Le NEPSY

Actualités Orthophoniques Décembre 2003 (volume 7, n°3)

L’orthophonie s’est bâtie et consolidée dans une démarche descriptive. Puis, bien que les tableaux cliniques soient de plus en plus précis et complexes, il est apparu nécessaire d’aller au-delà, en s’intéressant aux mécanismes et à la compréhension des troubles. Même si cette méthodologie n’englobe pas tous les troubles du langage, il semble dès à présent évident qu’elle a permis d’avancer dans le traitement orthophonique. En particulier la reconnaissance de troubles « essentiels » sous-jacents aux troubles du langage a permis des prises en charge plus adaptées, par exemple en matière de dyslexie. Dans le même temps, notre formation, tant initiale que continue, nous a permis d’accéder à ces nouvelles connaissances, par exemple en matière de mémoire ou d’attention.

Marit KORKMAN, Ursula KIRK et Sally KEMP

Editions ECPA, 2003, 420 euros

Faut-il pour autant abandonner notre spécificité et nous transformer en « simples » neuropsychologues ? Bien sûr que non, et avant tout, parce que notre action de rééducation est irremplaçable comme chacun s’accorde aujourd’hui à le reconnaître !

Mais, dans le même temps, intégrer ces données à notre évaluation des troubles du langage est incontournable pour ne pas passer à côté de la compréhension profonde des mécanismes. Et lorsque l’on sait la rareté des neuropsychologues en libéral, on conviendra que permettre aux orthophonistes de posséder et de maîtriser des outils appropriés est une excellente idée. Merci donc aux E.A.P. de mettre sur le marché NEPSY., même si, on le verra plus loin, cet outil mérite un regard critique dans son utilisation « orthophonique ».

La première rencontre avec NEPSY est impressionnante car il est livré dans une sorte de grand sac de voyage : clin d’?il à une invitation à d’autres horizons… mais il faut bien ce grand contenant pour ranger tout ce qui est nécessaire à ce test !

On trouvera pêle-mêle un chevalet de stimuli (sic), un manuel, un classeur d’administration, un lot de cahiers de passation et autant de livrets de réponses, sans oublier « l’engin pour faire la Tour », la boîte pour les petits carrés destinés à l’épreuve d’attention auditive, une cassette, quelques cartes et l’inénarrable grille de cotation, qui permettra de s’assurer, calque à l’appui, qu’un trait est bien droit ou qu’un angle est correct…. Mais on constate à l’usage que TOUT sert à quelque chose…mais il faudra ajouter un chronomètre et un magnétophone.

Qu’est-ce donc que ce NEPSY ?

Indiquons, plus par curiosité que par réel intérêt, que ce bilan a été conçu par une équipe finlandaise, adapté ensuite à la France via une version américaine !

Composé d’épreuves spécifiquement créées pour des enfants de 3 à 12 ans, il permet de comprendre les problèmes cognitifs, comportementaux et scolaires des jeunes enfants mais également de détecter et de définir les atteintes dans les dysfonctionnements cérébraux (IMC, traumatisme crânien, épilepsie, enfants à risque…). En particulier, suivant en cela l’approche de Luria, il permet d’identifier les déficits primaires qui peuvent être sous-jacents à divers troubles de l’apprentissage , comme on le sait dorénavant.

Le NEPSY s’intéresse à cinq domaines :

1. Attention et fonctions exécutives
2. Langage
3. Fonctions sensorimotrices
4. Traitements visuo-spatiaux
5. Mémoire et apprentissage.

Pour chaque domaine, il y a des épreuves de base, des épreuves complémentaires (qui permettent d’approfondir un éventuel déficit lorsque les résultats aux épreuves de base sont faibles), des notes additionnelles (qui permettent de préciser tel ou tel déficit) et des observations qualitatives (par exemple sur le comportement de l’enfant ou sa stratégie).

Toutefois, pour y voir plus clair dans le dédale des 27 subtests possibles, les auteurs proposent des recommandations selon le trouble suspecté. Ainsi, pour les troubles d’attention, pour les troubles du langage (3 à 4 ans), pour les troubles de la lecture (5 à 12 ans), pour les troubles du calcul (5 à 12 ans) et pour les problèmes de coordination motrice, une sélection permet une efficacité meilleure ainsi qu’un gain de temps non négligeable lorsque l’on sait qu’il faut plus de deux heures (selon les auteurs, donc avec une certaine expérience) pour venir à bout de la totalité des subtests.

Le manuel comporte de nombreuses consignes et conseils permettant d’assurer un déroulement du test dans des conditions optimales. Bien entendu, la notation est longuement explicitée et cela est bien nécessaire car on pourrait s’y perdre volontiers…d’autant que les orthophonistes n’ont pas encore l’habitude (mais cela vient vite avec par exemple le L2MA..) de notations complexes.

Il y a en effet les notes brutes, celles issues des résultats. Parfois très simples (0 ou 1), elles peuvent parfois tenir compte du nombre d’items, du temps, du nombre d’erreurs et donc devenir un peu moins immédiates à coter.

Il y a ensuite les notes standard. Pour les trouver, il faut se référer à des tableaux situés en annexe du manuel. Pour chaque tranche de 6 mois, de 3 ans à 13 ans, il faut convertir la note brute en note standard, de 1 à 19.

Les notes de domaine de base (par exemple le langage ou l’attention) s’obtiennent par une conversion à l’aide de nouveaux tableaux, après avoir additionné les différentes notes standard.

Enfin, une analyse par percentile, toujours grâce à des tableaux, est possible dans certains cas.

Le cahier de passation comporte deux parties :

Dans la seconde partie, soit 32 pages, on trouve les différents subtests, avec les items, les réponses et les résultats bruts.

Dans la première partie de ce cahier de passation, on trouve une sorte de synthèse, à la fois des notes (tableau des notes standard, graphique des notes de domaine et analyse des domaines) et des informations complémentaires, qui permettent d’affiner l’interprétation (notes additionnelles et observations qualitatives). Deux pages sont consacrées aux 3-4 ans, et deux autres aux 5-12 ans, puisque le choix des épreuves n’est pas le même.

Le Classeur d’administration présente chaque subtest en quelques pages. Il s’agit donc d’une référence que l’on devra consulter très fréquemment dans les premiers temps afin de respecter au mieux la rigueur de la passation, seul gage d’une fiabilité des résultats. Dans ces pages, on trouve le matériel nécessaire, les différentes règles d’application, le déroulement de l’épreuve, (cela avec un luxe de détails – schémas, paroles à dire, conseils – qui impose le respect…), un item d’exemple, les observations qualitatives et les notes additionnelles et la façon de coter tout cela.

Ce classeur se termine par la « cotation de copie de figures », quasi chef d’?uvre surréaliste sans doute issu du noctambulisme excessif d’un simili chercheur en statistiques abscons. On vous expliquera ici qu’une ligne peut être droite sans l’être vraiment voire bien peu, mais qu’elle n’est jamais droite si à un seul instant elle dépasse LA grille de référence.. Il y en a 42 pages….pour un soir de tristesse ou d’ennui. Mais bien sûr cela n’a que peu d’intérêt au vu de la réelle qualité de l’ensemble du Classeur.

Le beau classeur ne serait rien sans le matériel de passation …

En premier lieu, le « Chevalet des stimuli », au nom éminemment ésotérique.

A première vue, c’est un classeur regroupant…les stimuli (dessins, photos, positions….) de dix subtests. Mais par un tour de passe-passe, on peut ouvrir le classeur et le transformer en chevalet, un côté pour l’enfant et l’autre pour l’examinateur. L’ergonomie n’est sans doute pas parfaite, du fait des anneaux, et on ne sait pas si le classeur résistera à un grand nombre d’ouvertures, mais l’idée est bonne, d’autant que la formule est indispensable pour une bonne passation.

On doit également noter la très belle qualité des stimuli (papier glacé épais, simplicité des planches, netteté des stimuli). Les autres stimuli (support et boules en bois, carrés de couleur, petits cubes rouges..) sont également de qualité.

Avant de passer à une présentation des différents subtests, intéressons-nous à l’intérêt d’un tel test…Faute à ce jour d’avoir pu suffisamment le faire passer du fait de son édition tardive.. et estivale, nous pouvons nous reporter aux informations indiquées dans le manuel dans le chapitre « Interprétations » et dans celui consacré aux « Etudes de cas ».

Dans le premier chapitre, un décryptage de chaque subtest est effectué. On rappelle son objectif mais surtout, on montre les différentes interprétations que l’on peut avoir d’un score faible. Par exemple, au subtest « Dénomination rapide » (l’enfant doit dénommer rapidement des objets selon leur taille, leur couleur et leur forme), une performance limitée peut être due à un déficit de récupération des associations son-symbole, ou à de l’impulsivité, ou au contraire à une grande lenteur associée alors à une bonne précision ou à un trouble articulatoire. Des pistes de vérification de ces hypothèses par la confrontation avec d’autres subtests sont proposées, de même que l’observation des comportements.

Une lecture attentive de ce chapitre, avant et après la passation, peut donc grandement faciliter l’interprétation des données de base, surtout lors des premières passations.

Le chapitre « Etude de cas » montre davantage l’intérêt du NEPSY pour la compréhension des troubles. Les troubles du langage oral et écrit, les troubles d’apprentissage avec difficultés d’attention, les troubles du langage écrit et du graphisme et les troubles liés à la prématurité sont corrélés avec les résultats du NEPSY, mais également d’autres tests (L2MA, N-EEL, ECOSSE, Stroop, Wisconsin…), montrant très finement et donc très clairement l’intérêt de ce type d’évaluation pour une compréhension en profondeur des troubles. Les cas proposés montrent bien les déficits sous-jacents à des troubles, en particulier langagiers, justifiant ainsi pleinement l’utilisation du NEPSY par les orthophonistes. Notons toutefois que les subtests du domaine « langage » semblent faire double usage avec les informations recueillies lors des évaluations langagières dorénavant classiques (L2MA, LMCR, N-EEL…) et pourraient donc être évitées dans la passation. Mais cela devra être confirmé après plusieurs passations.

Reste donc à vous présenter (rapidement…) les différents subtests de ce NEPSY, ce qui vous donnera une idée encore plus précise de son utilité.

1. Attention et fonctions exécutives
• Tour : l’enfant doit déplacer trois boules colorées sur trois tiges suivant un nombre de déplacements définis. Ce test évalue les fonctions exécutives (planification, résolution de problèmes)

• Attention auditive et réponses associées : l’enfant doit adapter sa réponse à des stimuli similaires ou contrastes. Ce test évalue les capacités de vigilance et le maintien de l’attention sélective auditive

• Attention visuelle : l’enfant doit observer des images et barrer les cibles aussi rapidement et précisément que possible. Ce test évalue la rapidité et la précision permettant le maintien de l’attention sélective

• Statue : L’enfant doit rester dans la même position durant 75 secondes et inhiber toute réponse impulsive à des distracteurs sonores. Ce test évalue la persévération motrice et l’inhibition (chez les 3-4 ans)

• Fluidité de dessins : l’enfant doit réaliser le plus de figures différentes possibles en reliant deux points ou plus.

• Cogner et Frapper : l’enfant apprend un pattern de réponses motrices, puis doit le maintenir en inhibant la tendance à imiter l’action de l’examinateur.

2.Langage
• Dénomination des parties du corps (pour les 3-4 ans)

• Processus phonologiques : l’enfant doit identifier une image à partir d’un segment de mot entendu. Puis il doit produire un nouveau mot en omettant une syllabe ou en substituant un phonème à un autre.

• Compréhension de consignes : l’enfant doit pointer des dessins ou des formes qui lui sont indiquées, en fonction de leur couleur, de leur position et de leur relation aux autres figures. Ce test évalue l’aptitude à traiter des consignes verbales de complexité croissante.

• Dénomination rapide : l’enfant doit nommer la taille, la forme et la couleur des items présentés. Ce test évalue la capacité à accéder à des mots familiers et à les produire rapidement.

• Fluidité verbale : noms d’animaux ou noms commençant par…, bref un classique.

• Répétition de pseudo-mots : ce test évalue l’encodage et le décodage phonologique ainsi que l’articulation.

• Séquences oromotrices : ce test évalue la coordination rythmique oromotrice (cinq répétitions de séquences sonores et de virelangues)

3. Mémoire et apprentissage
• Mémoire narrative : l’enfant écoute une histoire puis la restitue (rappel libre). Puis des questions lui sont posées (rappel indicé).

• Répétition de phrases : l’enfant répète des phrases de complexité et de longueur croissantes.

• Mémoire des visages : l’enfant doit reconnaître parmi trois un visage présenté auparavant. L’exercice est réitéré 30 minutes après.

• Mémoire des prénoms : l’enfant doit apprendre en trois essais les prénoms de huit enfants dessinés. Il doit les dénommer 30 minutes après.

• Apprentissage de listes de mots : l’enfant apprend une liste de quinze mots en cinq essais. Une liste d’interférence lui est lue, et il doit la répéter, puis il doit rappeler la première liste. Un rappel a lieu trente minutes après.

4. Fonctions sensorimotrices
• Tapping : ce test évalue la dextérité digitale et la rapidité d’exécution. L’enfant tape l’index contre le pouce 32 fois de suite ! puis il tape le plus vite possible chacun des doigts contre le pouce.

• Imitation de positions de mains. Explicite n’est ce pas !

• Précision visuomotrice : l’enfant doit tracer un trait à l’intérieur d’un chemin, le plus vite possible.

• Séquences motrices manuelles : il s’agit d’une imitation d’une séquence des mouvements de la main.

• Distinction de doigts : l’examinateur touche (à l’abri du regard) un ou deux doigts et l’enfant doit les reconnaître.

5. Traitements visuospatiaux
• Copie de figures : l’enfant doit recopier sur papier des formes bidimensionnelles. Ce test évalue l’intégration visuomotrice

• Cubes : l’enfant doit reproduire à partir de modèles réels et d’imades des constructions en trois dimensions.

• Flèches : l’enfant doit choisir parmi plusieurs les deux flèches qui se dirigent vers le centre d’une cible. Ce test évalue l’orientation linéaire.

• Orientation : ce test évalue la compréhension des relations visuospatiales et l’orientation.