Psychological stress and coping: framework for post stroke psychosocial care.

Actualités Orthophoniques Décembre 2002 (volume 6, n°4)
Prendre en charge un patient ayant des séquelles d’AVC n’est pas une chose simple: il y a bien sûr la rééducation au sens strict avec ses techniques adaptées aux différents troubles. Mais il y a également une composante psychosociale qui vient le plus souvent faire de l’ombre aux progrès du patient. Dans le cas des aphasiques (et des troubles apparentés), être orthophoniste ne se limite pas à l’aspect technique. Lutter contre le stress et aider à l’adaptation psychosociale du patient est tout aussi indispensable, même si nous n’y sommes que peu préparés.
De nombreux articles s’intéressent aux difficultés d’adaptation des proches du patient face au fardeau que constitue les séquelles physiques et cognitives du patient. D’autres mettent en évidence la dépression qui frappe le patient et qui résonne sur ses capacités cognitives. A tel point chez certains qu’il suffit de traiter la dépression pour voir certaines capacités cognitives comme la mémoire, l’attention voire le langage s’améliorer (Voir étude de Kimura en 2000).

Mais la dépression ne constitue pas la seule réponse du patient face à son nouvel état. De nombreuses personnes font l’expérience d’émotions nouvelles comme l’anxiété, la culpabilité, la frustration ou la colère. Toutes ces émotions, bien peu étudiées par les scientifiques, sont regroupées ici dans le terme de stress.

A la suite d’un « accident », le patient va apprécier la nouvelle situation qu’il vit et comparer les demandes qui apparaissent aux possibilités qu’il possède. Plusieurs cas peuvent être jugés par le patient : il peut considérer que la situation est déjà trop difficile pour lui (sentiment d’abnégation), il peut penser qu’il a des moyens de lutter contre les problèmes ou encore il peut ressentir un danger permanent, créant alors une situation de stress. Bien entendu, ce jugement évolue avec le temps et avec l’action de l’environnement humain. De nombreux éléments viennent influencer le jugement du patient : par exemple, le nombre et la complexité des demandes qui lui sont faites, les objectifs et les valeurs qu’il possède, la confiance qu’il a en lui, l’aide apportée par son entourage….

L’adaptation est un autre élément fondamental pour le patient. Il s’agit des efforts réalisés par le patient pour gérer les demandes qui dépassent ses possibilités actuelles. Ces efforts, toujours modifiés en fonction de l’évolution de la situation, peuvent être de nature cognitive ou comportementale. Il ne s’agit pas d’une réaction émotionnelle mais plutôt d’un phénomène volontaire propre à un événement spécifique.

Selon Lazarus (1984), les stratégies d’adaptation sont de deux types :

* Celles centrées sur un problème.

Elles s’apparentent aux stratégies liées à la résolution d’un problème : il faut définir le problème, trouver des solutions alternatives, apprécier le coût et le bénéfice de ces solutions, puis changer ce qu’il est possible de changer. Ces stratégies peuvent être internes (modifier un comportement ou son approche d’un problème) ou externes (modifier un élément de l’environnement).

* Celles centrées sur les émotions

Il s’agit ici de diminuer le fardeau émotionnel. Par exemple, par la méditation et la détente, ou par la recherche d’une aide extérieure, ou encore en évitant que certaines pensées vous envahissent, ou en les minimisant, ou enfin en mettant en avant des pensées positives. Ainsi le patient peut se dire « J’ai décidé que des choses bien plus graves auraient pu m’arriver » ou bien « j’ai décidé qu’il y avait des choses plus importantes dans ma vie ». Rechercher…et trouver une signification positive à la situation constitue un élément d’adaptation favorable, en particulier lorsqu’il est impossible de modifier les données d’un problème.

Lors de l’apparition d’un handicap, il est normal que la personne se pose des questions sur le retentissement sur son futur. Et donc normal qu’il y ait une situation de stress lorsqu’elle anticipe les difficultés à venir. Par exemple la disparition des activités habituelles dans la vie de tous les jours, ou la perte d’indépendance, ou encore la fin de la sécurité financière, ou enfin l’impossibilité de remplir pleinement son rôle social. Mais face à ce stress, le rôle des soignants est d’aider la personne et son entourage. Par exemple, en réduisant les demandes ou bien en augmentant les possibilités. Bien sûr la tâche est de taille car les demandes « stressantes » sont légion. Parmi les éléments mentionnés par l’auteur, on peut noter en ce qui concerne l’environnement:

* Les besoins en matière de traitements (rééducation et médicaments)
* L’isolement social
* Les attentes des autres personnes

Et en ce qui concerne les éléments propres au patient :

* Trouver des objectifs réalistes dans un fonctionnement différent
* Conserver un sens à sa vie
* Modifier les habitudes quotidiennes
* Maintenir un caractère positif de soi
* S’ajuster aux relations sociales modifiées
* Dépasser le fait de se lamenter sur ses manques
* Maintenir un espoir dans un univers d’incertitude
* Accepter les changements dans les rôles sociaux…

Le rôle du soignant va être important dans la mise sur pied de stratégies offensives (après avoir contribué à diminuer les demandes) qui permettront au patient et à son entourage de minimiser l’impact du stress ressenti. Il a une mission d’intermédiaire entre l’environnement et la personne.

Comme cela a été dit précédemment, de nombreuses stratégies doivent être mises en ?uvre pour répondre à des situations précises. Elles doivent permettre de mieux définir une situation, de maintenir une approche positive et réaliste ou d’identifier les étapes à franchir.

Plusieurs exemples sont proposés par l’auteur :

Ainsi, afin d’éviter le stress dû à une anticipation pessimiste des choses, il est possible de rassembler un maximum d’informations sur ce que peut raisonnablement attendre le patient et sur les possibilités d’action. On pourra ainsi utiliser des ouvrages, des articles de journaux, des brochures d’association, les ressources de sites sur Internet. Il faut toutefois prendre garde que beaucoup de patients peuvent être facilement débordés par une trop grande masse d’informations. De plus, certains patients n’ont pas une grande confiance dans certains documents.

Une autre stratégie consiste à aider le patient à conserver un contrôle de soi et de l’environnement. Il semble indispensable de « donner un choix » au patient au lieu de lui asséner des certitudes. C’est le cas pour les traitements, même s’il s’agit d’un domaine où il a peu de choses à dire. Mais, lorsqu’elles existent, on doit lui présenter les options possibles. Pour aider le patient à être ou à redevenir un sujet, il est indispensable de lui proposer explicitement les choix possibles et d’obtenir clairement sa réponse.

Il est indispensable d’aider la personne et son entourage à accepter l’aide de personnes extérieures, sans que cela ne soit vécu comme un abandon. Par exemple, accepter une aide pour garder le patient, ou pour faire les courses ou pour s’occuper de la maison…De même accepter les formes d’affection et d’aide et non se refermer sur soi.

Une stratégie importante consiste à supprimer les pensées négatives.

* Par exemple, donner une signification péjorative à une activité. Ainsi le patient qui a besoin de plus de repos que précédemment va considérer qu’il s’agit d’une perte de temps au lieu de penser que c’est un bon moyen pour recharger ses batteries.
* Présumer les pensées des autres. Ainsi, un patient imaginera sans raison que son épouse pense qu’il ne fait pas assez d’efforts pour y arriver. Il faut dans ce cas redévelopper la communication et obtenir du patient qu’il interroge les gens plutôt que de se faire des idées préconçues.
* Le tout ou rien… Lorsqu’ils ne parviennent pas à tout réaliser, certains patients ont l’impression qu’ils n’ont rien réalisé. Il faut donc leur montrer que chaque action réussie est importante.
* Certains imaginent les situations les plus catastrophiques puis pensent qu’elles sont en train de se réaliser. C’est une situation de catastrophisme.
* Blâmer : faire porter la responsabilité d’un problème, voire de son AVC, sur quelqu’un au lieu de combattre est une manière de penser très négative et stérile.
* « J’aurais dû »…faire ceci, ou faire cela mieux, ou ne pas avoir fait cela…. Certains patients, en général engagés dans des responsabilités sociales importantes avant leur accident, ont ce genre de pensée, qui s’avère destructrice. Il convient donc de rappeler à ces patients qu’il faut du temps pour trouver un nouveau niveau de fonctionnement et que, de plus,il faut être réaliste dans ses attentes.

Il est indispensable d’aider le patient à avoir des pensées positives. On peut lui montrer le « bon côté » des choses, en lui rappelant qu’il est vivant et qu’il peut profiter de certaines choses dans sa vie (comme voir grandir ses petits enfants). On peut aussi trouver une personne de l’entourage qui favorisera ce caractère positif.

De même, on peut suggérer au patient (NDLR : avec tact et délicatesse…) que « grâce » à son AVC, il n’est plus écrasé par le travail et il voit davantage son épouse !!

Une pensée fréquente est que les choses n’iront jamais bien. On peut alors rappeler quelques maximes du genre « Rome ne s’est pas fait en un jour » ou « petit à petit l’oiseau fait son nid » qui vont détourner le caractère pessimiste des pensées.

Conserver une vie « normale ». Bien sûr certaines activités sont devenues impossibles, mais beaucoup demeurent accessibles si l’on passe la barrière de la gêne, qu’il s’agisse des tâches quotidiennes ou des activités sociales.

Enfin, on ne doit jamais négliger l’importance du rôle des groupes de soutien. L’écoute apportée, les conseils donnés, l’empathie toujours présente sont nécessaires à chacun. Toutefois, la quantité et le type d’aide varient selon les personnes et il faut en tenir compte avant de les « pousser » vers une association.

On doit favoriser chez le patient une « conversation interne » positive. Il ne s’agit pas de se répéter, à la façon Coué, que l’on est bien, fort et que l’on va réussir, mais plutôt de mettre en avant ses réussites et d’affirmer à soi-même ses capacités et sa réussite. Il est également nécessaire de comparer la situation vécue avec ce qu’elle aurait pu être en pire, pour être davantage positif.

On ne doit pas demander au patient d’être toujours performant. Le repos est indispensable, et on doit y ajouter des moments de détente et de relaxation, car le challenge est particulièrement redoutable au quotidien.

Enfin, on doit donner au patient le temps de définir des attentes réalistes. Une période transitoire est nécessaire après l’AVC permettant de cadrer les choses.

D’autres stratégies doivent être mises en place dans le domaine des émotions liées au stress.

L’utilisation de l’humour est indispensable. En particulier, il permet de rendre supportable l’insupportable . Lorsqu’un patient est capable de rire de lui même, de ses erreurs et de ses échecs, il va déconnecter son stress. Et le mieux est sans doute que le conjoint soit entraîné dans cet humour. Il est bien sûr possible de relancer cet humour en proposant quelques livres humoristiques au patient.

Il n’est jamais bon de garder pour soi ses émotions. On encouragera donc le patient à percevoir ses émotions et à les exprimer sans crainte d’être jugé par ses proches. Si l’entourage n’est pas réceptif, le soignant pourra devenir le confident de ces sentiments.

Lorsque la maladie et le handicap apparaissent, de nombreux patients ont tendance à anticiper des problèmes au-delà de ce qui est réaliste. De ce fait, ils entrent dans un système d’anxiété et de peur qui les cloue dans leur travail de récupération. Il est donc important d’essayer de déconnecter cette anxiété.

La première question que le patient doit se poser, avec l’aide su soignant, est : « Y a-t-il un risque réel que tel événement m’arrive ? ». Réfléchir et parler des choses évite souvent l’anxiété irrationnelle.

La deuxième question est de se demander s’il est possible d’agir pour éviter un risque ? Puis, on doit se demander comment on pourrait réduire le préjudice s’il advenait tout de même. Enfin, comment lutter contre ce dommage potentiel. Cette approche offensive permet de briser très souvent les tendances anxieuses du patient.

La culpabilité est un sentiment très douloureux. Si le patient peut trouver des raisons réelles (et des remèdes…) à cette culpabilité, il en sortira grandi. Mais souvent, la culpabilité est sans fondement et irréaliste.

La frustration de ne pouvoir effectuer certaines choses est problématique pour le patient. Une bonne solution est de diviser les tâches longues et complexes en différentes étapes qui seront plus facilement réalisées, évitant donc la frustration et augmentant la confiance du patient dans ses capacités.

La colère est fréquente chez chacun d’entre nous, lorsque nous échouons régulièrement. Mais chez certains patients, elle est quasiment permanente et gêne la vie personnelle et sociale. La colère vient souvent d’objectifs irréalistes, qui ne seront jamais atteints. Il faut donc s’assurer avec le patient que ses attentes sont compatibles avec ses possibilités.

Toutes ses approches ont pour objet d’éviter les émotions les plus gênantes pour le patient et donc, par le maintien d’un fort espoir, d’accepter la dynamique du travail à entreprendre en rééducation et dans la vie quotidienne.
Brenda LYON

Topics in Stroke Rehabilitation, volume 9, numéro 1, 2002.