Evaluation et prise en charge des troubles de la mémoire sémantique

Actualités Orthophoniques Juin 2002 (volume 6, n°2)
1) Etiologie : Les troubles de la mémoire sémantique peuvent être liés à des lésions cérébrales temporales d’origine vasculaire ou consécutives à une encéphalite herpétique. Ces troubles peuvent aussi être présents dans des maladies dégénératives de type Alzheimer.
2) Définition : La mémoire sémantique est un stock de connaissances nécessaires à l’utilisation du langage, à l’attribution du sens en général et à l’interprétation des expériences sensorielles.

Ce stock de connaissances est accessible quelle que soit la modalité sensorielle ( verbale, visuelle, tactile…) d’entrée ou de sortie, mais, étant situé entre les systèmes d’entrée et de sortie ( lexique phonologique, orthographique…) il peut être le siège , en cas d’altérations, de troubles affectant la production ou la compréhension de mots oraux ou écrits, ainsi que la compréhension d’images.

3) Troubles de la mémoire sémantique : Les troubles peuvent concerner une altération du stock sémantique lui-même ( production, compréhension), ou une altération de l’accès aux représentations sémantiques selon la modalité d’entrée :

• S’il s’agit d’une modalité d’entrée visuelle, on sera en présence d’une aphasie optique ( difficulté pour le patient à dénommer des objets présentés visuellement).

• s’il s’agit d’une modalité d’entrée auditive, on sera en présence d’une surdité au sens des mots.

4) Evaluation de la mémoire sémantique : L’objectif est de mettre en évidence, soit l’intégrité du stock sémantique, soit une perte des représentations sémantiques.

Un certain nombre d’épreuves permettent de suspecter une altération du stock sémantique ( exemple : dénomination d’images, d’objets, épreuves d’appariement entre deux représentations d’un même concept, épreuve de fluence verbale, langage écrit…). Mais ces épreuves ne sont pas suffisantes pour affirmer l’existence d’un déficit sémantique ; il faut pour cela démontrer que ce déficit se manifeste pour chaque item par un trouble d’évocation quelle que soit la modalité d’entrée.

Il faut donc tester un même item dans chaque modalité :

• Modalité visuelle : évocation de la connaissance sémantique d’un item à partir d’une entrée visuelle en utilisant pour cela du matériel non verbal, des images par exemple.

• Modalité auditive : test des connaissances à partir d’une entrée auditive ( dénomination de bruits…).

• Modalité verbale : on teste l’établissement de liens entre les représentations phonologiques ou orthographiques des mots et leur signification ( exemples d’épreuves : catégorisation sémantique, définitions de mots, consignes verbales…).

Suite aux épreuves, il faut faire une analyse quantitative des erreurs , mais aussi qualitative des réponses.

Pour évoquer une altération du stock sémantique, il faut mettre en évidence un trouble de la connaissance des objets, de la compréhension des mots oraux et écrits, de la production orale et écrite de ces mêmes mots.

5) Rééducation des troubles de la mémoire sémantique :

Les conduites thérapeutiques seront différentes selon qu’il s’agit d’une atteinte des représentations sémantiques elles-mêmes ou qu’il s’agit d’une difficulté d’accès à ces représentations (selon une modalité particulière d’accès, verbale, visuelle ou auditive).

• La dégradation des représentations sémantiques entrave la compréhension quelle que soit la modalité d’accès d’entrée, et perturbe la représentation phonologique ou orthographique de sortie.

La rééducation a pour but d’aider le patient à retrouver les représentations sémantiques sans utiliser la verbalisation du mot correspondant.

Exemples de travail proposé : désignation d’images à partir d’un mot entendu ou écrit.

: appariement d’une définition donnée oralement ou par écrit avec l’image correspondante.

: questions /réponses par oui ou non.

• La rééducation des troubles d’accès sémantique spécifique à une modalité d’entrée est peu développée dans la littérature.

Lors de la thérapie, il est nécessaire d’utiliser un feed-back pour que le patient réussisse la tâche ; il faut également jouer de la répétitivité : mêmes items travaillés, intensité de la thérapie en terme d’heures de travail mais aussi en jours et par semaine.

L’orientation et le choix des exercices proposés sont liés aux déficits associés et il faut privilégier les techniques que le patient semble vouloir utiliser plus volontiers.
J. LAMBERT et coll.

Rééducation Orthophonique, n°208, Décembre 2001