Stickwriting stories : a quick and easy narrative representation strategy

Actualités Orthophoniques Mars 1999 (volume 3, n°1)
Ecriture, pictogramme, récit, rééducation du langage oral

L’utilisation des pictogrammes se limite en général aux enfants I.M.C. ou à certaines personnes cérébro-lésées. Il nous a donc paru intéressant de vous présenter une autre possibilité d’intervention avec ce type de matériel.
Travailler sur le récit est une activité thérapeutique à la fois très utile et très délicate. En effet, il s’agit d’un domaine complexe. Pour produire un récit cohérent et intéressant, l’enfant doit coordonner plusieurs capacités : la connaissance des événements et des personnes, la maîtrise du contexte, la structure du récit avec son aspect chronologique sans oublier la capacité linguistique. L’enfant doit en même temps faire attention à l’organisation de son discours, aux relations syntaxiques et aux choix lexicaux. Et ceci est d’autant plus délicat que l’oral ne possède pas d’ indices et ne laisse pas de traces.

Pour pallier ces difficultés, l’écriture a parfois été utilisée pour raconter une histoire. Malheureusement, écrire est une activité lente, laborieuse et difficile pour des enfants avec des troubles du langage. En fait il ne s’agit pas d’une très bonne idée, car, en plus des éléments communs à l’oral et à l’écrit (recherche des idées et organisation du langage autour de ces idées), l’enfant est confronté à des difficultés spécifiques à l’écrit : maîtrise du graphisme, conventions de l’écrit, besoin d’une plus grande explicitation en l’absence d’un interlocuteur, obligation d’une meilleure qualité d’expression, de choix lexicaux et syntaxiques moins relâchés qu’à l’oral…

En 1980, Flower rappelait les différentes étapes nécessaires au récit écrit : recherche puis organisation des idées, création d’une procédure générale, mise au point d’un plan, traduction des idées en mots écrits, correction. Bref un traitement complexe peu adapté à des enfants en difficulté langagière.

Le dessin peut constitue une alternative à l’écriture. En particulier, il pourrait permettre la construction de récits chez les plus jeunes (5 et 6 ans), le dessin servant de support à l’oralisation de l’histoire. Toutefois on doit noter que la chronologie et la relation causale ne peuvent s’exprimer dans un dessin unique. De plus, l’enfant va plutôt « parler » de son dessin que raconter une histoire à partir de celui-ci. Il y a donc une nécessité de conduire l’enfant du dessin réalisé sous l’angle de l’esthétique et de l’imaginaire vers un dessin, outil communicatif.

Le pictogramme constitue un intermédiaire (comme son nom l’indique d’ailleurs) entre dessin et écriture. Dans le cadre de cet article, le pictogramme correspond à des images simples, schématisées, organisées de gauche à droite selon le principe de l’écriture mais aussi de façon chronologique. Il ne représente pas directement les mots, mais les idées et les événements.

Selon l’auteur, les pictogrammes représentent un excellent support, à la fois mnésique et organisationnel, pour le rappel et le récit d’un événement. De plus il s’agit d’un outil « low-tech » (un simple crayon et du papier – par opposition aux « machines ») qui s’apprend et s’utilise facilement et rapidement.

Cet outil, appelé « écriture d’image » par les orthophonistes, est renommé « écriture de bâtons » par les enfants, montrant bien la nécessaire schématisation du dessin. Le plus souvent, les enfants, âgés de 7 à 12 ans dans cette étude, apprennent rapidement la bonne utilisation de cet outil. Mais parfois, ils ont tendance à trop « esthétiser » le dessin, ou à trop le simplifier (négligeant les relations entre les éléments), voire à effectuer des digressions dessinées.

L’orthophoniste utilise conjointement le récit oral et les pictogrammes, chaque outil s’appuyant sur l’autre. En général, une séance commence par la lecture d’une histoire, par un conte, par une présentation d’événements personnels ou collectifs, voire la présentation d’une photo. Notons qu’il s’agit ici d’une utilisation au sein d’une classe (les orthophonistes nord-américaines « fonctionnent » souvent et de façon institutionnelle de cette façon) mais le même travail peut se faire en individuel. L’orthophoniste discute avec l’enfant pour lui faire préciser ses idées, puis commence la partie pictographique. Il y a souvent un besoin d’aider l’enfant pour démarrer (NDLR : le vertige de la feuille blanche sans doute…). Une fois le premier dessin réalisé, l’enfant doit faire une flèche qui indique la chronologie. De même il notera un point à la fin de son récit.

La deuxième phase, qui va utiliser la production pictographique, varie selon les objectifs de la rééducation. Il peut s’agir d’un rappel de l’histoire, en s’appuyant plus ou moins sur les dessins. Il peut s’agir d’une amélioration, voire d’une extension du récit. Il peut s’agir d’écrire en mots le récit à partir des séquences.

L’utilisation de pictogrammes peut améliorer la structuration temporelle chez certains enfants. En effet, l’enfant doit passer de la phase descriptive (le dessin d’enfants classique) à une phase chronologique (pictogrammes avec flèches). Les corpus de Kyla cités dans l’article sont significatifs de son évolution vers une maîtrise des éléments temporels et causaux.

Bien entendu, les pictogrammes permettent d’améliorer la qualité du contenu du récit. L’enfant, débarrassé du fardeau de la recherche de la bonne lettre/du bon mot, va pouvoir concentrer son attention sur le contenu. L’auteur de l’article présente ainsi le cas d’un enfant de 8 ans dont la production écrite est quasi insignifiante alors que son récit oral est beaucoup mieux construit.

D’autres utilisations des pictogrammes sont décrites : par exemple, le récit « imité » par l’enfant à partir d’une proposition de l’orthophoniste, ou bien le travail conjoint de deux enfants.

En général, les pictogrammes sont utilisés comme moyen alternatif de communication (cas des IMC). Mais on voit clairement à travers ces exemples qu’une autre utilisation est envisageable, reposant sur un complément au travail de langage oral (chronologie, syntaxe, vocabulaire, compréhension…). Il s’agit ainsi d’un outil de plus, simple à mettre en ?uvre et proche des souhaits et des possibilités de l’enfant.

René Degiovani

Pour en savoir plus :

The immediate effects of pictographic representations on children’s narratives.
Mc FADDEN.
Child Language Teaching and Therapy, 1998, 14.

Cohesion repairs in the narratives of normal-language and language-disordered school-age children
PURCELL et LILES
Journal of Speech and Hearing Research, 1992, 35

The development of communicative competence : Are notational systems like language ?
BOLGER et KARMILLOF-SMITH
Archives de Psychologie, 1990, 58
Teresa UKRAINETZ

Language, Speech and Hearing Services in Schools, 1998, vol.29, n°4