T.E.P.P.P. (test d’évaluation des perceptions et productions de la parole)

Actualités Orthophoniques Juin 2003 (volume 7, n°2)
Ce test concerne les enfants sourds profonds de 2 à 10 ans, implantés ou appareillés. Il s’agit à la fois d’un matériel d’évaluation et d’un outil de travail pour les orthophonistes dans le cadre de leur intervention. Il permet « une évaluation longitudinale des compétences auditivo-perceptives des enfants ». En ce qui concerne les enfants implantés, le TEPPP a plusieurs objectifs : obtenir un éventuel meilleur ajustement, réaliser un suivi rééducatif très personnalisé, permettre une comparaison, à des fins de recherche, entre enfants implantés et appareillés, mais également selon le type d’implant…
L’évaluation de la perception

• Détection et discrimination

Il s’agit d’épreuves simples et attrayantes, donc accessibles même aux plus jeunes.

• Détection de logatomes verbaux

Des stimuli sont produits en voix naturelle, l’examinateur se plaçant derrière l’enfant à 2 mètres (ou 3 si réussite). L’enfant montre qu’il a entendu le son en jetant une balle dans un panier. Dix logatomes ont été choisis (chi, brou, la, si, mou, vo, ti, bou, ka, fu) représentant les différentes fréquences.

• Un/plusieurs

Il s’agit de détecter la notion de nombre sur le plan auditif. Un = pa, Plusieurs = papapapapa L’enfant tape un ou plusieurs coups sur un tambourin.

• Long/Bref

Idem, avec une réponse de l’enfant avec des rubans court ou long et une émission plus ou moins longue du phonème /a/

• Différenciation de cris d’animaux

Opposition entre deux onomatopées (meu/cui..), l’enfant devant désigner l’animal-jouet correspondant.

• Idem

Idem mais avec trois items (ouah-ouah..)

• Discrimination de trois jouets musicaux

Flûte, crécelle et cloche permettent discriminer trois fréquences différentes.

• Détection des éléments constituants de la parole

2.1 Discrimination du rythme syllabique

Il s’agit d’analyser la capacité auditive de l’enfant dans l’analyse de la durée et de rythmes plus ou moins complexes. Il y a deux séries correspondantes à deux groupes d’âge.

• Identification de la parole structurée

3.1 Identification de mots

Une liste de 12 mots correspondant à un vocabulaire très simple. Une planche de 12 images. Des syntagmes di, tri ou polysyllabiques (de lit à escargot). Toutes les voyelles (qui concourent fortement à l’intelligibilité) sont passées en revue dans cette épreuve de reconnaissance.

3.2 Identification de phrases simples

Il y a une série de 10 planches avec sur chacune 4 images. Le modèle reste le même : syntagme nominal + syntagme verbal (ex : la fille rit, le garçon dort…). Il peut y avoir erreur sur un des deux syntagmes ou sur la totalité du message. Un ordre croissant de difficulté phonétique est réalisé.

3.3 Intégration de l’information auditivo-visuelle

Il s’agit du seul exercice présenté avec la lecture labiale. Il s’agit de 20 planches constituées de trois images : deux sosies labiaux (pain/main par exemple) et un distracteur. Les sosies concernent essentiellement la consonne initiale, et toutes sont passées en revue dans cet exercice, en tenant compte des oppositions (par exemple, voisé/non voisé, oral/nasal…)

3.4 Test phonétique

Il s’agit de déterminer un profil auditivo-perceptif de l’enfant. Les sons sont présentés par ordre croissant de difficulté, par paires et en opposition (voisé/non voisé, oral/nasal, lieu et mode d’articulation). Il y a 31 planches de deux images chacune dont les noms sont monosyllabiques et ne se différencient que par un seul phonème.

3.5 Identification de phrases complexes

Des phrases composées de deux syntagmes nominaux et d’un syntagme verbal sont proposées à l’enfant qui doit les désigner sur des planches de 4 images. Le vocabulaire est courant mais l’enfant doit mémoriser les éléments.

• Identification de phrases en liste ouverte

4.1 Identification de phrases par répétition

Des phrases de structures syntaxiques variées sont proposées à l’enfant qui doit les répéter. Le vocabulaire est simple, les thèmes bien connus et les structures sont élémentaires. Il n’y a pas d’aide par lecture labiale.

La seconde partie du TEPPP concerne la production orale. Les épreuves doivent alors être obligatoirement filmées, en particulier celle relative à l’intelligibilité.

Production de /i/, /ou/ et /a/
A partir de situations de jeux variées, l’examinateur doit apprécier les caractéristiques de ces trois voyelles extrêmes.

1 Les saynètes
A partir de conduites mimiques, on cherche à obtenir des onomatopées style « chut », « aîe », broum »….

2 Images séquentielles avec production spontanée
Six séries d’histoires en images sont proposées à l’enfant. L’examinateur raconte le début de l’histoire, et après un temps de pause il laisse l’enfant poursuivre l’histoire pour la dernière image. On s’intéresse ici à la qualité de l’oralisation ainsi qu’au moment d’apparition de certains mots dans le cadre d’une approche longitudinale.

3 Répétition de mots

Quinze mots, de 2 à 4 syllabes, sont proposés à l’enfant en répétition. Il s’agit de mots simples, avec support d’images mais sans lecture labiale. On pourra ainsi réaliser des analyses acoustiques.

4 Dénomination de 15 mots en spontané

Il s’agit de la même liste de 15 mots et on pourra ainsi apprécier l’intelligibilité de l’enfant. Cette liste peut être réduite à quatre mots pour les plus jeunes.

5 Identification de phrases par répétition

On retrouve la même épreuve qu’en perception (item 4.1) mais il s’agit ici d’apprécier la réalisation.

Toutes ces épreuves s’inscrivent dans une analyse de la production à trois niveaux :

• niveau phonétique

Les épreuves permettent d’apprécier les améliorations chez l’enfant après implant.

Les recueils de corpus ont mis en évidence une diminution du nombre de confusions, une amélioration de l’articulation des consonnes, une diminution des désonorisations … mais on note également que le répertoire des phonèmes reste souvent incomplet.

• niveau linguistique

Les épreuves tiennent compte des résultats de plusieurs études sur le champ lexical. Ainsi Ives, en 1974, note que les performances lexicales d’un enfant sourd de 15 ans seraient équivalentes à celles d’un enfant normal de 5 ans. L’étude de Grégory en 1981 montre qu’un enfant de 5 ans sourd profond aurait un vocabulaire d’environ 200 mots (équivalent à celui d’un enfant normal de 2 ans).. Le vocabulaire proposé dans le TEPPP est donc très simple.

• niveau de l’intelligibilité

La complexité linguistique des énoncés affecte négativement leur intelligibilité. Les auteurs du TEPPP ont donc choisi des énoncés simples.

Afin d’apprécier l’intelligibilité de l’enfant sourd, on a demandé à un jury de noter par écrit tous les mots compris dans l’épreuve de dénomination, ce qui permet de noter un pourcentage objectif d’intelligibilité. Cette notion est très importante car elle conditionnera en grande partie le succès ou l’échec de l’intégration sociale de l’enfant sourd profond.

Pour en savoir plus :

The phonological systems of deaf children
DODD B.
Journal of speech hearing Disorders, 1976, pp.185-198

The oral speech intelligibility of hearing-impaired talkers
MONSEN R.
Journal of speech hearing Disorders, 1983, pp.286-295
A. Vieu et coll.

Revue de Laryngologie et d’Oto Rhinologie, 1999, 120,4, pp.219-225