Le MEDIAL : Moniteur d’évaluation des difficultés de l’apprenti lecteur

Actualités Orthophoniques Juin 2000 (volume 4, n°2)
Introduction

A. Ouzoulias, formateur à l’IUFM de Versailles, s’est penché, avec la collaboration d’une équipe d’enseignants de Réseaux d’Aides Spécialisées, sur la question: « comment évaluer les difficultés de l’apprenti lecteur? » au CP et au CE1. Le fruit de ce travail de recherche est le « moniteur d’évaluation des difficultés de l’apprenti lecteur (MEDIAL) ». Cet outil, pensé et réalisé par et pour des pédagogues, apparaît comme un outil également tout à fait intéressant pour des orthophonistes. Je souhaite apporter ici un bref résumé de ce matériel ainsi que mon regard critique quant à son utilisation dans une pratique orthophonique.
Organisation et cadre théorique

Ouzoulias et ses collaborateurs (1996) ont cherché à élaborer un outil permettant de cerner au mieux le niveau de compétences des élèves de CP et CE1. La lecture est envisagée ici comme le résultat de l’interaction entre compréhension, reconnaissance des unités linguistiques et projet de lecteur. Ainsi, le moniteur d’évaluation va se composer en différentes tâches qui vont permettre le recueil d’informations concernant ces différents aspects et leur mise en relation.

Le Médial s’est construit autour de 7 rubriques en relation avec des approches théoriques complémentaires (voir fig. 1).

– Le projet de lecteur (rubrique 1)

– La compréhension:

• Les connaissances des fonctions des écrits (rubrique 3).

• Les facteurs linguistiques et encyclopédiques favorisant la compréhension (rubrique 4).

– La reconnaissance des unités lin­guistiques:

• Conceptualisation de la lan­gue (rubrique 2).

• Facteurs de développement des capacités d’identifica­tion (rubrique 6).

– Lecture d’apprenti (rubrique 5)

– Mise en relation des informations (rubrique 7)

Trois grandes approches définissent le cadre théorique. Il s’agit des ap­proches :

• « cognitive componentielle » conce­vant la lecture comme une « ar­chitecture cognitive » modélisable. Elle insiste sur l’importance de la phonologie dans la lecture et son acquisition. Ce courant est cité ici au travers de Morais, Alegria, Se­gui, Grainger, Zagar, Fayol et Sprenger-Charolle.

• « cognitive constructiviste » qui « cherche à comprendre par quelles élaborations conceptuelles successives et en résolvant quels problèmes l’enfant découvre progressivement les principes d’organisation de son écriture » (ibid., p.27). Les auteurs cités sont Ferreiro, Downing, Fijalkow, Besse, Jaffré et Gombert.

• « socio-cognitive » qui « insiste sur l’importance de la médiation sociale et notamment des échanges adulte-enfant dans l’acquisition de la lecture » (ibid., p.27). Conception vygotskienne. Voir: Chauveau et Rogovas-Chauveau.

Ces différents axes théoriques ont été conçus ici comme complémentaires et non comme une juxtaposition de points de vue. C’est probablement un des points forts du Médial qui réussit à faire un tout de différents apports théoriques récents, malgré leurs conceptions éloignées.

Le MEDIAL : Moniteur d’évaluation des difficultés de l’apprenti lecteur

Fig. 1 (ibid., p.28)
Description des items du Médial CP

Les items (21 au total) sont réunis sous ces 7 rubriques. L’ordre de passation est relativement libre. La durée conseillée est de deux séances de 45 minutes. Voici une description sommaire des différents items.

• Le projet de lecteur:

• Représentations de la lecture:

Au travers de questions comme « A quoi ça va te servir d’apprendre à lire ».

• Représentations de l’apprentissage:

« A ton avis, qu’est-ce qu’il faut faire pour apprendre à lire ? »

• Fréquentation des livres et des lieux de diffusion.

• Conceptualisation de la langue

– Sens conventionnel de la lecture et de l’écriture:

Désigner sur un texte où est le titre, le début, le milieu, la fin etc .

• Relation quantité d’oral, quantité d’écrit:

Parmi trois étiquettes (mot, phrase, texte court), désigner une phrase .

• Relation nombre de mots à l’oral et à l’écrit:

mêmes tâches que précédem­ment, mais plus précises.

• Segmentation de l’écriture en mots.

– Permanence de l’écriture d’une même unité linguistique

• Connaissance du langage tech­nique:

qu’est-ce qu’un chiffre, une lettre, un mot, une phrase, la première lettre du mot souli­gné etc.

• Reconnaissance des repères typographiques d’une phrase

• Connaissance des fonctions des écrits

• Comportement avec un livre :

« Tiens voilà un livre, dis-moi ce que tu en penses. »

• Connaissances des différents supports écrits et de leurs usages sociaux.

• Facteurs linguistiques et encyclopédiques favorisant la compréhension

– Anticiper la structure d’un récit à partir d’une image

– Anticiper la fin d’un récit

• Trouver un mot qui manque (à l’intérieur d’une lettre de l’école aux parents)

• Comportement de l’apprenti lecteur:

• Construction du sens d’une phrase accompagnée d’une illustration:

chercher le sens d’un écrit avec l’aide d’une image . Seule « situation de lecture » du Médial (empruntée à Chauveau et Rogovas-Chauveau).

• Facteurs de développement des capacités d’identification:

• Lexique initial :

Reconnaissance de prénoms ou de mots connus

• Reconnaissance de lettres :

Item qui reprend l’alphabet dans le désordre

• Conscience phonique:

Items centrés sur la perception de syllabes et de phonèmes dans un mot

• Stratégies de mémorisation d’un mot nouveau.

Un mot est présenté à l’enfant qui doit le retrouver dans une liste.

• Mise en relation des informations

Cette rubrique permet une synthèse d’informations venant des items « comportement avec un livre », « anticiper la structure d’un récit » et « anticiper la fin d’un récit ». Il s’agit ici d’apprécier si la difficulté de lecture est générale (difficulté à coordonner des informations diverses même en dehors de tout écrit) ou si elle tient seulement aux situations de lecture (telle que l’item de la rubrique 5).

Synthèse des résultats

Comme le souligne les auteurs, même si les résultats peuvent être chiffrés, cette cotation n’a qu’un but « pratique et heuristique ». Elle permet de déterminer les domaines de compétences de l’enfant, de situer ses compétences par rapport à ses représentations de la lecture et par la suite de mesurer les progrès. La feuille de synthèse reprend le même schéma que la fig. 1.

L’évaluation pour le CE1

Cette évaluation est prévue sous une forme collective et une forme individuelle (prévue pour les élèves qui présentent des difficultés). Il est tout à fait possible d’utiliser l’ensemble du matériel en passation individuelle. On retrouve ici le même type de rubrique que pour le niveau CP. Il est à noter qu’une partie de l’évaluation collective regroupe des tâches de type métalinguistique (segmentation de phrases en mots, connaissance du code).

Conclusion

Cet outil, même s’il est prévu pour une évaluation dans un cadre scolaire, présente des avantages évidents pour une évaluation orthophonique en individuel de part la richesse des théories et du matériel proposé. Même s’il ne présente pas la rigueur d’étalonnage de certains tests utilisés pour l’évaluation de la lecture, il permet un survol pertinent des représentations et capacités de l’enfant. Plus qu’un outil de diagnostic d’un déficit, c’est un outil de mises en relation des cheminements d’un enfant à un moment donné de son accès à la lecture. La diversité des tâches est un grand avantage qui permet que l’enfant ne perçoive pas cette évaluation comme rébarbative. De plus, peu d’items proposant des situations de lecture à proprement parler, l’enfant peut ne pas être confronté à un sentiment d’échec trop grand.

L’interprétation des comportements de l’enfant lecteur autour de ce matériel permet aussi de trouver des ressources pour un travail en individuel avec l’enfant et en collaboration avec la famille. De plus, chaque tâche étant succincte et claire, le matériel devient relativement « transparent ». Il joue alors le rôle d’un bon médiateur dans l’échange avec l’enfant et les parents sur les enjeux de l’apprentissage et permet d’associer leurs représentations et attentes respectives à une vision large et « ouverte » de la lecture.

Référence :

A. Ouzoulias (1996) : « M.E.D.I.A.L., Moniteur pour l’évaluation des difficultés de l’apprenti-lecteur », Paris : Retz, 490FF

Sophie Willemin, assistante UER D’Orthophonie, Université de Neuchâtel, Esp. Louis-Agassiz 1, 2000 Neuchâtel (Suisse), tél : + 41 (0)32 720 83 15, e-mail : sophie.willemin@lettres.unine.ch
présenté par Sophie WILLEMIN