Understanding communication from the perspective of persons with dementia

Actualités Orthophoniques Septembre 2002 (volume 6, n°3)
La communication verbale est un élément fondamental de l’expérience humaine. Du lever au coucher, la plupart des personnes multiplient les conversations, les informations, les propos personnels. Il suffit de voir à quel point les personnes se sentent perdues et solitaires lorsque la batterie de leur téléphone mobile est vidée pour mieux apprécier l’aspect fondamental de cette notion. Bon, cela vous le saviez déjà, à titre personnel ou professionnel. Mais l’auteur tient à le rappeler pour montrer l’isolement profond d’une personne démente, coupée peu à peu d’une communication digne de ce nom.
Il faut essayer de comprendre la maladie d’Alzheimer. Mais ce n’est pas suffisant. Au delà il nous faut essayer de comprendre la personne démente. Lorsqu’elle baragouine avec son charabia, la première idée est qu’il n’y a aucun essai pour transmettre un message et que de toute façon, la personne démente ne serait plus apte à nous comprendre.

Bien sûr, la communication est loin d’être facile. Mais trois conditions liées ensemble doivent être respectées pour cette tentative :

• il faut passer du temps avec les malades,

• il faut bien les connaître,

• il faut les rassurer, les mettre en confiance et dans un univers confortable.

• « Donner » du temps au malade n’est pas une chose facile. Nos emplois du temps sont parfois surchargés et nos horaires sont stricts. Pourtant il suffit parfois de ralentir un peu le débit, de ne pas avoir l’air pressé, d’accepter une latence entre les échanges pour que la personne démente ait le sentiment que nous lui donnons notre temps. La difficulté vient des ruptures fréquentes dans la communication qui finissent par nous mettre mal à l’aise et nous incitent sans doute à rompre plus rapidement l’échange. Mais il existe des stratégies (voir en fin de cette revue) pour essayer de réparer, d’ajuster et de compenser les « trous » de la communication.

1. « Connaître » le patient ne se résume bien sûr pas à quelques généralités plus ou moins administratives. Les anglophones utilisent souvent la technique des 5 Wh : Who (Qui ?), What (Quoi ?), Where (Où), When (Quand ?) et Why (Pourquoi ?). On a ainsi un cadre pratique, évidemment adaptable à notre pratique pour mieux cerner la personne démente et le contexte de sa communication. Bien entendu, au fur et à mesure de l’évolution de la maladie, les réponses ne sont plus possibles. Mais il est habituel d’intervenir en début d’évolution, à un moment où la connaissance est possible et constitue d’ailleurs la base des échanges.
2. Apporter un certain confort au malade est un point essentiel, peut-être même fondamental. L’atmosphère que l’on va mettre en place autour du moment de communication va permettre de donner envie au malade d’échanger. De même, la confiance et le respect sont à mettre en avant à tout moment. Il faut également réassurer le malade de façon régulière et détourner les situations d’échec.

Au départ, le monde du soignant et celui du malade n’ont rien de commun. Il faut donc parvenir à créer des points de contact, ou même mieux des points communs entre les deux interlocuteurs.

Certains auteurs ont parlé de rétrogénèse pour qualifier la perte de langage chez le dément. En effet, on retrouve des caractéristiques communes à tous les patients qui rappellent beaucoup, de façon inversée, les gains de l’enfance. Ainsi, dans un premier temps, ce sont les mots les moins fréquents et les plus récemment acquis qui disparaissent ainsi que les structures complexes de phrases comme la voix passive ou les prépositions enchâssées. L’expression est atteinte mais également la compréhension. Un auteur compare cela à un vol régulier dans le magasin du langage de chacun…

Pour mieux comprendre ces pertes de langage, il faut rappeler leur nature hiérarchisée. La dégradation ne se fait pas au hasard.

Comme on l’a dit, la dégradation se fait des éléments les plus complexes vers les plus centraux, ainsi que des éléments sémantiques et pragmatiques (davantage dépendants des fonctions supérieures) bien avant l’aspect phonologique et syntaxique, qui sont plus automatisés.

On doit également garder en mémoire que certaines habiletés linguistiques sont longtemps conservées chez le dément : ainsi la lecture à haute voix (mais pas sa compréhension), la répétition, les clichés, les stéréotypes, les phrases sur-apprises, les paroles automatiques…. Par contre la compréhension des formes grammaticales complexes et la dénomination précise disparaissent en premier.

Peu à peu les personnes démentes, malgré tous leurs efforts, ne parviennent plus à endiguer les méfaits de la perte de langage : Leurs moyens de communication nécessaires à discuter, commenter, expliquer, et même demander s’étiolent et ils sont à la merci de leur interlocuteur pour interpréter les messages rompus.

Mais il faut bien prendre garde à ne pas confondre régression langagière et régression affective et humaine : la personne démente ne redevient pas un enfant ; son expérience de vie reste présente, même cachée par les troubles.

« Les personnes démentes sont le produit de l’expérience de leur vie ».

De ce fait, notre conversation, nos propos doivent refléter cette reconnaissance et ce respect de l’autre.

Pour terminer cette première partie d’article, voici quelques propos tenus par des patients déments dans des livres de témoignages et qui doivent servir de guide dans l’intervention.

« «Les gens doivent savoir plus de choses sur la maladie d’Alzheimer. La plupart des gens voudraient savoir mais il n’y a pas de professeurs…Si seulement je pouvais leur dire, sans apparaître arrogant : « Ne soyez pas condescendant avec moi. Je ne suis pas un idiot, même si je fais des choses stupides.. ; »

« Ce qui m’attriste le plus, c’est de ne plus être capable de parler. Lorsque j’essaie de dire quelque chose, je vois dans ma tête ce que je veux dire, mais les mots tourbillonnent et s’éloignent dans tous les sens et je ne sais pas comment les faire revenir. Et quand je parle, les mots ne sont plus là. Alors je ne dis rien. Et c’est vraiment un truc pénible. Je suis capable de faire entrer des idées dans ma tête, mais pas de les faire sortir. Je commence des phrases et je me rends compte que je ne peux pas les terminer.
Nancy HAAK
Alzheimer’s care Quarterly, Printemps 2002.