Attention et fonctions exécutives

Attention et fonctions exécutives – résumé personnel-
In « Neuropsychologie et troubles des apprentissages » – M. MAZEAU

Introduction :

Les différents domaines cognitifs (langage, mémoire, vision, praxies?) sont supervisés par des fonctions transversales, hiérarchiquement supérieures.
Ces super fonctions s?approchent le plus de la notion « d?intelligence » :
Il s?agit :
– d?une part de ce que l?on appelle le facteur G (conceptualisation, catégorisation, raisonnement logique?) pour « intelligence générale.
– D?autre part de l?attention, des fonctions exécutives, de la mémoire de travail et de la vitesse de traitement des informations.
Ces fonctions intégratrices correspondent aux processus nécessaires à la réussite de tâches complexes et à la réalisation de comportements dirigés vers un but.

Le cortex préfrontal est une « super zone associative » qui occupe une place essentielle dans la hiérarchie des fonctions cérébrales. C?est selon les auteurs, un chef d?orchestre, un dictateur ou un chef d?entreprise.

L?ATTENTION

« C?est certainement un des processus mentaux les plus fondamentaux ».
Sur le plan neurobiologique, les fonctions attentionnelles recrutent de nombreux réseaux (frontaux, pariétaux, occipitaux) interconnectés et reliés aux noyaux de la base. Leur ancrage frontal (zone dont la maturation est la plus longue, la plus tardive et la plus sophistiquée) explique la plus grande vulnérabilité.

Définitions :
L?attention est à la fois une qualité banale et un concept ardu et tentaculaire.
C?est une fonction-puzzle

? L?attention peut être exogène. Elle est alors déclenchée et orientée de façon quasi-automatique, mais de façon brève et transitoire. Cette orientation peut être bénéfique (comme la prise en compte d?éléments nouveaux chez le tout-petit) ou nocive (distractibilité). Elle peut être endogène, et elle est alors volontaire, orientée vers un projet. Dans ce cas elle est cognitivement plus coûteuse.

? L?attention soutenue correspond à la vigilance.

? L?attention sélective se réfère à la notion d?un choix, d?un filtre avec atténuation des distracteurs. On la compare parfois à un phare qui met en valeur tel lieu laissant ou mettant dans l?ombre tels autres. Il faut distinguer l?information du bruit de fond, en filtrant à l?intérieur du flux permanent d?informations. On l?évalue par des épreuves de barrage, de l?écoute dichotique ou des épreuves de codage.
Elle peut être focalisée (attention brève, rapide en lien par exemple avec une consigne) ou maintenue (en lien avec un projet endogène).

? L?attention peut être considérée comme un réservoir dont les capacités sont limitées. Les ressources attentionnelles sont donc disponibles en quantité finie.

La notion d?effort attentionnel est importante : Il s?agit de la quantité de ressources affectées à une tâche donnée. Il dépend de la nature de la tâche et des compétences du sujet. L?apprenti (donc l?enfant) a moins d?éléments pour trouver une solution et il doit donc déployer davantage d?efforts. Par contre de nombreux actes quotidiens (comme des gestes automatisé, des éléments de mémoire implicite) sont traités quasi automatiquement et ne réclament donc pas d?attention consciente.

? L?attention divisée ou partagée est également un concept important, lié à la limitation des ressources, qui doivent alors être réparties entre deux tâches. La plupart des situations d?apprentissage nécessitent la gestion de doubles tâches. Par exemple, les enfants ayant des problèmes de graphisme ne peuvent libérer ces ressources vers l?aspect orthographique ou le sens. Ils sont alors en situation permanente de double tâche, ce qui constitue un surhandicap caché. Cette situation est à intégrer dans la rééducation et l?apprentissage scolaire.

Pathologie :

La mise en évidence des troubles d?attention est délicate et il serait tout à fait abusif de faire le diagnostic au cours d?une seule consultation. Une observation au décours de séances régulières de rééducation ou après observation du comportement quotidien à l?école est indispensable.
En effet, l?agitation peut être ponctuelle et constituer une réaction à une situation spécifique d?échec, voire refléter son angoisse. Il faut donc s?interroger sur les circonstances. En effet certains « troubles » peuvent être secondaires à une difficulté cognitive aux répercussions mal estimées.

Les tâches d?attention visuelle ou auditive sont complexes et il est indispensable de croiser plusieurs tests pour avoir une bonne interprétation. Un échec isolé ne suffit pas. Par contre il faut interpréter les résultats à la lumière du contexte.

LES FONCTIONS EXECUTIVES

Il s?agit de fonctions qui administrent et supervisent toutes les autres fonctions spécifiques.
Deux mécanismes cohabitent :
– l?inhibition des comportements automatiques et routiniers
En effet les acquisitions ne se font pas qu?en fonction des nouvelles connexions. Il est nécessaire qu?il y ait aussi inhibition de plus en plus performante et sélective des comportements autrefois automatisés.
– le choix et l?application d?une stratégie adéquate.

EXCES d?INHIBITION
Il y a baisse globale de l?intérêt et un manque d?initiative.
L?enfant est apathique, il ne peut initier aucune activité et il est souvent quasi mutique, ne s?exprimant que par phrases minimales.

DEFAUT d?INHIBITION
Il va se manifester par un trouble de l?attention/concentration et par une distractibilité importante. L?enfant est parasité par les événements de l?environnement et il ne peut suivre une idée, mener un raisonnement ou écouter la totalité d?une consigne. Il s?y ajoute le plus souvent un « tripotage » du matériel environnement, qu?il soit manuel ou visuel, à la manière d?une aimantation.

Persévérations :
Certains enfants ne peuvent arrêter l?action en cours, à son terme, provoquant des persévérations. Cette adhérence excessive, ou cette viscosité, peut se retrouver dans divers domaines.
• Par exemple, dans le raisonnement :
L?enfant ne peut passer d?une tâche à l?autre et il est incapable de modifier son schéma mental. Cela apparaît par exemple lors d?épreuves s?effectuant avec un matériel identique mais nécessitant des stratégies différentes (plaques logiques de Nathan ou test du Wisconsin) ou encore lors de la poursuite de séries.
• Mais aussi dans le langage verbal :
Par exemple dans les énumérations des champs sémantiques restreints et finis, comme les jours de la semaine. Les redites ont alors un caractère massif et caricatural. On trouve parfois aussi des persévérations à tonalité phonologique.
• Dans le domaine gestuel
Pour évaluer les troubles, on utilise des enchaînements gestuels dits « à conflit » comme le « paume-poing-côté ». Chaque geste isolé est simple mais l?enchaînement n?est réussi que vers 5-6 ans. Dans le cas d?enfant perturbé, on constate que l?aide verbale ne fait que renforcer l?échec?
• Dans le domaine graphique
C?est un secteur très sensible car il faut un contrôle très important du programme d?exécution. Pour l?évaluation, on choisit également une tâche « à conflit »., comme la figure de Luria.(succession de 2 motifs alternants, de réalisation proche). La figure reste sous les yeux de l?enfant, pourtant les persévérations sont irrépressibles. Les erreurs réapparaissent dans toutes les productions graphiques de l?enfant, y compris le dessin.
Le terme de dysgraphie frontale peut être employé ici, avec l?envahissement par des persévérations et la présence de signes attentionnels et dysexécutifs.

Diffluences

Il s?agit d?une propension exagérée aux associations d?idées alors que le locuteur a perdu le fil de son discours. Il n?y a pas de trouble phonologique, ni de déviance linguistique mais il est difficile voire impossible de suivre le fil du récit. L?enfant « dit n?importe quoi », ce qui lui passe par la tête. Il est très bavard mais peu informatif et ne peut transmettre un message. Les épreuves de fluence verbale sont très échouées.

Impulsivité
L?enfant ne peut attendre la fin de la consigne. Il ne prend aucun temps de réflexion et « se jette » sur le matériel. Il est bavard, agité, fait et dit « n?importe quoi ». Tous les tests sont échoués et toutes les réponses semblent être dues au hasard ! Pourtant, lorsque l?on arrive à stopper son agitation stérile, l?enfant est capable d?une bonne réponse, preuve qu?il a intégré la question et qu?il raisonne bien. En fait il subit les interférences sans pouvoir les contrôler.

TROUBLES de la STRATEGIE
Certaines tâches nécessitent de gérer un ensemble de données et de planifier une succession d?opérations. Il faut alors une flexibilité cognitive. Lorsqu?il y a des troubles dans ce domaine, on peut parler de troubles de la stratégie.

Raisonnement
Les troubles apparaissent dans les épreuves nécessitant une succession d?étapes, comme les problèmes. Pourtant, aidé par une décomposition par un adulte, l?enfant parvient à résoudre chaque étape. Les suites logiques et les labyrinthes sont en général échoués, de même que les QCM.
Pour bien reconnaître les troubles, il ne faut pas se satisfaire des résultats bruts mais interpréter la nature des erreurs et il faut aussi observer l?enfant et ses stratégies durant la passation. Pour mieux cerner ce syndrome dysexécutif, on peut aussi présenter un problème étape par étape. Si l?enfant parvient à résoudre chaque étape, mais pas à la gestion du problème, on peut s?acheminer vers un trouble dysexécutif. Ce trouble masque les capacités de l?enfant que l?on va sous-estimer dans sa totalité.

Mémoire
Les troubles attentionnels vont affecter la prise d?information.
Les troubles de la stratégie vont nuire aux étapes de traitement et d?adressage de l?information, en lien avec la qualité et la solidité du stockage.
Enfin, la sélectivité du rappel est compromise (troubles du choix et diffluences).
On voit donc que le syndrome dysexécutif est particulièrement néfaste à la sphère mnésique, comme en témoignent ces épreuves :
– Empan. Il est chuté par les diffluences. De façon générale, les épreuves faisant appel à la mémoire de travail sont difficiles.
– Apprentissage de listes arbitraires. Les intrus sont nombreux de même que les diffluences, voire les séries automatiques. L?enfant n?a pas conscience de ses erreurs.
– Rappel : les troubles (association phonologiques ou d?idées, digressions?) brouillent le rappel

Langage
Les troubles sont majeurs et significatifs en particulier dans deux situations : les récits et la fluence verbale.
– les récits
Il n?y a pas d?anomalie de la parole ni du langage et l?enfant est très fluent. Par contre, la désorganisation des différents éléments, l?absence de lien entre les thèmes, l?irruption d?éléments du vécu ou la fuite des idées déstructurent complètement le récit. On peut comparer avec le récit d?un enfant dysphasique, très réduit, très agrammatique, mais bien plus informatif.

– les épreuves de fluence
L?évocation est comme figée par la contrainte, l?exigence de rester dans un champ imposé alors que l?enfant peut évoquer facilement dans le langage spontané.

MEMOIRE de TRAVAIL

C?est un des éléments constitutifs des fonctions attentionnelles et exécutives et elle est donc indissociable.
En effet, d?une part la mémoire de travail n?est pas une « vraie » mémoire car son objet est de permettre un travail mental, d?autre part le cortex préfrontal est électivement activé dans les tâches spécifiques de ce type de mémoire.
Pour être efficace, la mémoire de travail doit :
– capter et maintenir les informations utiles le temps nécessaire à leur traitement (boucle phonologique et calepin visuospatial) ce qui impose une dépendance étroite de l?attention.
– Assurer de façon coordonnée certaines fonctions comme répartir les ressources attentionnelles de façon pertinente ou vider de façon pertinente (notion de choix, de stratégie) les éléments non pertinents. Les fonctions exécutives impliquées dans le fonctionnement de la mémoire de travail sont souvent regroupées sous le nom d?administrateur central.

Mais au-delà de la théorie, c?est l?ensemble de l?activité mentale et des apprentissages qui sont sous la dépendance de la mémoire de travail. Par exemple :
– En matière de langage : Pour comprendre un énoncé, il faut en permanence réviser le contenu de la mémoire de travail au fur et à mesure de l?entrée de nouvelles infos tout en mettant en avant les seuls éléments pertinents.
– En matière de calcul mental: lorsqu?il débute, l?enfant doit garder en mémoire de travail les nombres de base mais aussi les résultats de certains calculs intermédiaires, les autres devant être vidés de la mémoire.
– En matière de logique : il faut maintenir en mémoire les seuls éléments pertinents, tout en inhibant les routines qui se développent automatiquement.

DEFICIT de l?ATTENTION AVEC ou SANS HYPERACTIVITE.

Les THADA (troubles hyperkinétiques avec déficit de l?attention) constitue un syndrome neurodéveloppemental et concernerait 1 à 3% des enfants en âge scolaire. Il y a une fréquence plus importante chez les anciens prématurés et peut-être un caractère génétique.

Le trouble attentionnel, assorti d?une grande impulsivité, est toujours au premier plan. Le diagnostic ne peut être porté que sur un ensemble de signes : interrogatoire de l?enfant et des parents, plaintes des enseignants, questionnaire de Conners.
Le trouble est toujours précoce (souvent dès la première enfance, toujours avant 7 ans), il doit durer plus de 6 mois, avoir un retentissement social et scolaire notable et il doit apparaître à la maison et à l?école.
Il convient de distinguer l?enfant THADA de l?enfant anxieux et donc fébrile et de l?enfant opposant et provocateur. Il faut également par des tests neuropsychologiques évacuer un trouble spécifique primitif (comme une surdité verbale, une dyspraxie voire une dyslexie) qui créerait un comportement équivalent.
Les THADA induisent toujours des troubles d?apprentissage sévères.

Les grands axes de la prise en charge :

On peut proposer simultanément :
– un traitement médicamenteux
– une rémédiation cognitive
– une aide psychologique
La prise de conscience de ses troubles par l?enfant est essentielle.
Ensuite il faut déployer toute une batterie de conseils, tant à l?enfant, aux parents qu?aux enseignants.
On doit proposer des tâches courtes, simples, permettant la réussite et donc la sortie de la spirale des échecs. On doit structure les activités et en « routiniser » certaines. On doit travailler en contrôlant et limitant les distracteurs.
Des instructions très précises doivent être données, sans la moindre improvisation.
Des stratégies sont données à l?enfant pour vaincre son impulsivité (attendre le signal pour donner une réponse) et pour contrôler ses actions (actions séquencées, contrôle verbal) dans un apprentissage d?auto-instruction.

Sur le plan scolaire, il faut développer une information et des conseils pédagogiques, ainsi que mettre sur pied un projet d?intégration.
Des conseils doivent être donnés aux enseignants : segmenter les tâches en éléments successifs, respecter la fatigabilité, convenir d?un code pour contrôler son impulsivité, permettre à l?enfant d?interrompre régulièrement son travail.

PROPOSITIONS THERAPEUTIQUES

La rééducation individuelle est la règle, dans une situation duelle, quasi-préceptorale.
La prise de conscience explicite est la première étape obligatoire. Elle doit se faire de façon progressive, sans culpabilisation, à partir de matériel concret. Elle est indispensable pour que l?enfant accepte les aides efficaces et reprenne à son compte les techniques proposés. Lorsqu?il y a une médication, les séances doivent être effectuées durant le temps d?action.

Faciliter l?inhibition

Il faut travailler dans une pièce calme et silencieuse, mais aussi une pièce dépouillée, pour éviter l?aimantation et le tripotage.
Les séances doivent être courtes, voire très brèves, entrecoupées de moments distractifs.
On travaillera avec du matériel concret, simple et dépouillé, ce qui facilite l?attention dirigée.
Toute persévération, toute impulsivité doivent être arrêtées d?une parole, d?un geste ou du regard. En même temps, on montrera à l?enfant sa réussite lorsqu?il est « attentif »..
Par exemple, dans une épreuve de désignation, on demande à l?enfant de cacher ses mains sous la table, d?écouter la consigne et de donner sa réponse après. Dans les cas les plus graves, on pourra même tenir la main de l?enfant pôur la retenir. En graphisme, on fera poser le crayon entre chaque élément.
Ces aides physiques sont progressivement allégées (simple regard, petit geste, voix) sauf lorsqu?il y a encore une difficulté.

Aides « stratégiques »

Il faut toujours proposer des tâches simples, avec des consignes simples : pas de doubles consignes, pas de consignes avec programmation ou planification? Il faut donc décomposer systématiquement chaque tâche en plusieurs étapes, travail à faire avant la séance.
Il faut donner la trame générale pour que l?enfant suive les différents stades (par exemple avec un tableau et des éléments de couleur.
Les tâches verbales doivent être soutenues par un support matériel (images simples et dépouillées, sans interférences).
Toute réponse en choix multiple est à bannir.

Dans un second temps, on élargira les possibilités :
– doubles consignes
– petits choix
– suppression partielle du matériel lors d?un travail verbal
– tâches de classement, de sériation, de doubles entrées
– alternances entre les afférences (visuel, graphique, gestuel).

L?ensemble de la rééducation repose donc :
– sur l?inhibition des persévérations et de l?impulsivité
– sur la canalisation de l?attention.
C?est une rééducation qui exige une prise en charge fréquente, pluri hebdomadaire. L?aide des parents et des enseignants est indispensable.

Résumé par R.D. le 13/09/07