Validation longitudinale d’un outil de dépistage des troubles du langage écrit

Actualités Orthophoniques Décembre 2002 (volume 6, n°4)
Lorsque l’on sait la difficulté scolaire, sociale et humaine que créent les troubles du langage écrit, on saisit mieux la nécessité d’une intervention (quelle que soit sa forme) la plus précoce possible et donc la nécessité d’un dépistage de qualité.

C’est autour de ce dépistage qu’une équipe solide d’orthophonistes, menée par un des acteurs majeurs dans ce domaine, Mme Monique Plaza, a travaillé dans la région parisienne.

L’idée première est de comparer les résultats de deux évaluations, une en fin de CP, l’autre en fin de CE1, et d’apprécier les évolutions sur un groupe très important d’enfants.

Le protocole de fin du CP a été bâti de façon précise en fonction des données actuelles de la recherche dans ce domaine : Quelles sont les composantes linguistiques et cognitives qui font le lit de l’apprentissage normal de la lecture ? Comme il est très rare que les détails d’un protocole soient présentés (par souci d’économie d’encre ou de rétention élitiste d’informations ?), les auteurs ne nous en voudront sans doute pas de divulguer les principales composantes de cette évaluation, dont les grandes lignes pourraient être reprises avec modestie par les cliniciens du quotidien.

• Accès au lexique : Une épreuve courte de dénomination d’images

Trois épreuves de dénomination rapide

• Mémoire auditive à court terme

Répétition d’une série de 2 à 7 mots monosyllabiques

Empan de chiffres

• Compréhension orale (ECOSSE)

• Sensibilité syntaxique (phrases avec incorrections)

• Conscience phonologique

Elision du phonème initial

Inversion syllabique

• Lecture Lecture de 12 pseudo-mots

Lecture en une minute (LMC-R de Khomsi)

Epreuve BATELEM-A

Traitement de phrases (LMC-R de Khomsi)

• Orthographe Transcription de 12 pseudo-mots

Transcription d’un texte dicté (Inizan)

Le protocole de fin du CE1, élaboré par l’auteur. La passation est collective par l’intermédiaire de l’enseignant.

• Transcription de 20 pseudo-mots construits comme des vrais

• Transcription de 20 mots

• Transcription d’un texte dicté.

Un questionnaire était proposé aux parents en fin de CE1. Ils devaient indiquer ce qu’ils avaient fait à la suite des résultats du dépistage du CP (en particulier bien sûr pour les enfants « à problèmes ») et ils devaient décrire « comment ils percevaient l’évolution de leur enfant ».

En CP, 267 enfants ont été évalués et classés en quatre groupes :

* 180 enfants sans difficultés
* 38 « à surveiller » avec des performances un peu faibles et hétérogènes
* 17 « avec difficultés moyennes » (2 écarts types en dessous de la moyenne)
* 32 « avec difficultés sévères »

Dans le détail, on constate que :

• 18% des enfants sont en importante difficulté

• Leurs ennuis de langage écrit s’accompagnent de difficultés en matière linguistique et cognitive.

• La catégorie socio-économique joue un rôle décisif puisque près de 40% des enfants « défavorisés » ont des difficultés contre 7% dans les « classes supérieures ».

• Il existe un « effet-classe » lié au groupe et à la pédagogie.

En fin de CE1, 199 enfants sont revus. On doit noter que 13 seulement sur les 32 classés en « difficultés sévères » ont été évalués, ce qui semble pour le moins problématique.

* Le groupe « sans difficultés » est conforme à lui même.
* Le groupe « à surveiller » montre des difficultés dans les stratégies d’assemblage (confusions, inversions, graphies complexes..) et un assemblage moins précis. 75% des enfants de ce groupe « ont des difficultés persistantes en orthographe » et 40% sont pris en charge par un orthophoniste.
* Le groupe « difficultés moyennes ». 9 enfants restent en difficultés mais 4 ont pu en partie s’améliorer.
* Le groupe « difficultés sévères » reste très problématique et la plupart des enfants sont en orthophonie.

Il semble donc qu’un dépistage en fin de CP (accompagnée de l’évaluation orthographique de fin de CE1 soit d’un grand intérêt, puisque, globalement, les choses ne changent pas à la fin du CE1 (NDLR et en CE2 sans doute aussi).

Le problème du suivi des enfants à grandes difficultés reste entier, surtout dans les catégories « défavorisées ». Un travail auprès des parents semble utile.

Le groupe « à surveiller » apparaît particulièrement sensible. Sans une « intervention spécifique » (orthophonique ou pédagogique), la plupart des enfants se seraient enkystés dans leurs difficultés.

La variable pédagogique est très présente, alors qu’elle est niée dans la plupart des études.

Il faut tenir compte du cursus de l’enfant et de sa capacité de récupération à la suite par exemple d’une intervention orthophonique bien adaptée.

Enfin, la nécessité, dès le début de l’apprentissage, de travailler l’assemblage est évidente, au vu des résultats du groupe « sans difficultés ».

Pour en savoir plus :

Expérience de dépistage des troubles du langage écrit dans un groupe de 267 enfants scolarisés en CP
Monique PLAZA et Monique TOUZIN
ANAE, 2002, vol.66

Pour un modèle intégratif des dyslexies de l’enfant
Monique PLAZA
Psychologie & Education, 2001, n°47
M. PLAZA et coll.

GLOSSA, n°81 – Sept. 2002