The use of repair strategies by children with and without hearing impairment.

Actualités Orthophoniques Septembre 2002 (volume 6, n°3)
La communication implique naturellement des interactions réciproques. Et l’efficacité du processus dépend de chacun des interlocuteurs qui doivent savoir apprécier les besoins de l’autre personne.
Lors d’un échange verbal, des ruptures peuvent se produire lorsqu’un message n’est pas correctement perçu. Il peut s’agir d’une difficulté de compréhension ou d’expression. Bien entendu, une rupture entraîne la mise en place de stratégies de réparation. Ces stratégies peuvent être verbales et/ou non verbales. Elles sont à l’initiative de l’émetteur ou bien suivent une demande du récepteur. Par exemple, il peut y avoir la répétition du module mal compris, ou sa simplification, ou encore sa modification partielle. Il peut aussi y avoir ajout d’une information ou d’un mot clé.

Cette capacité de pouvoir corriger les ruptures de communication constitue un élément important dans le processus d’acquisition du langage. Il s’agit d’ailleurs d’un phénomène très précoce : dès 3 ans, ou 4 ans, selon les auteurs, les enfants répondent dans la plupart des cas aux clarifications demandées. On note que les stratégies choisies évoluent avec l’âge, et donc avec la maîtrise des acquisitions. La répétition est surtout le fait des plus jeunes, alors qu ?après 7 ans, on voit apparaître les modifications des énoncés et les ajouts.

Bien entendu, les enfants malentendants rencontrent souvent des ruptures dans leur communication. En raison de la spécificité de leur voix, des caractéristiques de la parole et/ou des troubles langagiers , ils sont régulièrement mal compris en tant qu’émetteur. Ils ont également des difficultés à percevoir la parole de leur interlocuteur.

La politique d’intégration des enfants malentendants dans les classes ordinaires suppose la mise en oeuvre d’une coopération entre les enfants. Il est donc indispensable d’apprendre aux enfants malentendants à faire face aux ruptures afin qu’ils puissent participer activement à la classe.

Comme émetteur, ils doivent apprendre à utiliser les stratégies de réparation qui améliorent l’intelligibilité de leur discours. Comme récepteur, ils doivent utiliser des demandes de clarification.

De nombreuses études ont déjà été réalisées à propos des stratégies de réparation chez les enfants malentendants avec parfois une comparaison avec les stratégies des enfants entendants. En 1998, Cicci a montré des stratégies différentes lors d’épreuves standardisées mais pas lors de la communication en contexte. En 1982 , Givens avait montré l’utilisation des éléments non-verbaux (intonation, expressions du visage) comme stratégies de réparation chez tous les enfants mais particulièrement chez les enfants malentendants qui n’ont pas le même bagage linguistique à leur disposition. En 1987, Osberger et coll. montre que les enfants entendants apprennent naturellement et spontanément à gérer les ruptures en employant diverses stratégies. Ce qui n’est pas le cas des enfants malentendants qui doivent apprendre ces stratégies et qui ont donc besoin d’une éducation précise dans ce domaine. Dans cette étude, un entraînement de courte durée avait permis des progrès notables. En 1995, Caisne montre qu’un entraînement spécifique réduit les ruptures qui sont souvent mieux résolus par des reformulations que par des répétitions.

L’étude proposée dans cet article concerne 26 enfants. Seize sont malentendants (plus de 90 dB de perte à l’origine) mais appareillés dès le plus jeune âge (avec une perte résiduelle d’environ 45 à 50 dB). Ils ont entre 11 et 17 ans. Certains présentent une parole bien intelligible, d’autres non, ce qui constitue une variable importante dans l’hypothèse de travail des auteurs.

On a présenté à chaque enfant cinq grandes images montrant des situations différentes (par exemple, un cycliste qui voit un homme voler des bijoux dans un magasin). L’enfant devait décrire chaque image et l’examinateur est intervenu à trois reprises pour trois demandes successives de clarification : « Ah ! », « Quoi ? » et « Je ne comprends pas ». Il s’agit donc de demandes neutres. Vingt réponses ont été collectées et analysées pour chaque enfant : une phrase spontanée + les trois réponses aux demandes de clarification, et cela pour les cinq images. Tout a été enregistré puis analysé.

Pour les besoins de l’étude, 9 catégories de stratégies de réparation ont été relevées :

CATEGORIES

DEFINITION

PHRASE D’ORIGINE

PHRASE « REPAREE »

Répétition

Répète la phrase d’origine

Le chien est gros

Le chien est gros

Reformulation

Garde le sens de l’énoncé mais modifie la forme grammaticale ou bien utilise d’autres mots

La télé est cassée

La télé ne marche pas

Addition

Ajoute une information spécifique à l’énoncé

L’émission de télé est intéressante.

L’émission de lundi après-midi à la télé est intéressante

Expansion en 2 phrases

La phrase d’origine est découpée en deux phrases

J’ai vu une émission intéressante à la télé.

J’ai vu une émission à la télé. C ‘était intéressant.

Indice

Apporte une information complémentaire qui aide à préciser le sujet

Ils applaudissent les joueurs de basket.

Il y avait un match de basket. Notre équipe a gagné. Le public était si content qu’ils ont tous tapé dans leurs mains.

Simplification

Simplifie la phrase en la raccourcissant ou en utilisant moins de mots ou des mots plus fréquents ou plus simples.

Le cardigan rouge est accroché dans le salon.

Le pull est dans le salon.

Mot Clé

Choisit un mot significatif dans la phrase

Le garçon joue au football

Football

Explication

Expliquer un mot particulier contenu dans la phrase

Le garçon joue au base-ball

Le garçon joue à ce jeu qui se pratique avec une balle et un gant !

Réponse inappropriée

Pas de réponse ou propos non appropriés

Le chien est gros

Je ne sais pas

La procédure méthodologique apparaît très stricte : deux orthophonistes ont dépouillé 20% des enregistrements en les codant en fonction des neuf catégories ci dessus. Les éléments litigieux ont été discutés jusqu’à accord complet. Le reste du dépouillement s’est fait après cette concertation.

Les résultats globaux montrent que la répétition constitue la stratégie la plus utilisée (42%).La reformulation (14%), l’expansion (11,2%) et l’addition (11,5%) viennent ensuite.

Lorsque l’on regarde les résultats de façon détaillée, on note que les stratégies varient fortement selon les groupes.

1. Chez les enfants entendants, la répétition est bien moins utilisée (20% au lieu de 42% !!). L’expansion (19% au lieu de 11), l’addition (idem) et surtout les indices (14% au lieu de 3%) sont davantage répandus.
2. Chez les enfants malentendants avec une parole intelligible, les résultats sont davantage dans la moyenne avec une petite baisse de la répétition.
3. Chez les enfants malentendants avec une parole peu intelligible, on note que la répétition est la stratégie de loin la plus utilisée : 69%. Bien entendu toutes les autres stratégies sont plus rares.

On peut également noter que la stratégie de répétition est largement sur-représentée lors de la première demande (63% des cas soit 20% de moins que la moyenne générale) et sous-représentée lors de la troisième demande (24% seulement). Par contre l’expansion et l’indice deviennent plus fréquents au fur et à mesure des demandes. Ces résultats apparaissent logiques : l’enfant constate que sa stratégie de répétition échoue et il va donc l’abandonner peu à peu, pour la remplacer par des stratégies plus efficaces.

On a également constaté que les enfants malentendants mais présentant une parole bien intelligible répondaient souvent (près de 10% des cas) par un élément inapproprié. Les auteurs considèrent cela comme normal : en effet, les enfants entendants sont confiants de leur langage et cherchent donc une solution adéquate ; les enfants malentendants peu intelligibles sont habitués à des demandes de clarification et à des ruptures de communication et ils cherchent donc à tout moment à « aider ». Les enfants malentendants intelligibles acceptent moins bien les demandes, qui les agacent ou les mettent en colère car ils les ressentent injustes.

Le dernier point concerne la préférence marquée des enfants malentendants à faible intelligibilité pour la répétition. Il est probable qu’ils doivent souvent répéter leurs énoncés du fait de leur difficultés articulatoires mais il est également possible que leur faible niveau langagier les empêche de répondre par des stratégies complexes linguistiquement comme les indices ou l’expansion.

Les auteurs concluent sur l’absolue nécessité d’apprendre aux enfants malentendants l’utilisation des différentes stratégies avec une application pragmatique en contexte.
Tova MOST

Language, Speech and Hearing Services in Schools, vol.33, Avril 2002