Neuropsyhologie de l’attention

Actualités Orthophoniques Septembre 2002 (volume 6, n°3)
Nous vous avions promis ( dans le dernier numéro d’Actualités Orthophoniques ) de revenir sur cet excellent ouvrage. Alors, pas de sable blond, ni de Grande Bleue, nous avons consacré toute… notre attention à la lecture de « La neuropsychologie de l’attention » et nous ne regrettons rien. Cet ouvrage, structuré, très documenté, qui plus est écrit dans un langage clair (pour la majorité des articles ), constitue une excellente approche de la neuropsychologie de l’attention.
Josette Couillet, Michel Leclercq, Christine Moroni et Philippe Azouvi reprennent les textes, savamment ordonnés, des interventions présentées sur la thématique de l’attention lors du forum 2001 de la Société de Neuropsychologie de langue Française, à Paris.

L’ouvrage s’articule en quatre parties : Les aspects théoriques, l’évaluation, la pathologie, la rééducation.

Les aspects théoriques.

Après une nécessaire présentation des différents modèles théoriques et des méthodologies employées en psychologie cognitive, sont abordées la sélection et la préparation attentionnelle en neuropsychologie selon le modèle de Laberge qui repose sur un circuit triangulaire faisant intervenir trois régions cérébrales :

-Les régions pré-frontales assurent le contrôle de l’attention ( sélection et maintien).

-Les régions corticales postérieures permettent à l ?attention de s’exprimer.

-Le thalamus représente le mécanisme de l’attention ( rehaussement et filtrage).

Van Der Linden et Collette nous montrent, ensuite, analyse détaillée à l’appui, qu’il existe une relation entre mémoire de travail et attention et que ces deux domaines ne doivent plus être abordés de façon distincte.

Pour conclure cette première partie, notons un intéressant article sur les techniques d’imagerie fonctionnelle qui nous permettent, aujourd’hui, de mieux comprendre les bases cérébrales de l’attention.

L’évaluation.

Les différents intervenants nous présentent en détails les trois grandes familles de tests :

-Les épreuves de laboratoire, tests standardisés évaluant les capacités attentionnelles en situation artificielle.

-Les épreuves écologiques, tests standardisés qui tentent de reproduire les situations de la vie réelle.

-Les questionnaires qui font appel à la connaissance des troubles par le patient (auto-évaluation) ou par l’entourage (hétéro-évaluation).

L’étude critique ( fort intéressante ) de ces tests, nous montre que si bon nombre d’entre eux sont efficaces dans le cadre du dépistage, ils ont pour la plus part un intérêt limité dans l’analyse cognitive des processus perturbés. Or, comme le montrent toutes les récentes études, la rééducation de l’attention n’est efficace que si l’on cible précisément la ou les capacités attentionnelles atteintes.

Remarquons :

-Les épreuves informatisées du T.E.A ( Test of Everyday Attention, adaptation française Maréchal et Martin 1998 ) sont particulièrement adaptées à l’évaluation analytique pré-rééducative.

-Les tests attentionnels complexes, en grande partie reliés aux fonctions exécutives, peuvent être prédictifs d’une réinsertion professionnelle.

-Les épreuves « écologiques » T.E.A et les questionnaires nous éclairent sur les difficultés attentionnelles rencontrées par les patients dans leur vie quotidienne.

La pathologie.

Cette troisième partie étudie les troubles de l’attention dans différentes pathologies et au cours du vieillissement. Malgré les études menées et les données accumulées entre 1992 et 2000, la compréhension des effets du vieillissement normal sur les processus attentionnels ne s’est pas améliorée de façon significative.

Processus attentionnels et maladie Alzheimer.

Ce chapitre présente les travaux les plus importants étudiant les différents types de processus attentionnels, tels que l’alerte, la sélectivité, l ?attention focalisée, la capacité de traitement, la vigilance, l’attention soutenue, l’attention divisée ( réalisation simultanée de deux tâches différentes ), l’effort mental et la vitesse de traitement. Des déficits de la capacité de vigilance, de l’attention sélective et de l’attention divisée apparaissent précocement ; ils surviennent après l’atteinte initiale en mémoire épisodique, mais avant les troubles langagiers et visuo-spatiaux. Les patterns des déficits attentionnels des patients Alzheimer semblent pouvoir s’interpréter en terme d’une atteinte des processus contrôlés associés à des persévération des processus automatiques.

Attention et pathologie frontale.

L’analyse des différents travaux recensés indique qu’une atteinte de l’attention soutenue de la sélectivité est possible, qu’une atteinte de l’attention divisée est probable et qu’une atteinte de la sélectivité est documentée ( au moins deux études sur des populations différentes ). Il reste nécessaire de disposer de travaux complémentaires. En outre les rares corrélations anatomo-cliniques disponibles suggèrent que les déficits de l’attention sélective et focalisée s’observent essentiellement dans la pathologie frontomédiale.

Les troubles de l’attention après traumatisme crânien sévère.

Il semble que quel que soit le processus attentionnel sollicité, les performances des patients soient de bonne qualité, en dehors de la lenteur, tant que les tâches ne demandent pas un niveau de contrôle trop élevé. En revanche si les tâches sont trop complexes, demandent une charge importante en mémoire de travail et, ou, une forte pression temporelle, les patients sont en difficulté. Cette hypothèse explique peut-être la discordance entre les performances des patients dans les épreuves «de bureau », dans un contexte bien structuré, et dans les tâches en condition écologique, sollicitant plus les ressources attentionnelles. Cela souligne l’importance, aussi bien pour l’évaluation que pour la rééducation, de placer les patients dans des situations très proches de la vie quotidienne.

Attention et aphasie.

Peu de travaux ont été menés sur les troubles de l ?attention chez les patients aphasiques ; pourtant bon nombre de ces études montre qu’effectivement ces patients présentent des déficits attentionnels. Yves Martin nous détaille les travaux étudiant les différents processus attentionnels chez les patients aphasiques. Bien que la nature exacte et l’impact de ces troubles dans l’aphasie restent à préciser, il y a suffisamment de données qui indiquent que nous devons prendre en considération les fonctions attentionnelles en rééducation, et que nous devons envisager des séances dans un environnement proche du quotidien afin de travailler les processus attentionnels de sélection et de focalisation.

Pour clore cette partie les auteurs nous proposent un intéressant travail portant sur l’attention et l’aptitude à la conduite automobile des sujets cérébro-lésés.

La rééducation.

Dans cette dernière partie de l’ouvrage, Ian Robertson présente les principales études publiées sur ce thème de la revalidation de l’attention; il en ressort :

-Le réentraînement aspécifique de l’attention a donné lieu à des résultats très disparates ; la généralisation à l’adaptation en situations de vie quotidienne n’a pas été démontrée.

-Le réentraînement de l’attention soutenue semble possible ; une étude a pu démontrer la généralisation à l’adaptation en situation de vie.

-Toutefois et d’une manière prédictible sur le plan théorique, il a été démontré que les bénéfices consécutifs au réentraînement de l’attention soutenue peuvent se généraliser en atténuant une inattention unilatérale gauche.

Michel Leclercq et Josette Couillet présentent, ensuite, deux cas de rééducation d’un trouble de l’attention divisée ( deux patients victimes d’un traumatisme crânien ). La rééducation spécifique des troubles attentionnels se traduit par une amélioration significative des performances des patients tant sur le plan qualitatif que quantitatif. Si ces présentations de cas confirment l’efficacité et la justification de l’intervention spécifique, elles montrent, également, les limites des stratégies de réentraînement en particulier dans les actes de la vie quotidienne.

Dans notre pratique quotidienne, nous ne pouvons négliger les déficits attentionnels de nos patients cérébro-lésés car de la qualité de l’attention dépendent bon nombre d’apprentissages et la récupération après dommage cérébral dépend en grande partie des apprentissages. Aussi, cet ouvrage permet une bonne et très sérieuse actualisation de nos connaissances et nous fournit des pistes et des schémas rééducatifs intéressants.
Ed. Solal, Marseille, 2002