme de l’objet placée dans sa cavité buccale ont été effectuées à propos de la relation entre l’habileté articulatoire et la sensibilité kinesthésique. Mais elles sont soit incertaines, soit contradictoires. Il n’y a donc pas de certitude claire dans la relation entre la sensibilité linguale et le trouble d’articulation. Ce qui met à nouveau en cause les pratiques classiques d’intervention.

Le développement de la parole à partir d’autres comportements.

Pour certains chercheurs, l’acquisition de la parole correspond à un processus dynamique dans lequel le système articulatoire s’organise par lui-même à partir de composants indépendants et vers des configurations d’action organisées. Les comportements basiques comme la succion ou le mâchonnement seraient ainsi utilisés. Si cette hypothèse est correcte, un programme d’intervention basé sur la reprise des étapes du développement ferait de l’effet sur la qualité de l’articulation.

Quelques études ont été réalisées sur ce sujet. Il semble exact de dire que les mêmes muscles sont utilisés dans des activités « automatiques » (comme le mâchonnement) et articulatoires. Mais d’autres études montrent que les mécanismes sont différents, voire antagonistes.

Comment alors expliquer que les exercices moteurs constituent l’essentiel de la rééducation dans les troubles phonologiques et articulatoires ?

La première raison vient du concept même de la rééducation : « Servez-vous de n’importe quoi, pourvu que cela fonctionne… ». Or, comme l’auteur le « démontre » dans l’article, cette méthode ne fonctionne pas. Certains auteurs pensent même qu’une bonne articulation ne peut se développer que lorsque l’on a dépassé les schémas moteurs.

La seconde raison est plus pragmatique : « Je ne sais pas quoi faire alors voici un bon départ.. ». Et il est vrai, comme le dit l’auteur, qu’il n’y a pas d’explication théorique aux troubles d’articulation…

« Les exercices moteurs ne peuvent pas être considérés comme un protocole légitime pour une intervention orthophonique avec des enfants PAD. » Telle est la conclusion de l’auteur. Mais elle ne propose rien de bâti ( simplement rester sur un travail de la parole), ce qui aurait tout de même été une heureuse conclusion.
Karen FORREST

Seminars in Speech and language, 2002, vol.23, n°1